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Blaise Pascal, dans les pas du génie

À l’occasion des 400 ans de sa naissance, la ville de Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme) met à l’honneur la vie et l’œuvre de son plus célèbre mathématicien et philosophe dont les travaux nourrissent, encore aujourd’hui, les réflexions des intellectuels les plus chevronnés.

Blaise Pascal, dans les pas du génie
Blaise Pascal a imaginé vers 1642 la première machine à calculer, la Pascaline.

Souvent évoqué ou étudié au détour d’un cours de mathématiques, de physique, de théologie ou encore de philosophie, l’œuvre de Blaise Pascal est immense, à la mesure de son génie, que certains contemporains de l’époque avaient déjà perçu comme exceptionnel. Dominique Descotes, professeur émérite en littérature du XVIIe siècle, qu’il enseigne à l’université Blaise Pascal de Clermont-Ferrand, est certainement l’un de ses plus fins connaisseurs.
Régulièrement, au travers notamment de l’association des Amis du centre international Blaise Pascal qu’il préside, il se met volontiers à la portée du néophyte, en particulier lorsqu’il s’agit d’évoquer l’auteur des Pensées, son ouvrage le plus illustre. « C’était une personnalité ouverte, il a travaillé sur tout et créé dans tout : mathématiques, physique, droit, philosophie, religion, commerce. Il avait même un côté Arsène Lupin. À une période de sa vie, il était recherché par toutes les polices de France et a vécu dans la clandestinité après la publication des Provinciales, œuvre condamnée par les autorités politiques et religieuses. Sa prodigieuse intelligence était toutefois louée », raconte le chercheur.

Surdoué dès son plus jeune âge

Né le 19 juin 1623 à Clairmont, actuelle Clermont-Ferrand, en haut de la rue des Chaussetiers au pied de la cathédrale, Blaise Pascal est issu d’une ancienne famille bourgeoise auvergnate, son père ayant été anobli en devenant président de la cour des aides. En 1631, la famille s’installe à Paris, où le père, Étienne Pascal, fréquente les milieux intellectuels. Le jeune Blaise et ses deux sœurs évoluent alors dans l’univers des humanistes. Très tôt, il développe des capacités intellectuelles exceptionnelles. « À 16 ans, il fait publier un Essai pour les coniques, ouvrage de géométrie qui surprend ses contemporains, au point que Descartes pense qu’il est de son père », précise Dominique Descotes.


Statue de Blaise Pascal datant de 1879 par Eugène Guillaume dans le square Blaise Pascal à Clermont-Ferrand.

La Pascaline, ancêtre de la calculatrice

Pour soulager son père dans les longs calculs que lui impose sa charge, Blaise imagine vers 1642 une machine capable d’effectuer automatiquement les quatre opérations : addition, soustraction, multiplication et division, et même, avec un peu d’adresse, de tirer les racines carrées. Il parvient à adapter son invention au calcul des longueurs et des monnaies. Cette première machine à calculer prendra le nom de Pascaline.
À partir de 1646, Pascal s’intéresse aux travaux de Torricelli et tente de démontrer la pesanteur de l’air. En 1648, il fait réaliser par son beau-frère, Florin Périer, époux de Gilberte, la fameuse expérience du Puy-de-Dôme. Trois mesures sont réalisées, à Clermont, Orcines et au sommet du Puy-de-Dôme, afin de constater qu’à mesure qu’on s’élève, la colonne de mercure s’abaisse dans le tube, s’expliquant par la diminution de la pesanteur de l’air qui la contrebalance. La pression atmosphérique est définitivement démontrée : elle se calcule aujourd’hui en hectopascal. Dans les années 1650, Blaise Pascal fréquente les cercles de jeux, il en retira un traité des partis, à la base du calcul des probabilités.

Visionnaire et croyant

Puis vient l’expérience mystique : le 23 novembre 1654, dans la nuit, Blaise Pascal sent la présence immédiate de Dieu à son cœur. Cet épisode baptisé « La nuit de feu » conduira le scientifique à se rapprocher des milieux jansénistes dans la mouvance du couvent de Port-Royal-des-Champs. Il publie en 1655 Écrits sur la grâce qui rejoint la pensée janséniste sur la prédestination.
S’ensuivent des querelles à la Sorbonne entre partisans et adversaires du théologien Jansénius. En mars 1962, cinq mois avant de s’éteindre à 39 ans, il inaugure sa dernière réalisation, qui reflète parfaitement le souci d’action concrète qui habite le savant : les carrosses à cinq sols. La première ligne de « transports en commun » est élaborée à Paris, convoyant les passagers au moyen de sept carrosses publics, mis en service entre la Porte Saint Antoine et le Luxembourg avec stations et changements. La course coûte cinq sols. « Pascal était un véritable chef d’entreprise, soucieux de la vente de sa machine arithmétique, jusqu’à anticiper la publicité moderne, comme de la réussite de sa société Les carrosses à cinq sols. Actionnaire, il a finalement reversé ses bénéfices à l’hôpital de Paris. C’était un touche-à-tout qui transformait tout en découverte ou en invention. Pessimiste à l’égard de la société, il n’y voyait pas une malédiction, un dessein de Dieu, simplement les errements des Hommes », conclut Dominique Descotes.

Sophie Chatenet

 

Des progrès agricoles grâce à la presse hydraulique

Au XVIIe siècle, la monarchie modernise l’agriculture en lançant une grande campagne de dessèchement de quelques lacs et marais. Les premières campagnes de dessèchement avaient été lancées par Henri IV et Sully et confiées à des Hollandais. Un des premiers grands succès est le dessèchement du lac de Sarliève situé dans la plaine de Limagne, aux portes de Clermont-Ferrand. D’autres suivront, du côté du marais poitevin où plusieurs sociétés se constituent pour conduire les travaux. Blaise Pascal rejoint l’une d’entre elles. L’occasion pour lui de mettre en pratique ses connaissances et découvertes dans le domaine de l’hydraulique. Il s’intéresse à la statique des eaux mais également à l’hydrodynamique. Le Traité de l’équilibre des liqueurs et de la pesanteur de la masse de l’air, publié en 1663, après la mort de Pascal, y décrit pompes et siphons, indispensables au dessèchement de ces terrains inondés. La presse hydraulique inventée par Pascal y trouve là une utilisation royale.

L’empreinte de Pascal, suivez la piste…

L’empreinte de Pascal, suivez la piste…

Jusqu’en décembre 2023, Blaise Pascal est à l’honneur dans les rues de Clermont-Ferrand. En partenariat avec l’office du tourisme et les commerçants de la ville, un jeu de pistes est proposé de 10 h à 19 h du mardi au samedi. Au fil d’1,8 km, une mission ponctuée d’indices vous mènera dans les pas du génie. Renseignements : Maison du tourisme, Place de la Victoire.
Par ailleurs, un des grands projets des commémorations est une exposition au Marq, musée d’art Roger-Quilliot entre juin et octobre 2023, en lien avec la Fête de la Science et les Journées européennes du patrimoine. Cette exposition sera accompagnée d’un colloque sur les machines à calculer. Le pari des commémorations sera de replacer Blaise Pascal dans l’Histoire, y compris celle de Clermont-Ferrand, sans le faire passer pour un penseur rébarbatif ou un savant pur et dur.

Dominique Descotes est à l’origine, entre autres, du gigantesque travail de numérisation du manuscrit original des Pensées entamé au début des années 2000.