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“ On peut mieux faire ”, le défi de l’enseignement agricole

Le festival « We can » s’est déroulé au lycée agricole du Valentin, dans la Drôme, début mai. Les élèves d’une vingtaine d’établissements agricoles de formation publique de la région Auvergne-RhôneAlpes se sont réunis pour présenter les défis qu’ils ont relevés tout au long de l’année autour de deux thèmes : les transitions agroécologiques et l’écocitoyenneté. 

“ On peut mieux faire ”, le défi de l’enseignement agricole
Le lycée agricole George Sand d’Yssingeaux, en HauteLoire, repart avec le trophée « On peut mieux faire » pour son évènement « journée de l’eau et de l’arbre ».

Plus de 200 élèves, mais aussi des enseignants et directeurs d’établissements ont fait le déplacement, jeudi 4 mai, dans la Drôme pour la première édition du festival « We can »1.
Durant cette journée riche en énergie, émotions et non dénuée d’humour, ils ont présenté les défis qu’ils ont relevés tout au long de l’année sur les thématiques des transitions agroécologiques et de l’écocitoyenneté. Ce festival est l’aboutissement d’un projet lancé en 2021, au moment de la crise Covid, par le réseau de l’enseignement agricole public régional. « Nous voulions mettre en lien les élèves des 28 établissements agricoles de la région autour d’activités et de défis liés aux thématiques du développement durable, de l’écocitoyenneté et de l’agroécologie », explique avec enthousiasme Matthieu Prevost, directeur du lycée agricole Olivier de Serres (Ardèche) et coordonnateur de l’événement pour le réseau Natur’Academie2.
Restrictions sanitaires obligent, ces différents défis ont d’abord eu lieu sur les réseaux sociaux. En mai 2022, leur restitution a pu être organisée à Saint-Étienne, donnant officiellement naissance à l’opération baptisée « On peut mieux faire ». « Nous ne pensions pas que la quasi-totalité des établissements serait présente à cet événement », confie le responsable. Un succès notable, qui a convaincu les équipes pédagogiques de renouveler l’expérience en 2023. Le festival « We can » est ainsi né, avec un partenaire de taille : la chaîne « Au nom de la Terre TV », portée par le réalisateur Édouard Bergeon.


Selon Matthieu Prevost, directeur du lycée agricole Olivier-de-Serres à Aubenas (Ardèche), le festival « We can » est l’occasion de fédérer les élèves autour des enjeux liés au développement durable.

Trois défis à réaliser durant l’année scolaire

Le 4 mai, au lycée agricole du Valentin, à Bourg-lès-Valence, 17 établissements scolaires étaient réunis pour décrocher le trophée « On peut mieux faire ». Chaque équipe avait quelques minutes pour présenter au jury le projet sur lequel elle s’était investie durant l’année scolaire, le tout sur des stands où la mise en scène comptait tout autant que le bagout des élèves. Pour ce premier défi, le jury a été particulièrement attentif à l’investissement et à la sincérité des équipes, à la qualité des productions et à la pérennité des actions menées. En parallèle, il devait aussi départager les établissements sur deux autres défis : la réalisation d’un journal vidéo qui retrace le parcours, la passion et l’investissement des jeunes, et l’organisation d’une marche solidaire, fédératrice et engagée écologiquement. Celle-ci devait réunir le maximum d’élèves et les personnels de leur établissement, mais également des personnes extérieures.

 


Pour Bruno Ferreira, directeur régional de l’agriculture, « ce type d’initiative est fondamental. C’est avec ces jeunes qu’on construit la génération d’agriculteurs ou d’acteurs du monde rural de demain ».

