Pour sa troisième édition qui s’est déroulée à Pollionnay, dans le Rhône, la Belle journée des Cuma a mis l’innovation et le développement au cœur de ses actions. Au programme de la journée : visite du séchoir en grange de la Cuma pollionnoise, tour d’horizon des différents kiosques et surtout, de l’échange et des inspirations pour l’avenir.

L’humain au cœur de l’innovation
La Belle journée Cuma a rassemblé presque 200 personnes à Pollionnay pour échanger sur des expériences novatrices.

« Les Cuma servent l’émergence d’idées pour répondre à des enjeux de transition, inaugure Gilles Berthonneche, référent de la commission veille et innovation de la FRCuma. Cette année, un concours des innovations a été organisé pour repérer et faire connaitre toutes les initiatives collectives et inspirantes des Cuma de la région. » Ce ne sont pas moins de 33 Cuma qui ont candidaté dans les six catégories. Avec presque 200 personnes présentes le 16 mai à Pollionnay, focus sur les lauréats.

Numérique

En Isère, la Cuma de Sinard regroupe une dizaine d’adhérents de polyculture élevage en zone de montagne. Solidaire depuis 1959, année de sa création, l’idée de mettre en commun le matériel a rassemblé un noyau dur de cinq exploitations. « Quand les projets de Cuma intégrale et de banque de travail se sont dessinés, on a décidé d’utiliser des outils numériques. En attendant le transfert de la comptabilité vers MyCUMA, nous utilisons Petits comptes entre agris, nous avons aussi le projet de passer sur Cuma planning », témoignait Jérémy Turi, président. Grâce à l’application, la main-d’œuvre et le temps sont comptabilisés et « nous faisons les comptes en fin d’année avec une possibilité de report si quelqu’un connait une difficulté ». Le côté humain prédomine dans ce système collaboratif, « il faut être attentif aux autres, ce sont des personnes à fédérer », rapportait Daniel Maubleu, ancien président. La géolocalisation du matériel permet une logistique plus simple.

Agroécologie et gestion des ressources naturelles

Direction la Savoie avec la Cuma de Chignin, qui regroupe 90 % des viticulteurs des environs. « On a eu une réflexion sur l’agroforesterie et les couverts végétaux où d’autres personnes se sont greffées. On est presque tous en agriculture biologique avec des terrains en pente non mécanisables. Pour un meilleur état des sols et du climat, c’était évident », partage André Duenard. De plus, la Cuma s’ouvre à l’extérieur pour discuter de ses pratiques avec les enfants. « Nous sommes arrivés à recréer du contact avec les habitants, on organise des sessions de plantation d‘arbre, des animations dans les écoles et on voit l’intérêt et la collaboration des riverains », s’enthousiasme Didier Berthollier, président. Côté technique, la Cuma travaille avec le végétal local et les pépiniéristes, « on souhaite faire baisser la température des parcelles et recréer un aspect tampon des sols ».

Projet de territoire et circuit court

C’est dans la Drôme que la Cuma Biomat transforme et valorise le petit épeautre en agriculture biologique et en circuit court. Composée de six adhérents répartis sur 50 km, ils ont décidé d’investir dans une machine pas comme les autres. « Après s’être renseigné sur les différentes installations possibles et existantes, on a rassemblé plusieurs machines sur une remorque, explique Rémi Laborde, adhérent. Avec celle-ci, le grain arrive dans un trieur qui retire les impuretés, puis décortique et met de côté les grains cassés pour la farine. Le grain passe ensuite dans un blanchisseur qui l’écrase pour favoriser une cuisson plus rapide. » Jérôme Morin, autre adhérent, précise : « on peut transformer 200 kg/h, c’est vraiment un super rendement à 80 000€ d’investissement ». La machine tourne entre les six adhérents trois mois dans l’année, « 1 t brute donne 600 à 700 kg de graines, on est moins cher et on n’aurait pas pu faire cet investissement sans la Cuma », observent-ils. Et même les déchets de décorticage trouvent une seconde vie, en balle ou pour l’alimentation des animaux.

Energies renouvelables

En Haute-Loire, c’est la Cuma du Mont Tartas, avec d’autres, qui s’engage dans la production d’électricité photovoltaïque. « Huit Cuma s’étaient réunies autour d’un projet de photovoltaïque et ont créé la SAS Soleil des Cuma en 2021 », reprend Régis Brun, animateur de la fédération des Cuma de Haute-Loire. L’accompagnement de la communauté de communes permet de mutualiser les appels d’offres. Les dividendes de la production d’énergie qui seront reversés aux Cuma leur permettront de diversifier leurs revenus. « On a un objectif de réduction minimale de 70 % des charges. » D’ici deux ans, toutes les Cuma devraient être effectives, « ce projet permet de redynamiser les relations entre Cuma ».

