Samedi 20 janvier, la profession agricole a fait part de ses inquiétudes et des principaux enjeux pour sauver la filière au Premier ministre Gabriel Attal, en visite dans le Rhône. Après une apparition à Orliénas, le chef du gouvernement s’est rendu à Saint-Laurent-d’Agny où il a été interpellé par Bruno Ferret et Cédric Marchand, arboriculteurs et maraîchers du secteur.

Les agriculteurs interpellent le Premier ministre
Bruno Ferret, agriculteur a Chabanière a interpellé le Premier ministre sur différents sujets du monde agricole. ©Jean-Luc Fugit

Retraites, abandons d’exploitations, aléas climatiques, cotisations élevées, réglementations illisibles et inapplicables sur le terrain… Bruno Ferret a dressé le tableau de la situation des exploitants lors de son intervention : « le ras-le-bol général prévaut, et si aucune réaction n’est entreprise, c’est la fin d’une partie du monde agricole, a-t-il averti devant Gabriel Attal. Tous les indicateurs sont au rouge, sur le secteur mornantais et de Chabanière, des jeunes de 30 à 40 ans arrêtent leur exploitation ». Le renouvellement des générations dans le monde agricole semble compromis, l’agriculteur souligne que le secteur, en proie à la souffrance, ne semble pas attirant pour les jeunes : « si on veut que les jeunes soient au rendez-vous, il faut déjà que les agris soient heureux », interpelle-t-il. Les formations, en particulier dans l’arboriculture, sont en déclin, mettant en danger l’avenir de certaines filières. « La dernière formation en arboriculture était à Anneyron (26) mais elle ne se fait plus. Si on ne fait rien, c’est toute une filière qui va disparaître. »

Ne pas interdire sans solution

L’agriculteur a souligné le manque de moyens pour produire, en particulier face à des problèmes phytosanitaires sur des cultures entières qui se retrouvent sans réponse. « Par exemple pour la pomme, une récolte infestée de pucerons est invendable, on ne pourra pas aller plus loin. On ne nous donne plus les moyens de produire, et ces cultures-là vont inexorablement s’arrêter », alerte-t-il. L’une des principales revendications de l’agriculteur est la nécessité de laisser un socle phytosanitaire sur chaque culture pour assurer la continuité de leur métier. De plus, Bruno Ferret a plaidé en faveur d’investissements massifs dans la recherche pour trouver des solutions alternatives aux produits phytosanitaires. « Il ne faut pas interdire sans solution sinon c’est la fin de nos cultures et la porte ouverte à l’importation qui ne respecte pas les normes françaises… »

Lourdeur administrative

Les doléances portent également sur la lourdeur administrative qui pèse sur les agriculteurs. Bien que certaines procédures aient été simplifiées, les agriculteurs déplorent le temps passé à remplir des dossiers répétitifs. Cédric Marchand a également partagé son expérience positive avec l’apprentissage, soulignant l’accompagnement financier utile pour les apprentis. Cependant, il a soulevé un problème délicat lié aux titres de séjour des apprentis : « j’avais un apprenti somalien que je voulais embaucher à la fin de son contrat mais faute d'avoir reçu son titre de séjour, je n’ai pas pu le faire. J’ai contacté de nombreuses fois la préfecture sans réponse ». L’agriculteur a exprimé sa frustration face à la complexité du système actuel, soulignant l’impact négatif sur l’agriculture. Il insiste sur l’importance d’une « action rapide et coordonnée pour résoudre ces problèmes administratifs qui entravent la croissance du secteur agricole ».

Inflation de l’énergie

L’inquiétude des coûts croissants de l’électricité impacte également les exploitants. « L’utilisation intensive de verre pour les bocaux a entraîné une hausse considérable des coûts, aggravée par l’augmentation des prix de la main-d’œuvre. Bien qu’on ait réussi à répercuter une partie de ces augmentations sur les prix de vente, cela a conduit à la perte de certains clients, notamment en raison de la crise du pouvoir d’achat dans la filière biologique », illustre Cédric Marchand. Même constat pour Bruno Ferret qui aborde la problématique du gazole non routier, « nous sommes épargnés en arboriculture mais je pense à d’autres filières, notamment l’élevage. Pour un laitier qui utilise 40 000 l de gasoil par an, cela peut mener à des chiffres faramineux », s’inquiète-t-il. Une pression financière supplémentaire sur des activités déjà fragiles.

Gabriel Attal, attentif

Face à toutes ces interpellations, le Premier ministre a répondu avec attention : « il est hors de question de perdre notre agriculture qui est l'une des plus qualitative au monde ». Il a souligné trois axes d’action prioritaires.

Tout d’abord, il s’est engagé à l’action sur la question de la rémunération, avec notamment l’application des lois EGAlim, « même si elles rencontrent des difficultés d’application ». Ensuite, le chef du gouvernement veut « faciliter la vie des agriculteurs. Il faut que vous puissiez nous dire que telle démarche ne sert à rien, les endroits où l’administration peut faire le boulot ». À ce propos, la FDSEA 69 et les JA ont transmis les doléances à la FNSEA qui les a présentés lundi soir à l’occasion de la rencontre entre Arnaud Rousseau et Gabriel Attal. Enfin, malgré l’assurance que la vocation agricole demeure forte, le ministre a reconnu les défis liés à l’installation. « Le renouvellement des générations fera l’objet d’un des premiers projets de loi et nous aurons besoin de vos idées et propositions », partage-t-il.

