Syndicalisme
Vingt mètres de colère

Marie-Cécile Seigle-Buyat
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Lundi 20 janvier, la FDSEA et JA appelaient les agriculteurs, toutes filières confondues, à boucler un périmètre de 20 m autour de la sous-préfecture de Villefranche-sur-Saône. Périmètre symbolique des zones de non-traitement incompressibles qui leur a été récemment imposées. Une délégation a été reçue par le sous-préfet, Pierre Castoldi.

Vingt mètres de colère

Lundi 20 janvier. 6 h du matin. Villefranche-sur-Saône. Un périmètre de 20 m est bouclé autour de la sous-préfecture. Des bandes d'enrubannage rose, symbole de la lutte contre le cancer du sein, vert et blanc barricadent le secteur de la place des Arts. Ce matin, de très bonne heure, les agriculteurs sont venus pousser un cri de colère sous les fenêtres de l'État. Pourtant, ils étaient confiants le 27 novembre dernier. En effet, alors qu'à Paris et à Lyon les agriculteurs bloquaient les routes, le ministre de l'Agriculture le promettait : les distances pour les zones de non-traitement qui défraient la chronique seront nulles. Les agriculteurs lèvent le camp persuadés d'avoir obtenu de réelles avancées. Un mois plus tard, c'est la douche froide. Au lendemain de Noël, le gouvernement fixe les zones de non-traitement. Et le moins que l'on puisse dire c'est qu'elles sont loin d'être nulles. En effet, à compter du 1er janvier 2020, pour les cultures pérennes, les agriculteurs devront res-pecter une distance de 20 m minimum et incompressible pour utiliser les produits les plus dangereux. Pour les autres produits, les ZNT seront de 10 m pour les cultures hautes et de 5 m pour les autres cultures.
Cette si­tua­tion est in­to­lé­rable et in­com­pré­hen­sible pour les agri­cul­teurs qui de­puis des an­nées tra­vaillent à ré­duire leur uti­li­sa­tion de pro­duits phy­to­sa­ni­taires, pour ces hommes de la terre qui doivent faire face à des normes de plus en plus res­tric­tives en la ma­tière et des at­tentes, pour ne pas dire pres­sions, so­cié­tales tou­jours plus im­por­tantes. Pour au­tant, hors de ques­tion pour eux de se lais­ser abattre. Leur mé­tier, tous y croient et veulent le dé­fendre coûte que coûte.

Un moratoire !

Ainsi, par voie de communiqué de presse, le réseau FNSEA et Jeunes agriculteurs clamait haut et fort refuser de voir « s'appliquer une réglementation imprécise, incohérente, en défiance de la science, en méconnaissance des réalités agronomiques et surtout dans une urgence injustifiée ». « Un moratoire s'impose » au moins jusqu'à la prochaine période culturale, s'insurgent les paysans afin de poursuivre le travail entrepris sur les chartes de voisinage qui « portent la voie de la raison, du dialogue et du bien-vivre ensemble dans les territoires ». Alors en ce lundi matin, ils étaient près de 150 arboriculteurs, viticulteurs, maraîchers, éleveurs, céréaliers… à avoir répondu à l'appel de la FDSEA et de JA pour défendre leur travail, pour demander qu'on les laisse traiter leurs cultures pour continuer demain à nourrir les Français avec des produits de qualité et de proximité.

Une réciprocité indispensable

« Aujourd'hui, je ne vois pas comment nous pourrions appliquer ce décret car nous manquons d'éléments que même l'État est incapable de nous apporter. Ce moratoire est indispensable. Nous demandons également une certaine réciprocité pour les aménageurs et promoteurs immobiliers afin qu'ils incluent les ZNT dans leurs projets d'urbanisation. Enfin, nous revendiquons une compensation économique pour les surfaces perdues et donc le manque à gagner provoquées par ces ZNT», affirme Pascal Girin, président de la FDSEA. En ce sens, La directrice de cabinet du ministre de l'Agriculture Isabelle Chmitelin a indiqué, le 15 janvier au congrès de la CGB (betteraviers), qu'en matière de ZNT (zones de non-traitement), un dispositif était à l'étude pour les nouvelles constructions de riverains. Autant de revendications que le président de la FDSEA, accompagné de plusieurs représentants des filières et de l'ODG beaujolais – beaujolais villages, a porté à la connaissance du sous-préfet de Villefranche-sur-Saône, Pierre Castoldi, qui les a reçus peu après 8 h.

Boycott des boues d'épuration

Pendant près de deux heures, les représentants professionnels ont ainsi présenté leurs doléances au représentant de l'État. Une rencontre avec le directeur de la DDT est d'ores et déjà inscrite à la date du 31 janvier dans les agendas pour obtenir des réponses. Sur la place des Arts où nombre d'agriculteurs ont attendu que leurs représentants sortent, le doute est de mise. Il s'y sont laissés prendre une fois, pas deux ! Alors, certains appellent, en écho à la FNSEA, à ne plus épandre les boues des stations d'épuration. En effet, la FNSEA, suite à la surdité de l'État sur leur demande de moratoire, appelle les agriculteurs à refuser de prendre en charge les boues de station d'épuration, habituellement épandues sur les terres agricoles. « Ceux qui nous imposent des contraintes vont aussi conserver leurs déchets », a lancé Jérôme Despey, secrétaire général de la FNSEA lors d'une conférence de presse le 14 janvier. « L'épandage des boues est un service rendu par les agriculteurs à la société », a rappelé de son côté Christiane Lambert, présidente de la FNSEA. D'après le syndicat, la France produit près de 1 Mt de matière de boues par an. Cette action a d'ores et déjà débuté en Vendée. Affaire à suivre donc.