« Prendre leur place dans le débat »

« C’est une journée qui fait du bien. Il y a une richesse, une diversité dans ces projets et une capacité de l’ensemble de ces jeunes à se projeter sur des enjeux écocitoyens très divers avec un optimisme hallucinant. Ce type d’initiative est fondamental. C’est avec ces jeunes qu’on est en train de construire la génération d’agriculteurs ou d’acteurs du monde rural de demain », a déclaré Bruno Ferreira, directeur régional de l’agriculture, de l’alimentation et de la forêt (DRAAF) en Auvergne-Rhône-Alpes, à l’issue de cette rencontre. Et Matthieu Prevost insiste, « ce festival We can est avant tout l’occasion de structurer des projets pédagogiques stimulants pour les élèves et les enseignants. Le but est que cet événement devienne un fil rouge dans nos établissements régionaux et qu’il complète le plan “Enseigner à produire autrement”».
Et si tous les projets présentés ne sont pas en lien direct avec la production agricole, ils ont tous un point commun : former les élèves à créer le changement. « Cet exercice a aussi pour objectif de les rendre capables de porter des projets, de prendre leur place dans le débat et ainsi de défendre l’agriculture », conclut Matthieu Prevost. 


Léa Rochon et Sophie Sabot


1. We can : expression anglaise qui signifie « nous pouvons ».
2. Natur’Académie : marque du réseau des 28 établissements de l’enseignement agricole public d’Auvergne-Rhône-Alpes.

EN BREF

Les défis ont été minutieusement scrutés par le jury du festival, composé, entre autres, d’Antoine Robin, cofondateur avec Edouard Bergeon de la chaîne « Au nom de la Terre TV », de Bruno Ferreira, directeur régional de l’agriculture de l’alimentation et de la forêt en Auvergne-Rhône-Alpes (Draaf), de Patricia Picard, conseillère régionale... 

Des initiatives très diverses et une énergie folle
DÉCOUVERTE

Des initiatives très diverses et une énergie folle

Développement durable, transition agroécologique, écocitoyenneté… Les élèves ont planché sur ces questions et présenté au jury des initiatives très diverses. En voici une petite sélection.

Primés ou non par le jury, la diversité des projets présentés par les élèves pour le défi « On peut mieux faire » mérite un coup de projecteur. Au lycée Les Sardières à Bourg-en-Bresse (Ain), les élèves de première CGEA (conduite et gestion de l’exploitation agricole) et ceux de BTS STA (sciences et technologies des aliments) ont planché ensemble sur la valorisation de la féverole. L’exploitation du lycée mène depuis plusieurs années des essais sur la féverole, de plus en plus utilisée dans l’Ain pour les couverts végétaux. Mais comment cette culture peut-elle aussi répondre à l’enjeu de l’autonomie protéique, notamment pour l’élevage laitier de l’exploitation du lycée ? C’est en travaillant sur ces questions qu’est née l’idée de réfléchir également à sa valorisation en alimentation humaine, avec la mise au point d’une pâte à tartiner et de biscuits à base de farine de féverole que le jury a pu déguster le 4 mai.

« Faire bouger l’alimentation »

À Vienne (Isère), au lycée Agrotec, les élèves ont détourné une fable de La Fontaine pour présenter au jury les initiatives menées cette année dans leur établissement autour de l’alimentation, des circuits courts et du gaspillage alimentaire. « Notre établissement propose en moyenne 30 % de produits locaux dans les repas de la cantine, essentiellement des fruits et légumes, des produits laitiers. 
Nous avons voulu mettre en valeur le travail des cuisiniers et surtout faire bouger tout ce qui tourne autour de l’alimentation avec l’idée de mieux manger et moins gaspiller », expliquent les élèves de BTS GPN (gestion et protection de la nature) qui concouraient pour le défi. Parmi les initiatives, un affichage quotidien des quantités d’aliments gaspillés (en gramme par élève) sur le repas de la veille d’après la pesée des déchets. De quoi motiver les jeunes de l’établissement à revoir leurs habitudes alimentaires.