Si Bruno Ferret et Cédric Marchand ont trouvé le ministre attentif à leurs discours et alerte, « il faut que ça se traduise par des actes. La situation est urgente et si ce n’est que des paroles, ce sera la fin d’une partie du monde agricole », alertent-ils.

Charlotte Favarel

Remontées de sujets à l’État
Didier Bonnard, Luc Pierron, Jean Vial pour les anciens, Joël Giroud pour les JA, Aurélien Ratton, Pascal Gouttenoire, Élise Michallet et Vincent Pestre ont rencontré Mathias Ott, conseiller du Premier ministre en charge des territoires et Charlotte Crépon sous-préfète, au siège de la Copamo à Mornant. © Fdsea 69
FDSEA-JA

Remontées de sujets à l’État

Une délégation composée d’agriculteurs de la FDSEA et des JA ont pu échanger le 20 janvier aussi avec deux représentants de l’État à Mornant : Charlotte Crépon, sous-préfète et Mathias Ott, conseiller du Premier ministre en charge des territoires.

Ce samedi 20 janvier était placé sous le signe des rencontres avec les représentants de l’État. Tandis que certains ont pu interpeler Gabriel Attal à Saint-Laurent-d’Agny (voir ci-dessus), des agriculteurs du Rhône : Didier Bonnard, Luc Pierron, Jean Vial pour les anciens, Joël Giroud pour les JA, Aurélien Ratton, Pascal Gouttenoire, Élise Michallet et Vincent Pestre ont rencontré Mathias Ott, conseiller du Premier ministre en charge des territoires et Charlotte Crépon sous-préfète, au siège de la Copamo à Mornant.
Pendant près d’une heure, ils ont pu évoquer divers sujets d’actualité et l’interpeler sur plusieurs problématiques. 

« En ouverture, nous avons mis l'État devant le fait accompli : ou il s'impose pour la souveraineté alimentaire, ou il ouvre la porte à tous les accords. La tendance est plutôt aux libre-échanges vu les accords Mercosur et Ceta, au détriment de l'agriculture. Nous avons donc demandé à l'État d'assumer ses positions et d’avoir le courage de ses décisions », a retranscrit Pascal Gouttenoire, le président de la FDSEA.

Les impasses techniques pour toutes les productions végétales et l'incompréhension de la profession ont été largement à l’ordre du jour de cette entrevue. Les agriculteurs ont souhaité également parler du système assurantiel, « dont le calcul du rendement de référence d’après la moyenne quinquennale ne fonctionne pas. Le conseiller en charge des territoires nous a même demandé ce qu’il fallait faire ! », ont complété les représentants professionnels.  

« Le volet environnemental, avec notamment le sujet des zones humides, a été discuté. La sous-préfète s'engage à nous aider sur ce dossier », poursuit Pascal Gouttenoire. 

Que ce soit les jeunes agriculteurs ou les anciens, chacun a pu s’exprimer. Les JA réclament davantage de soutien (prêts bonifiés) pour pouvoir mieux faire face aux investissements nécessaires à l’installation. Les anciens ont quant à eux fait part de la problématique des retraites agricoles qui restent faibles, pour les chefs d’exploitation et pour les conjointes, et de leurs attentes vis-à-vis des décrets qui tardent à venir pour l’entrée en vigueur du calcul des retraites sur les vingt-cinq meilleures années. 

D’autres sujets ont été mis sur la table tels que les difficultés relatives à la main-d’œuvre, les inquiétudes concernant la hausse des coûts de l’énergie, notamment l’électricité et la surrèglementation. 

 

Emmanuelle Perrussel

Débat avec les citoyens

Sur invitation de Jean-Luc Fugit, député de la 11e circonscription, Gabriel Attal est venu débattre avec un panel de citoyens de cette circonscription. Il y a donc répondu favorablement samedi 20 janvier, en étant présent aux vœux de la commune d’Orliénas et l’après-midi, il a été accueilli pour un débat citoyen à Saint-Laurent-d’Agny. « Il était important pour moi que dix jours après sa nomination et dix jours avant son discours de politique générale qu’il présentera le 30 janvier, il puisse entendre les acteurs du territoire pour nourrir sa réflexion », indiquait Jean-Luc Fugit. 

C’est avec un panel de près de 150 personnes représentatif des 38 communes de la circonscription que l’échange a eu lieu. Parmi elles : des agriculteurs, des soignants, des étudiants, des professeurs, des élus locaux, des commerçants, des artisans, des chefs d’entreprise ont pu échanger directement avec le Premier ministre. 

Parmi les sujets abordés : la situation très difficile des agriculteurs et leur avenir, les politiques publiques du handicap, les mobilités dans l’Est lyonnais, l’éducation, l’accès aux soins, le coût des matières premières pour les boulangers, les violences sexuelles sur les enfants, la loi immigration, es PFAS dans notre région, la transition écologique, le soutien de l’État aux communes…

Un temps d’échanges où les habitants de la circonscription ont exprimé des craintes, des attentes, de la colère, des doutes mais aussi de l’espérance.

E.P 

 

Gabriel Attal a répondu à plusieurs questions d'habitants et élus rhodaniens samedi 20 janvier. ©Jean-Luc Fugit

Les doléances des agriculteurs