Plan pollinisateurs : le point sur une réforme controversée

Simon Alves
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Le volet réglementaire du plan pollinisateur a été présenté aux filières agricoles le 18 décembre, comprenant des mesures préconisées dès 2013 par l'Anses. Favorable à un plan global pour la protection des pollinisateurs qui intègre aussi la question sanitaire et celle de l’alimentation, la profession a obtenu le report de la consultation publique au début de l’année.

Plan pollinisateurs : le point sur une réforme controversée
La FNSEA avait soumis dès l’automne plusieurs propositions, dont l’aménagement de zones mellifères, ainsi qu’un travail sur le volet sanitaire de l’apiculture. (Crédit : SD)

Dans le cadre du plan pollinisateurs, le lancement de la consultation publique sur l’arrêté « abeille » révisé, auparavant prévue pour la fin décembre, a été repoussé au début de l'année et le texte officiel ne sera pas publié avant fin mars, a-t-on appris en début de semaine. « L’intention de la ministre de la Transition écologique était de boucler le texte d’ici quinze jours, alors que nous n’avions eu aucun écho sur nos propositions », souligne Christiane Lambert, présidente de la FNSEA. Les professionnels avaient été sollicités le 4 puis le 15 décembre par l’hôtel de Roquelaure pour évoquer les premières pistes. « C’était essentiellement le sujet phytos qui était traité, dans la précipitation, et sans écouter », déplore Madame Lambert.

« Nous avons entendu les inquiétudes des uns et des autres. Il y aura bien une concertation qui tiendra compte des réalités de terrain et des conditions de travail », a confirmé Julien de Normandie le même jour dans le cadre d’un déplacement à Saclay. Pour le ministre de l’Agriculture, « il faut faire en sorte de répondre au principal enjeu des abeilles entre mars et juin, qui est d’avoir des zones nourricières ». La FNSEA avait soumis dès l’automne plusieurs propositions dans ce sens, dont l’aménagement de zones mellifères, ainsi qu’un travail sur le volet sanitaire de l’apiculture.

Un plan annoncé en août

Dès le 6 août, dans le cadre de la dérogation néonicotinoïdes accordée à la betterave, un communiqué du ministère de l'Agriculture annonçait un plan de protection pollinisateurs « d'ici fin 2020 ». Il avait ensuite fait l'objet d'annonces successives de Julien Denormandie, de Barbara Pompili et même de Bérangère Abba, nouvelle secrétaire d'État à la biodiversité, sans que son contenu ne soit véritablement éclairci.

Pour honorer leur engagement de calendrier, les ministères ont mis les bouchées doubles début décembre. Après une première réunion le 4 décembre, la structure du plan a finalement été dévoilée dix jours plus tard aux apiculteurs et aux autres filières agricoles. Le document remis à cette occasion liste quatre axes structurants : améliorer la connaissance sur les pollinisateurs, mobiliser les leviers économiques, lutter contre les agresseurs et protéger les pollinisateurs des produits phytos. « Ce quatrième axe interdit la quasi-totalité des traitements nécessaires pour préserver la santé des plantes et assurer les futures récoltes ! », ont dénoncé le 11 décembre la FDSEA et les Jeunes agriculteurs de la Drôme dans un courrier adressé à leurs Parlementaires, dont ils appellent le soutien.

Des interrogations et peu de satisfaction

« Ce projet a des conséquences dramatiques pour l’ensemble de l’agriculture, mettant en péril toutes les filières et exploitations agricoles », ont appuyé les professionnels drômois. Dans leur courrier, ils n’hésitent pas à rappeler leur attachement « à la protection des pollinisateurs qui sont des auxiliaires indispensables à nos activités ». « Nous tenons à mettre en avant le professionnalisme des agriculteurs qui utilisent massivement la pollinisation. En arboriculture par exemple, nous utilisons « les abeilles » dans les vergers durant la période de floraison. Un cahier des charges bee friendly spécifique est défini entre la profession agricole, l’Inra et l’Unaf », ont-ils défendu. 

Les ministères de la Transition écologique et de l’Agriculture ont réuni le 18 décembre les professionnels et les associations pour leur présenter le calendrier et les premières pistes du plan pollinisateurs. Le document de travail remis aux participants confirme que la mention abeille sera bien étendue progressivement à tous les fongicides et herbicides, conformément à l’avis de l’Anses. L’une des voies consisterait à imposer aux fabricants de phytos de remettre de nouvelles données sous 18 mois à compter de la promulgation du texte. L’autre suivrait le calendrier de renouvellement des autorisations de mise en marché (AMM) des produits ; en cas d’absence de solution en période de floraison pour une culture et un « agresseur », les ministères envisageraient déjà des dérogations. « Un dispositif reposant sur des dérogations sera une source d’insécurité juridique. La discussion doit avoir lieu au niveau européen », prévient Eugenia Pommaret, directrice de l’UIPP (fabricants de phytos). « Il n’y a aucune visibilité sur les moyens », regrette Eric Lelong, président de l’interprofession apicole et responsable de la filière pour la FNSEA. 

SD avec Agra