Un produit symbolique du gaspillage

Autre ambiance au lycée de Contaminesur-Arve en Haute-Savoie, où les élèves avaient décidé de bousculer un peu le jury sur la question des protections périodiques féminines. Eva Egido, élève de première CGEA, a présenté le projet qui a réuni l’ensemble des classes du lycée autour d’ateliers de couture pour fabriquer un maximum de protections périodiques en tissu, lavables et réutilisables.
« En termes de gaspillage, les protections jetables sont un produit symbolique. On a vraiment l’impression de jeter de l’argent par la fenêtre », commente la lycéenne. Loin d’elle l’idée d’un retour en arrière en revenant à des serviettes en tissu. Celles-ci sont conçues pour se replier très proprement sur elles-mêmes après utilisation et être lavées en machine, « sans consommation supplémentaire d’eau puisque le lave-linge tourne déjà pour nos vêtements », insiste la jeune femme. Objectif à présent : fabriquer assez de serviettes lavables pour que chaque fille de l’établissement (une centaine sur 200 élèves) s’en voit remettre au moins une à la rentrée prochaine.

Place aux jeunes dans les instances

Au lycée Olivier de Serres d’Aubenas, le défi « On peut mieux faire » s’est fait écho d’une initiative locale avec le parc naturel régional (PNR) des Monts d’Ardèche autour de l’engagement de la jeunesse dans la vie associative et politique. Des élèves de BTS GPN ont participé aux ateliers de compréhension et d’écoute sur le thème « À la conquête de la place des jeunes dans les instances de gouvernance ». Ils ont notamment organisé dans leur établissement un théâtre forum réunissant élèves, enseignants et personnels administratifs au cours duquel chacun a pu intervenir et donner son avis. Freins liés à la mobilité, craintes des a priori sur les jeunes élus… tous les thèmes ont été abordés.
Cette initiative a permis à deux élèves de BTS du lycée de rejoindre le comité de programmation du dispositif européen Leader sur le territoire du PNR et de prendre part, tout récemment, au choix des dossiers qui bénéficieront d’une subvention Feader1, soit 1,5 M€ distribué pour des projets locaux. 

Sophie Sabot

1. Feader : fonds européen agricole pour le développement rural.

PARTENARIAT

“ Un vlog bluffant et remarquable ”

Antoine Robin a cofondé la chaîne « Au nom de la Terre TV » avec le réalisateur et fils d’agriculteurs, Édouard Bergeon. 
Les deux professionnels de l’image, partenaires du festival « We can », ont décerné le prix du meilleur vlog1, ainsi qu’une mention spéciale à deux réalisations d’élèves.
Quel est le lien entre le festival « We can » et votre chaîne « Au nom de la Terre TV », co-fondée avec Édouard Bergeon ?
Antoine Robin : « Avec le défi vlog, nous avons proposé aux étudiants des lycées agricoles de raconter leur quotidien. Je leur ai notamment montré comment monter un scénario et tourner une vidéo de cinq à dix minutes. J’ai ensuite sélectionné un film qui m’a le plus marqué, en l’occurrence, celui qui traite de la place des femmes dans l’agriculture (lire par ailleurs), où un étudiant joue le rôle d’un machiste dans un univers agricole uniquement composé de femmes. Ce vlog était bluffant et remarquable. »
Comment allez-vous diffuser et mettre en avant ce vlog ?
A. R. : « Nous allons le récupérer pour l’étalonner et le mixer, puis le proposer en accès libre sur notre plateforme. Nous avons également décerné deux mentions spéciales. La première concerne le travail réalisé par Pauline, du lycée agricole de Cibeins dans l’Ain, qui a une déficience visuelle et qui a décidé de raconter son handicap. La seconde mention concerne deux jeunes du lycée Georges Sand d’Yssingeaux qui ont conçu leur vlog autour d’un rap de leur composition. »
Selon vous, le quotidien des agriculteurs et agricultrices n’est pas assez médiatisé ?
A. R. : « Certes, l’émission L’amour est dans le pré a participé à la médiatisation des agriculteurs et des agricultrices… Mais les jeunes de moins de 20 ans n’y sont pas représentés, alors qu’ils sont l’avenir du métier. Malheureusement, l’agriculteur est trop souvent pointé du doigt comme s’il était quelqu’un qui brutalise les animaux ou qui pompe de l’eau sans se soucier des ressources. Avec notre chaîne, nous voulons prouver que la réalité du monde agricole est contraire à ces idées. Nous travaillons pour mettre en avant la jeunesse agricole qui fait ce métier par passion, même si les injonctions de la société leur disent parfois que ce n’est pas bien vu d’être agriculteur ou agricultrice. Lors de ce festival, j’ai remarqué que beaucoup de filles veulent changer les pratiques. Cette jeunesse veut avancer dans le bon sens, mais il va falloir l’aider sur l’accès au foncier. » 

Propos recueillis par Léa Rochon 
1. Le vlog, contraction de vidéo et blog, a pour principe de raconter sa vie en vidéo. 

