FERMOSCOPIE
Différents enjeux pour les circuits courts

Charlotte Favarel
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Cette année, l’événement Fermoscopie de Cerfrance a fait le zoom sur les circuits courts. Maud Bouchet, consultante et formatrice à l’Isara, était présente et a parlé enjeux et perspectives pour le Rhône. Des références économiques pour les magasins fermiers et le maraîchage ont été présenté.

Différents enjeux pour les circuits courts

Maud Bouchet, consultante et formatrice à l’Isara, a présenté la complexité des systèmes alimentaires et leurs enjeux. Une complexité qui se retrouve intrinsèquement dans les circuits courts. « Quand on s’intéresse aux filières, on se rend compte que différents maillons sont présents. On retrouve des opérateurs intermédiaires et quelle que soit la longueur de la filière, on se confronte à des systèmes qui intègrent de multiples dimensions. » Techniques, économiques ou encore organisationnelles, ce sont ces dimensions qui peuvent rendre les circuits courts diversifiés et complexes à mettre en œuvre.

Des formats hybrides

Avec des échelles de temps très variables, l’équation devient de plus en plus délicate. « Les producteurs ont un cycle long, la transformation prend également du temps parce qu’on peut avoir des dynamiques de recherche et développement. L’échelle de temps pour les distributeurs est assez courte, si ce n’est la rotation des stocks et celle des consommateurs est quasi instantanée, illustre Maud Bouchet. Quand il faut aligner ces échelles de temporalité et les dimensions techniques, logistiques et organisationnelles, on est sur quelque chose de challengeant. » Si la tendance tourne aujourd’hui autour de la relocalisation, plusieurs formes hybrides de circuits courts voient le jour. « Il y a des circuits qui empruntent des éléments aux circuits courts, comme le raccourcissement de la chaîne, et d’autres éléments aux circuits longs comme l’organisation ou les flux logistiques. Ce qui fait que la typologie et la diversité des circuits courts dépendent de tous ces éléments », observe la formatrice.

De nouvelles attentes

Les tendances de consommation pré-Covid traduisaient une attente de nouveaux aliments dans les assiettes : plus de végétal, plus de protéines alternatives avec une diminution de la consommation de viande et des aliments innovants, avec un impact santé plus important. Les pratiques de consommation ont elles aussi évolué, « au niveau de la réduction des déchets et du gaspillage, ce sont tous les maillons de la chaîne qui sont concernés, rapporte Maud Bouchet. On a une augmentation des pratiques autour du fait maison et de nouvelles façons de conservation et de préparation des produits, avec toujours une tendance vers le bio, le local et le direct producteur. » Des enquêtes consommateurs ont été réalisées pendant le confinement. « Sur le comportement, la Covid a eu des effets assez variables. La courbe de fréquentation des grandes surfaces s’est effondrée mais dès les premiers déconfinements, elle remonte progressivement pour revenir à sa situation initiale », rapportait Maud Bouchet. En somme, la crise n’a pas bousculé fondamentalement les comportements et habitudes d’achat à moyen terme. « Pendant la crise oui, il y a clairement eu des phénomènes ponctuels. La crise Covid n’est pas une crise alimentaire, il y a eu des comportements liés à l’effet confinement mais elle n’a pas bousculé fondamentalement le rapport à l’alimentation des Français. Ça ne veut pas dire qu’il n’y a pas eu d’éveil, les tendances se sont maintenues voire amplifiées pour certains consommateurs qui ont profité de la crise pour passer au local », expliquait la formatrice.

Charlotte Favarel

Références économiques des magasins fermiers dans la région

C’est ensuite Damien Raffin, responsable du service conseil stratégique à Cerfrance, qui a présenté les références économiques pour les magasins fermiers dans la région Auvergne-Rhône-Alpes. 38 magasins ont fait office d’analyse, avec des profils différents pour une représentativité plus large. « C’est un document construit à partir de la comptabilité des magasins suivis, introduit le responsable. On identifie les magasins qui fonctionnent le mieux sur le plan économique avec le quart supérieur, on y croise trois données : le chiffre d’affaires (CA) par rapport au mètre carré de vente, le CA par rapport aux heures d’ouverture et le CA par rapport au magasin. » Très peu de magasins se trouvent en centre-ville, on les retrouve en zone commerciale ou en zone non commerciale passante. « Historiquement, les magasins sont en zone péri-urbaine. Dans le magasin moyen c’est 11 associés et plus d’une trentaine de dépôts-vendeurs qu’on trouve. On n’est pas sur de l’hypermarché ni sur de l’épicerie, plus de l’intermédiaire », précise Damien Raffin.

