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Comme une évidence

Simon Alves
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Tous les mois, retrouvez le portrait d’un adhérent aux Jeunes Agriculteurs avec notre chronique «JAttitude». A 24 ans, Florent Bouchard est depuis 2020 installé en Gaec avec son père sur l’exploitation laitière familiale. Passionné par sa profession, il tente d’apporter un souffle nouveau au sein d’un élevage qui s’apprête à doubler sa surface.

Comme une évidence

Il suffit d'écouter Florent Bouchard parler de son métier pour avoir en­vie de s'y mettre. Âgé de 24 ans, le jeune homme exerce tout simplement sa passion depuis qu'il a rejoint son père, Eric, en Gaec sur l'exploitation fami­liale de Pollionnay. « Ça a toujours été une évidence pour moi, reconnaît-il sans mal. Le contact avec les animaux me mo­tive. J'aime les bêtes, faire des concours de vaches et m'intéresser à tout ce qui concerne la génétique. C'est aussi ce qui fait que j'ai voulu partir là-dedans. » Ça et le fait que l'élevage bovin coule irrémédiablement dans les veines des Bouchard. Florent représente en effet la troisième génération de cette dynastie à développer cette activité agricole le long de la route de Lentilly. Ses grands-pa­rents avaient démarré avec une petite ferme, n'élevant qu'entre cinq et six vaches et une vingtaine de chèvres dont la production était ensuite vendue sur les marchés.

Par la suite, son propre père a fait monter le cheptel bovin à 15 vaches à lait, puis 30 jusqu'à aujourd'hui. « Mon but est de pérenniser au maximum cet hé­ritage », affirme avec motivation Florent. Ce qui n'a d'ailleurs pas tardé à poindre à l'écouter raconter son enfance. « Dès mes 3 ou 4 ans mon père m'emmenait dans le tracteur et dès ce moment, j'ai nagé au milieu de l'exploitation, se remé­more-t-il le sourire aux lèvres. Ensuite j'ai commencé à me passionner pour les vaches. Puis comme mon père était en individuel et commençait un peu à fatiguer, j'ai commencé vers mes 14 ans à traire autant que je pouvais pour le soulager. » Là où certains enfants d'agriculteurs se jurent de ne pas s'infliger la pénibilité de la profession une fois venu le temps de choisir une voie, Florent Bouchard a, au contraire, préféré se retrousser les manches et apporter au paternel le soutien dont il avait besoin.

Le travail à deux 

Cette « grande passion affirmée », le jeune agriculteur n'a pas vraiment ter­giversé au moment de faire le choix de sa formation. À Saint-Laurent-de-Cha­mousset, il s'est vite orienté vers un bac puis un BTS en alternance lui permettant de professionnaliser ses compétences acquises sur le terrain. Un parcours qui lui a notamment permis d'effectuer plusieurs stages dans différentes ex­ploitations et divers départements. « Je suis allé dans le Jura et la Saône-et-Loire, aussi bien dans des élevages laitiers que de l'allaitant ou de la transformation fro­magère, raconte-t-il. Je voulais voir ce qui se faisait partout et affiner mes choix en fonction de ce qui me plaisait ou non. » Après deux années de salariat chez son ancien maître de stage à Duerne et de service de remplacement, Florent a fini par choisir de revenir sur les terres qui ont vu naître son amour de l'élevage. Une décision motivée par deux raisons distinctes, mais fortes de conviction. « D'abord parce que je voulais bosser un peu plus pour moi, et aussi dans le but d'agrandir l'exploitation et de la dévelop­per », révèle-t-il.

Son arrivée a aussi permis à son père de se libérer un peu plus de temps les week-ends et pour se prendre des vacances. Comme dans chaque exploitation familiale, le travail entre un père et son fils n'est pas une sinécure. Éric et Florent vivent sous le même toit pour rester à proximité de leurs bêtes. « On se connaît très bien et on se dit les choses, détaille le jeune agri­culteur. Ça peut arriver que l'on s'accroche sur la façon de travailler mais sinon ça se passe bien. » D'autant plus que si les deux hommes ont toutes les compétences pour faire tourner la ferme, chacun a son rôle. Là où le fils s'occupera un peu plus des vaches, le père se tournera vers la gestion des cultures, de l'alimentation et des veaux.

« Quand on est jeune, on voit toujours tout en grand » 

Qui dit nouvelle génération, dit générale­ment nouvelles techniques. Et au travers de ses stages, Florent Bouchard en a dé­couvert qu'il a pu mettre en pratique sur les terres du Gaec. « Maintenant on essaye de labourer le moins possible ou encore de mettre des cultures intermédiaires concernant le travail du sol, détaille-t-il. Pour les vaches on prépare mieux les bêtes au vêlage et on a amélioré le confort des veaux. Ça redynamise l'exploitation et ça lui donne un coup de jeune. » Une innova­tion qui doit aussi prendre sa place avec l'aval du père. « Ce n'est jamais simple, il faut arriver à se faire respecter, admet Florent. Le gros avantage avec notre écart d'âge, c'est que j'amène de la nouveauté et de la connaissance et que lui bride avec son expérience. Les deux mélangés, ça fait un très bon compromis. Quand on est jeune, on voit toujours tout en grand. Il faut aussi savoir se limiter. »

Ces limites ne sont pourtant pas à l'ordre du jour. L'élevage, qui produit 450 000 litres de lait livré en coopérative à Sodiaal, a prévu de voir encore plus grand à l'avenir. « L'idée est de doubler la production en passant à 60 vaches dans les deux ans et d'arriver à 120 ha de terres », annonce Florent Bouchard. Les deux ex­ploitants espèrent ainsi être autonomes pour alimenter leurs vaches grâce à leur propre production. La construction d'une nouvelle stabulation de 1200 m² pour les vaches et l'utilisation du bâtiment actuel pour le stockage de fourrage font aussi partie des futures réalisations de l'entreprise.

Les Jeunes agriculteurs, un cercle soudé 

L'avenir, c'est aussi celui qui se présen­tera dans dix ans, lorsque Éric prendra sa retraite. Et dans la configuration vers la­quelle s'achemine l'exploitation, il faudra toujours au minimum deux personnes sur l'exploitation pour la faire tourner. Une optique à laquelle Florent a déjà réfléchie. « Ma copine travaille en trans­formation fromagère à Vaugneray et l'idée est qu'elle prenne la relève, prévoit-il. On veut garder cette exploitation à taille humaine avec 30 vaches par personne. »

Adhérent d'une Cuma qui lui permet de faire baisser les charges de mécanisa­tion, le jeune homme peut aussi compter sur son voisinage et les Jeunes agricul­teurs du canton, dont il fait partie depuis quatre ans maintenant. « Nous nous ras­semblons souvent, raconte-t-il. Il faut dire que je fais des concours de labour depuis mes 14 ou 15 ans et que les JA représentent une force. On peut se retrouver et discuter des projets de chacun. Cela permet de ne pas se sentir seul dans le secteur. » Alors que sa Cuma se bat pour obtenir une retenue collinaire depuis plusieurs années, Florent Bouchard compte sur le soutien des JA dans ce combat, et aussi dans leur lutte pour l'installation d'autres aspirants agriculteurs dans le secteur afin de maintenir le dynamisme du canton.