Le trophée “ On peut mieux faire ” part en Haute-Loire
PALMARÈS

Le trophée “ On peut mieux faire ” part en Haute-Loire

Un trophée et six prix ont été distribués aux établissements d’enseignement agricole à l’issue du festival « We can ».

Tout au long de l’année, il avait été précieusement conservé par le lycée de Cibeins dans l’Ain, vainqueur de l’édition 2022. À l’issue de cette intense journée en Drôme, c’est le lycée agricole George Sand d’Yssingeaux, en Haute-Loire, qui repart avec le trophée pour son évènement « journée de l’eau et de l’arbre ». Le 21 mars dernier, il a réuni plus de 600 élèves du lycée et d’autres d’établissements haut-ligériens pour sensibiliser à la préservation des ressources. Avec de nombreux ateliers scientifiques, artistiques, des débats, des conférences (plus de 60 intervenants), la journée a été riche. Pour corser le tout, l’établissement a fonctionné sans eau : chacun devait apporter sa gourde, utiliser des toilettes sèches… De quoi marquer les esprits et cogiter sur la place de l’eau dans notre vie quotidienne. Au-delà du défi « On peut mieux faire », le lycée d’Yssingeaux a également fait un sans faute en menant à bien les deux autres défis - la marche solidaire et engagée et le vlog (lire ci-contre) - sans toutefois remporter de prix.


« Pourquoi pas elle ? »
Le prix du vlog, c’est à dire de la meilleure vidéo engagée et citoyenne a été remporté par le lycée de Contamine-sur-Arve (Haute-Savoie) pour son projet « Pourquoi pas elle ? » Avec un humour qui a fait mouche auprès du jury, les jeunes ont voulu montrer que les filles « savent travailler » et ont toute leur place dans le monde agricole. Le scénario : un jeune homme, un brin macho, qui débarque pour la rentrée en BTS production animale (PA) et découvre une classe exclusivement féminine. Paniqué, il part explorer l’exploitation du lycée pour trouver « les gars ». De la salle de traite à l’étable, en passant par l’atelier mécanique, il ne rencontre que des filles en train d’effectuer avec savoir-faire et passion les différentes tâches. « Mais il est où votre patron ? » s’exclame le jeune comédien. Dans la réalité, le BTS PA de Contamine-sur-Arve compte bien plus de garçons que dans la vidéo. « Garçon ou fille, dans notre classe, nous sommes soudés car nous avons compris que nous sommes tous complémentaires », a confié Axelle Muzeau, l’une des étudiantes.


Les autres prix
- Le prix « Mille bornes pour ma planète » (défi de l’organisation d’une marche solidaire, fédératrice et engagée écologiquement) a été décerné au lycée de La Côte-Saint-André (Isère).
- Le prix du speech « On peut encore mieux faire », pour la présentation la plus éloquente du défi « On peut mieux faire » a été remis aux élèves d’Agrotec Vienne (Isère) pour leur fable sur l’alimentation. 
- Le prix de la solidarité a été attribué au lycée Roanne Chervé Noirétable (Loire) pour le projet de création d’une forêt urbaine en lien avec les habitants de la ville de Thiers.
- Le prix de la créativité a été remporté par le lycée des Combrailles (Puy-de-Dôme) pour son projet de sensibilisation contre le gaspillage des vêtement et pour le recyclage.
- Enfin, le prix du travail d’équipe a été décerné au lycée de Cibeins (Ain) pour son action « Mieux vivre ensemble au sein des lycées agricoles de la région ». n
Sophie Sabot