Mobilisation syndicale
« Plus d’équilibre dans la balance »

Charlotte Favarel
-

La FDSEA et les Jeunes agriculteurs du Rhône ont bloqué la plateforme logistique Socara, fournisseur des magasins Leclerc à Villette-d’Anthon (38), les 23 et 24 février. À la suite de cette action, ils ont décroché un rendez-vous avec la grande distribution pour aborder leurs revendications, notamment sur les prix et la transparence. Ils réclament des mesures concrètes pour soutenir leur secteur et dénoncent les solutions temporaires.

« Plus d’équilibre dans la balance »
Cette semaine, plusieurs rencontres ont lieu entre grandes enseignes et syndicat majoritaire au niveau national, dossier à suivre… CF/IAR

Jeudi 22 février, 5h45 au cadran, les premiers tracteurs sont devant le site de la société coopérative d’approvisionnement Rhône-Alpes (Socara) à Villette-d’Anthon (38). La plateforme logistique des magasins Leclerc sera bloquée jusqu’au vendredi 23 février. Organisé par la FDSEA 69 et les Jeunes agriculteurs du Rhône, la FDSEA de la Loire et les JA 42 sont également venus en soutien sur le point de blocage. Deux caissons, deux barnums et une remorque d’étalage servent de brise-vent et abritent la trentaine d’exploitants mobilisés, « on a monté toute l’installation de nuit sous la pluie et avec du vent. Tout le monde a été très efficace », rapporte Noé Temmermann, gestionnaire d’aides à la FDSEA 69. Et efficacité de blocage rime avec adaptabilité, un tracteur à l’entrée empêche les camions de décharger et de s’approvisionner mais les véhicules légers peuvent circuler, « pour permettre aux salariés d’entrer et sortir ».

Rencontre avec la grande distribution

Après une première journée de blocage, la FDSEA 69 a obtenu un rendez-vous avec quatre personnes représentantes de la marque Leclerc au magasin de Tignieu-Jameyzieu (38) : « nous avons échangé avec des adhérents Socara en charge des rayons de produits laitiers et carnés et le président de Socara Christophe Pilon », rapporte Élise Michallet, présidente de la FDSEA 69. De cette rencontre, Guillaume Peyroutou, responsable des questions agricoles à Leclerc et le président de Socara ont réaffirmé leur engagement concernant quatre points essentiels : « le respect de la loi Égalim et en particulier la sanctuarisation des coûts de production dans la matière première agricole, le prix des denrées alimentaires, qui ne pourra passer que par la suppression de l’option 3 de la loi Égalim 2 et une plus grande transparence de la part des grands industriels ; le respect des règles d’affichage de l’origine française des produits proposés en magasin ; la promotion interne des démarches de contractualisation tripartite entre notre enseigne, les industriels et les organisations de producteurs dans les filières soumises à Égalim ; une collaboration auprès de l’observatoire de la formation des prix et des marges afin d’améliorer sa méthodologie et la fiabilité des résultats de ses travaux », a communiqué dans un courrier l’enseigne. Si le blocage s’est levé vendredi après-midi à la suite d’un référé, « cela ne diminue en rien notre détermination à rester mobilisés », insiste la présidente de la FDSEA.

Pas de pansements mais du concret attendu

Force est de constater la mobilisation de l’équipe syndicale de l’Est lyonnais. Sous l’un des barnums, Didier Blanc, éleveur laitier à Quincieux et Gilles Barioz, céréalier bio à Genas discutent de la mobilisation et de leurs quotidiens : « nous attendons des choses concrètes, pourquoi faire une loi Égalim 3, autant appliquer la 2 et y ajouter des avenants si besoin », constate l’un d’eux. Pour les deux agriculteurs, les enveloppes budgétaires ne résolvent rien, « ce sont des pansements, il faut du concret réaliste face à ces grandes enseignes agroalimentaires qui font la pluie et le beau temps », milite l’autre. Et loin d’eux l’envie d’augmenter le panier des consommateurs, « en diminuant les dividendes annuels en notre faveur, les industriels mettraient plus d’équilibre dans la balance ». Ils prônent un équilibre qui profite à tous : « aux producteurs, aux intermédiaires et aux consommateurs ». Didier Blanc a vendu son lait à 0,45 centime d’euros le litre en janvier, « il faudrait arriver à 0,50 € pour vivre de notre métier », témoigne-t-il. Même constat pour Gilles Barioz qui a vu le prix de vente de ses céréales diminuer après la répercussion du prix des intrants qui ont doublé.

Un peu plus loin, Philippe Berthier, en Gaec avec son frère et installé en polyculture élevage à Genas, partage les mêmes revendications. « L’électricité, le carburant… tout augmente, il faut rester motivés et ne pas effrayer les jeunes, j’aimerais bien en installer un sur ma ferme », explique-t-il. Il détaille la fierté de voir ses filles qui travaillent dans l’administratif qui viennent l'épauler car il y a « de plus en plus de papiers à gérer ».

L’ouverture houleuse du Salon de l’agriculture « ne pouvait pas se passer autrement, observe Élise Michallet. On voit cependant que le président ne se défile pas, mais on attend toujours des actes concrets. Où est passé le dossier de la surcharge administrative ? Espérons que la fin de semaine soit plus constructive et aboutisse à de vraies mesures. Nous attendons un vrai plan de sauvetage de l’élevage et pas d’interdiction sans solutions », insiste la présidente de la FDSEA. Cette semaine, plusieurs rencontres ont lieu entre grandes enseignes et syndicat majoritaire au niveau national. Dossier à suivre…

Charlotte Favarel

Remettre l’agriculture au rang de l’intérêt général
CF/IAR
FRSEA

Remettre l’agriculture au rang de l’intérêt général

Quelques jours avant le Salon international de l’agriculture, Michel Joux, président de la FRSEA Aura, est venu en soutien aux agriculteurs qui bloquaient les centrales logistiques de la grande distribution. Jeudi 22 février au matin, il était présent sur le blocage de Socara, à Villette-d’Anthon (38) avec les agriculteurs du Rhône et de la Loire. 

« Les opérateurs économiques et certaines enseignes de la grande distribution n’ont pas compris l’enjeu du problème. Nous sommes ici pour remettre une pression avec un message clair adressé au président : il faut tordre le bras des géants, se mettre autour de la table et avoir un contrat de confiance entre tous les acteurs de la chaine alimentaire. » Pour le syndicat majoritaire, la transparence sur les marges et « l’accès aux livres de comptes » permettraient des réponses et des actes. « Quand on met 100 € dans un panier, les agriculteurs en touchent 6,5 €, ce ne serait pas grand-chose de monter à 8 ou 9 € par exemple. » 

« Nous sommes arrivés au bout »

Le président de la FRSEA espère un système plus favorable aux agriculteurs et aux consommateurs. Il admet tout de même « n’avoir jamais vu des annonces aussi sérieuses pour le monde agricole. Nous sommes à une période charnière et nous resterons vigilants à ce que ces annonces soient transcrites en actes ». Remettre l’agriculture au rang de l’intérêt général et trouver un équilibre avec les opérateurs économiques serait selon Michel Joux, deux paramètres qui remettraient du sens aujourd’hui. « Il est trop dangereux de se passer de notre souveraineté alimentaire », continue le président de la FRSEA. Tout en s'inquiètant pour le renouvellement de générations : « il y a des jeunes qui veulent embrasser le métier mais si ça ne paie pas, ils vont partir. Notre erreur a été d’être résilients mais nous sommes arrivés au bout », confie Michel Joux. 

C.F.

Message du réseau FNSEA / JA