Solidarité Paysans 01 69
Une association au chevet des agriculteurs en difficulté

Léa Rochon
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Engagée dans l'accompagnement des agriculteurs en difficulté, l'association a aidé 170 personnes dans le Rhône et dans l'Ain l'année passée. Lors de son assemblée générale, le 29 mars dernier, deux professionnels suivis par la structure ont raconté leur parcours devant un public très soucieux et attentif.

Une association au chevet des agriculteurs en difficulté
Jean-Luc Merle, viticulteur à Belleville-en-Beaujolais, a vécu de nombreux soubresauts économiques qu'il a pu surmonter grâce au soutien moral de l'association. Photo Léa ROCHON

En cet après-midi de mars, les langues se sont déliées à Belleville-en-Beaujolais. Briser l’omerta autour des difficultés rencontrées par les agriculteurs, tel était l’objectif de cette assemblée générale organisée par l’association Solidarité Paysans.

Deux professionnels ont accepté de raconter leur vécu et leur lien avec la structure. L’un est éleveur dans l’Ain, l’autre est viticulteur à Belleville-en-Beaujolais. Leur point commun ? Une descente aux enfers professionnelle et personnelle, puis une remontée à la surface effectuée avec le soutien des membres de Solidarité Paysans.

« Ils sont à l’écoute et ne jugent pas »

« Sur les 10 % de personnes que vous aidez, 90% n’osent pas appeler. » Stéphane Berlioz sait bien de quoi il parle. Cet éleveur d’ovins a plongé après le départ précipité de son associé et la séparation avec sa femme. « Nous avons dissous le Gaec, je n’avais pas le choix, j’étais en dépression… Le Gaec, c’est comme un mariage sans amour », parvient-il à ironiser.

Au bout de quelques mois de dépression, c’est l'un de ses proches qui a décroché son téléphone pour appeler l’association. « Ils sont à l’écoute et ne jugent pas », confie l’éleveur.

Depuis ce coup de fil en juin, le quadragénaire est suivi régulièrement par les divers bénévoles et salariés. Un précieux soutien qui lui a permis de remonter la pente et d’envisager une reprise de son activité.

« Cette semaine, je vais récupérer des vaches et un taureau dans l’Aubrac », se réjouit celui qui travaille depuis le 1er avril avec une nouvelle associée. « Et ce n’est pas un poisson d’avril », déclare-t-il, un sourire aux coins des lèvres.

Stéphane Berlioz, éleveur ovin dans l'Ain, a fait appel à Solidarité Paysans 01-69 après le départ précipité de son associé. Photo Léa ROCHON

« C’est comme une famille »

Des épreuves, les viticulteurs en connaissent également. Jean-Luc Merle a tenu à en témoigner. Dorénavant proche de la retraite, le professionnel bellevillois a fait appel à l’association il y a sept ans.

Mais les soubresauts économiques qu’il a connus remontent à bien plus longtemps. « J’étais coopérateur au sein d’une union de coopératives.

Au début des années 1990, quand le Beaujolais a commencé à piétiner pour vendre son vin, nous avons dû déposer le bilan. » Premier choc pour celui qui a été dans l’obligation d’emprunter 100 000 francs pour payer ses vendangeurs.

Quelques années plus tard, la Cuma qu’il avait créée avec ses voisins a été dissoute. « Trois de mes collègues sont partis à la retraite, je pensais pouvoir garder le matériel avec le cinquième, qui a mis fin à ses jours. » Second choc.

« N’attendez pas… Plus on attend et plus c’est difficile »

En 2010, en pleine restructuration de son exploitation, ses ventes en coopérative ont été réduites à peau de chagrin : 46 € de l’hecto.

Autant de problèmes économiques qui ont effrayé sa femme. « Nous avions acheté la maison, monté un gîte qui fonctionnait bien. Mais en 2012, elle a claqué la porte, elle se sentait en insécurité financière. » C’est en 2015 que Jean-Luc Merle a sauté le pas et contacté l’association qu’il considère « comme une famille ».

Depuis ces passages à vide, le viticulteur a racheté des vignes et cherche un ou une repreneuse. C’est avec une discrète mais palpable émotion, qu’il a décidé de conclure son témoignage par un conseil adressé aux autres exploitants en déroute : « n’attendez pas… Plus on attend et plus c’est difficile ».

Le secteur viticole et son omerta

C’est un constat dressé par la MSA et l’association. Solidarité Paysans a du mal à atteindre les viticulteurs en difficulté. « C’est pour cela que le programme Sentinelles est important : pouvoir signaler une personne qui va mal. Le dispositif a démarré il y a un an et demi, nous avons appelé des viticulteurs pour faciliter le passage à la communication », déclare Wladek Potocki, salarié de l’association.

Pourtant, lorsque les mots et les maux traversent la ligne téléphonique, les bénévoles remarquent que les difficultés économiques font également partie du quotidien des viticulteurs. « Certains nous disent qu’ils ne font pas de bouteilles en beaujolais villages, que les prix ne couvrent pas les frais de production », précise le salarié.

L’association en chiffres en 2021
Patricia Bissardon est la référente de l'association pour le département du Rhône. La salarié a présenté le dispositif "Réagir", qui a pour but d'aider des agriculteurs en difficultés techniques, économiques ou sociales. Photo Léa ROCHON

L’association en chiffres en 2021

  • 147 exploitations agricoles accompagnées, soit 170 personnes (77 dans l’Ain, 70 dans le Rhône).
  • 80 bénévoles-accompagnateurs.
  • 31 % de nouveaux suivis en 2021, soit 46 nouvelles situations. Les principales causes de difficultés portent sur l’investissement et le financement (34 %), la structure de l’exploitation (24 %), la conjoncture économique (23 %), les problèmes de santé (21 %), le conflit (15 %) et la gestion administrative (13 %).
  • 24 % d’accompagnements qui se sont arrêtés, soit 36 situations. Dans la grande majorité, le suivi a cessé car la situation s’est stabilisée (22 situations) ou parce que l’exploitation s’est arrêtée (10 situations).

Le profil des exploitations accompagnées en 2021

  • 27 % : bovin lait
  • 16 % : bovin viande
  • 13 % : ovin/caprin
  • 10 % : fruits/légumes
  • 9 % : viticole
  • 7 % : céréales
  • 5 % : volailles
  • 4 % : équin
  • 72 % sont des hommes et 28 % sont des femmes
  • 77 % sont des entreprises individuelles ; 12 % sont des Gaec ; 11 % sont des EARL/SARL