Organisation du travail et emploi

La Cuma de Pulvérières, dans le Puy-de-Dôme a vu l’arrivée de nouveaux administrateurs changer son fonctionnement. Un groupe WhatsApp permet la diffusion d’informations générales et du matériel. La réalisation d’un règlement intérieur global, et par matériel, permet une plus grande clarté dans les règles. « On profite de l’outil de communication et de la géolocalisation des machines pour se prêter le matériel. Un adhérent s’occupe également de relever les compteurs sur un groupe pour plus de transparence », confie Mathieu Herment, président. De plus, cet outil permet de partager la responsabilité entre tous les adhérents : « lors d’un projet, on fait passer les devis dans le groupe pour une responsabilité et une inclusion collectives ».

Renouvellement des générations

Au Rhône également de montrer comment nouer un partenariat entre la Cuma de l’Intrépide et la MFR de Saint-Romain-de-Popey. « Il y a vingt ans, la MFR a ouvert une formation en agroéquipement. En ayant une forte volonté d’intégration dans le paysage local, on a rendu disponible notre matériel pour apprendre aux élèves les réglages et entretiens », retrace Christian Barberet, président de la Cuma. Depuis 2016, les élèves de la MFR viennent régulièrement par petits groupes avec un formateur. La Cuma met à disposition quelques adhérents pour épauler. Avec des machines très diversifiées allant de l’élevage, en passant par le maraichage et l’arboriculture, « les élèves touchent à toute sorte de matériel. On en retrouve quelques-uns plus tard dans la vie professionnelle. On apprend autant qu’eux parce que derrière ce projet, c’est surtout de l’humain », conclut le président.

« Le partage et le faire ensemble des Cuma prouvent qu’elles ont toutes leur place dans l’innovation, observait Matthieu Goehry, président de la fédération des Cuma. Plusieurs leviers sont prépondérants comme la formation, qui est mise au cœur des projets, le partage et la découverte. Il est primordial d’aller voir ce qui se fait ailleurs pour s’inspirer », complétait Éric Encausse, président de la commission innovation. Une preuve que même avec de simples idées, l’innovation est à la portée de tous.

Charlotte Favarel

Un séchoir en grange pollionnois
C’est à l’aide d’une griffe que le fourrage est mis dans une presse à cartons, qui le compresse avec du fil de fer.
Innovation

Un séchoir en grange pollionnois

Sur le site de la Cuma pollionnoise, le séchoir en grange a suscité des regards curieux lors de la Belle journée. Daniel Petitjean, adhérent de la Cuma a partagé quelques données élémentaires concernant son fonctionnement. 

Sur le site de la Cuma de Pollionnay, Daniel Petitjean en a profité pour faire visiter le séchoir en grange. Avec 45 adhérents et 45 machines, la Cuma « travaille main dans la main avec celle des Vallées et on apporte 100 % du matériel aux jeunes qui s’installent en arboriculture, maraichage et élevage », précise l’adhérent.

800 m2 de bâtiment

Le projet du séchoir est né avec les élus de la communauté de communes. « Comme les agriculteurs sont garants des paysages, et au lieu d’importer de la luzerne, autant l’avoir sur place pour l’utiliser ». Onze exploitations qui représentent dix-neuf agriculteurs utilisent le séchoir. Divisé en trois grandes parties dont une pour le stockage des machines, une autre pour le séchage et cinq cellules de stockage (bio et conventionnelle), l’investissement du bâtiment de 800 m2 atteint le million d’euros. Sur son toit, des capteurs solaires permettent à l’air chaud et sec de descendre. « S’il y a de l’air humide, c’est le déshumidificateur qui prend le relais », précise Daniel Petitjean. Avant la hausse de l’énergie, « on était à 80 € la tonne, maintenant on va plus être autour des 100 € ». L’avantage, c’est qu’une fois sec, la qualité du fourrage s’observe. « Avec la luzerne de cet automne, on est autour de 26 en matières azotées totales. »  L’objectif ici « est de garder la valeur alimentaire qui pourrait remplacer le concentré », précise l’adhérent. « On sèche 150 m2 à la fois, avec un premier apport atteignant 2 m de hauteur, qu’on laisse sécher avant un second apport. » Une fois sec, le fourrage est transformé en bottes à l’aide d’une presse à carton qui le comprime. Côté rentabilité, « il faut remplir deux fois le bâtiment pour être à l’équilibre », précise Daniel Petitjean.

Une inauguration du séchoir ouverte au grand public aura lieu au mois d’octobre, l’occasion de visiter le bâtiment et de voir la griffe à l’œuvre.

C.F.

Démonstration de la griffe dans le séchoir en grange de Pollionnay, lors de la Belle Journée CUMA.

La Belle Journée CUMA a rassemblé presque 200 personnes à Pollionnay, retour sur cette journée d’échanges.