Rétrospective
L’année 2022 dessinée par Cambon

Dossier réalisé par Léa Rochon, Christine Dézert et Marie-Cécile Seigle-Buyat
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Toutes les semaines, Michel Cambon, dessinateur de presse, pose un regard aiguisé et parfois amusé sur l’actualité agricole. En cette fin d’année, nous vous proposons de revenir sur les événements et temps forts de 2022, illustrés par un dessin.

L’année 2022 dessinée par Cambon

Janvier

DISTRIBUTION / La baguette à 0,29 euro d’E.Leclerc fait polémique

Le mardi 11 janvier, Michel-Édouard Leclerc a annoncé dans une campagne publicitaire qu’il bloquait le prix de la baguette de pain à 0,29 euro maximum - voire jusqu’à 0,23 euro, pendant six mois dans l’ensemble de ses magasins. Le distributeur s’abritant derrière l’argument du pouvoir d’achat des consommateurs dans un contexte inflationniste. Une promotion qui intervient alors même que les cours des céréales, et par conséquent de la farine, connaissent des prix élevés, que les coûts de production (énergie, salaires, etc.) progressent fortement et que la moyenne du prix de la baguette, en France en 2021 selon l’Insee, est de 0,90 euro. Les réactions ne se sont pas fait attendre. Céréaliers, meuniers, boulangers, FNSEA et Jeunes agriculteurs ont vivement réagi critiquant « des prix volontairement destructeurs de valeurs pour tous les maillons de la filière céréalière » et s’indignant d’une « annonce démagogique ». Pour Christiane Lambert, présidente de la FNSEA, « c’est une honte, au moment où les prix des matières premières flambent et où la loi Égalim 2 impose la répercussion au consommateur ». Dominique Anract, président de la Confédération nationale de la boulangerie-pâtisserie française (CNBPF) est rapidement monté au créneau : « c’est l’effondrement de toute une filière et le non-respect d’un produit artisanal ». Quelques mois plus tard, le mercredi 30 novembre, la baguette de pain fera de nouveau l’actualité, grâce à son inscription au patrimoine immatériel de l’humanité par l’Unesco.

 

Février

ÉVÉNEMENT / Le Salon d’agriculture, l’édition des retrouvailles

Crise sanitaire oblige, le Salon international de l’agriculture (SIA) avait été annulé en 2021. Après des semaines d’incertitude sur sa tenue en 2022, l’annonce avait résonné comme un soulagement. Même si la crise sanitaire n’était pas terminée, « il y a une volonté politique et l’engouement est là », avait affirmé Jean-Luc Poulain, le président du SIA lors d’une conférence de présentation le 14 février. Le ministre de l’Agriculture de l’époque, Julien Denormandie, l’avait lui-même concédé : « nous avons bataillé pour que ce Salon puisse avoir lieu ». La 58e édition du SIA s’est donc bien tenue du 26 février au 6 mars 2022, Porte de Versailles à Paris, dans le respect des règles sanitaires. Pour les organisateurs, les exposants et les visiteurs, la 58e édition du SIA fut celle des retrouvailles et, en cette année d’élection présidentielle, un lieu inévitable pour les candidats. Pour trôner sur l’affiche du Salon, c’est Neige, une vache de race abondance du Grand-Bornand (Haute-Savoie) qui avait été choisie comme égérie. En 2023, c’est encore la région Auvergne-Rhône-Alpes qui sera à l’honneur, avec Ovalie, une vache de race salers élevée par deux jeunes exploitants du Puy-de-Dôme, qui a été sélectionnée pour figurer sur l’affiche. Sauf contre-ordre d’ici là, la 59e édition du SIA se tiendra du 25 février au 5 mars 2023, sur le thème de « L’agriculture : le vivant au quotidien ! ».

 