L’effet Covid

Par rapport aux ventes de ces magasins, la pandémie Covid est très clairement marquée. « De 2019 à 2020, on note une hausse de 22 % avec l’effet covid, on n’a jamais eu des hausses aussi importantes, elles étaient plutôt de l’ordre de 6 à 10 % les années précédentes. En 2021, il y a une érosion avec -2 %. Les magasins les plus performants ont fait un bon important pendant les années covid et ont maintenus leur CA, ils ont bénéficié de la pandémie et ont réussi à fidéliser la clientèle. »

Avec le confinement, le panier moyen a progressé car les gens privilégiaient l’achat de proximité. Il n’y a pas eu plus de monde mais avec un phénomène d’évitement des supermarchés, les gens achetaient plus de quantités. Concernant le détail des ventes, « un pôle viande et dérivés capte 43 % du CA et l’autre pic est sur les légumes frais, précise Damien Raffin. Les magasins le plus performants ont un bon rayon charcuterie et un bon banc de légumes. »

Références économiques du maraîchage

Établies à l’échelle régionale, les références économiques maraîchage sont faites chaque année. Damien Raffin l’a introduit avec la définition de l’excédent brut d’exploitation (EBE), « c’est les produits moins les charges qui donnent l’EBE, qui lui va servir à rémunérer, rembourser les annuités et la marge d’orientation. »

Avec 57 exploitations prises pour l’échantillon, le nombre de salariés moyen est de 2,6 et 6,5 ha de surface. « En 2021, on est sur des données post-covid et 2020 on était sur des données Covid, il y avait des EBE plus importants, on a plutôt un reflux des performances en 2021 avec un EBE qui se tasse et des annuités qui pèsent plus lourd. Il y a aussi une année culturale plus compliquée en maraîchage avec plus d’humidité et de pertes », partage le responsable du service conseil stratégique.

Une hausse des charges

Les principales charges opérationnelles représentent près de 10 000 € à l’hectare. Elles ont progressé de presque 2000 € à l’hectare, « on commence à voir un effet inflation et il y a un effet culture en 2021 avec de la replantation et une hausse des charges. Cette hausse est aussi sur les charges de structure. » Le poste principal est la main d’œuvre en maraîchage, avec les charges salariales et les cotisations exploitants, il monte jusqu’à 14 600 € à l’hectare.

Pour les exploitations qui marchent le mieux, « on s’aperçoit qu’elles sont plus intensives avec un CA qui augmente. Deux autres choses permettent cette hausse : la main d’œuvre et la valorisation des produits. Une des clés en maraîchage est la main d’œuvre, alors qu’un des freins qui peut être l’embauche, c’est aussi un frein au développement de la structure. » C’est une filière qui rémunère ces exploitants mais avec un écart important, la marge d’orientation du quart inférieur est négative de 500 €, la moyenne est à presque 4000 € et le quart supérieur atteint les 10 000 €.

Enquête

Circuit court et emploi partagé

Dans le cadre de la vente en circuit court, certains producteurs peuvent avoir une problématique de coût ou de manque de temps pour préparer ou livrer les commandes. L’emploi partagé ou la mutualisation de certaines tâches pourraient alors s’avérer une solution intéressante. C’est ce que cherchent à savoir Agri emploi et la chambre d’agriculture à travers une enquête en ligne, que nous présente Marie-Pierre Couallier, conseillère circuits courts à la chambre d’agriculture du Rhône.

Dans quel contexte s’effectue cette enquête ?

« La direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités, la Dreets Auvergne-Rhône-Alpes, a lancé il y a quelques mois « un appel à manifestation d’intérêt pour accompagner, sécuriser les groupements d’employeurs existants et en développer de nouveaux ». Agri emploi y a répondu car depuis quelque temps la problématique liée à la logistique en circuit court se posait, notamment en termes de coûts, de temps, de mise en place progressive de la zone à faible émission (ZFE). Notre objectif est donc de déterminer si l’emploi partagé sur le thème de la logistique pourrait être un moyen de trouver et de pérenniser de l’emploi. Notre avons donc lancé une enquête fin 2022 pour voir quels sont les besoins et les problématiques actuelles des producteurs. »

À qui s’adresse cette enquête ?

« Elle s’adresse à tous ceux qui travaillent en circuit court et qui ont des besoins en logistique. Que ce soit pour des tâches liées à la préparation, aux commandes, aux livraisons. Il s’agit de déterminer aussi s’ils auraient des besoins sur d’autres missions que celles liées à la vente en circuit court, mais qui leur permettrait de dégager du temps pour gérer directement cette partie commercialisation. »

Quels types de questions sont posés ?

« L’idée est dans un premier temps de faire assez simple : quels types de produits sont vendus en circuit court, où livrent-ils, dans quel circuit, estce qu’ils ont déjà des problèmes de logistique, de véhicule notamment lié aux vignettes Crit’Air, est-ce qu’ils mutualisent déjà certaines tâches, est-ce qu’ils connaissent leurs coûts de livraison, comptent-ils le temps passé, le nombre de kilomètres effectués, etc. Cette enquête est ouverte jusqu’au 20 février et accessible sur le site Internet de la chambre d’agriculture. »

Propos recueillis par Françoise Thomas