Mars

UKRAINE / L’agriculture résiste

Le 24 février 2022, la Russie a lancé son invasion contre l’Ukraine, marquant une escalade majeure de la crise russo-ukrainienne en cours depuis 2014. L’Ukraine est le premier producteur mondial de graines de tournesol et un important exportateur de blé, de colza, d’orge, d’huile végétale et de maïs. Au-delà des conséquences humaines terribles pour les populations, la guerre russo-ukrainienne va avoir un impact sur l’économie mondiale avec la hausse des prix de l’énergie et de certaines matières premières, le ralentissement de la croissance et des turbulences sur les marchés. La sécurité alimentaire de nombreux pays pourrait être compromise. Le 11 mars, le ministre de l’Agriculture ukrainien, Roman Leshchenko, avait annoncé que son pays avait « besoin de livraisons de gazole et de produits phytosanitaires » en provenance de Union européenne (UE). La période des semis devant débuter fin mars-début avril dans le pays. Malgré l’activité à l’arrêt dans les ports et une logistique anéantie, l’agriculture résiste. Les ouvriers agricoles sont exemptés de mobilisation dans l’armée et dans la plupart des grandes régions agricoles les agriculteurs restent sur le terrain. Malgré la guerre russo-ukrainienne, les échanges agroalimentaires entre l’UE et l’Ukraine au cours du premier semestre 2022 ont augmenté de 36 % par rapport à 2021 pour atteindre 5,8 milliards d’euros, selon la Commission européenne.

 

Avril

INFLUENZA AVIAIRE / Les volailles, aussi, ont droit à leur vaccin

Ces dernières années, les foyers d’influenza aviaire se sont multipliés au sein des élevages français. L’épizootie 2021-2022 est même la plus sévère qui ait touché la France. En avril, le territoire comptait plus de 1 100 foyers contaminés et plus de dix millions de volailles abattues. Face à cette crise sanitaire, les filières volailles de chair (Anvol), foie gras (Cifog) et œufs (CNPO) ont demandé à l’État de mieux indemniser les pertes et le chômage partiel subis par les élevages et les entreprises. Cette problématique de taille a même été au cœur des débats du Conseil de l’Union européenne avec l’objectif de développer une stratégie européenne de vaccination. Le 9 mai, le ministère de l’Agriculture a annoncé une enveloppe d’environ 2,3 millions d’euros pour l’expérimentation d’un vaccin à destination des palmipèdes. Mais vacciner, c’est aussi voir des débouchés se fermer. Plusieurs pays, tels que l’Arabie saoudite, la Corée du Sud, la Grande-Bretagne ou encore les États-Unis, refusent d’acheter des volailles dans des pays pratiquant la vaccination contre la grippe aviaire. Leur crainte ? Qu’un animal vacciné importe le virus sur leur territoire.

 

Mai

ÉNERGIE / Riverains et agriculteurs, une entente parfois difficile

Ces dernières années, les associations et riverains se positionnant contre l’installation de méthaniseurs et d’éoliennes sont devenus de nouveaux sujets qui agitent les tribunaux administratifs français. D’un côté, des agriculteurs qui cherchent à diversifier leurs revenus et à répondre au défi d’une transition énergétique plus vertueuse. De l’autre, une levée de boucliers venant, le plus souvent, d’un voisinage qui dénonce un manque de concertation, la dénaturation des paysages et le risque de potentiels accidents. Un syndrome parfois appelé « Nimby » (« not in my backyard », « pas dans mon arrière-cour »). Pourtant, l’enjeu est de taille : la loi de transition énergétique pour la croissance verte promulguée en 2015 fixe à 10 % la consommation de gaz renouvelable à l’horizon 2030, objectif auquel la méthanisation contribue d’ores et déjà. Quant à l’utilisation d’énergie éolienne, l’Assemblée nationale a voté, le mardi 13 décembre, un important article du projet de loi sur les énergies renouvelables. Ce dernier vise notamment à faciliter le lancement de nouveaux projets éoliens par des procédures de consultation moins complexes des acteurs locaux.

 

Juin

POUVOIR D’ACHAT / Gouverner sans majorité en temps de crise

C’est en tant que cheffe d’un gouvernement minoritaire, qu’Élisabeth Borne, fraîchement nommée Première ministre en mai, a eu la lourde tâche de faire aboutir le projet de loi du gouvernement sur le pouvoir d’achat. Il faut dire qu’avec une inflation galopante, atteignant alors les 5,2 %, ce thème a été placé au cœur des élections présidentielles. Après plusieurs jours d’intenses discussions et de débats houleux, le projet de loi sur le pouvoir d’achat a finalement été adopté en première lecture le 22 juillet et promulguée le 16 août. Privé de majorité absolue, le gouvernement d’Élisabeth Borne a dû compter sur le soutien des élus Les Républicains et du Rassemblement national, qui ont salué certaines « avancées ». A contrario, la gauche a dénoncé un projet menant à une « déclaration de guerre aux salaires ». Parmi les mesures phares figurent notamment le triplement à 6 000 € du plafonnement de la prime Macron, la revalorisation de 4 % des pensions de retraite et d’invalidité, des allocations familiales, des minima sociaux et de la prime d’activité. Quant à l’épineuse question des coûts de l’énergie, la loi prévoit de faciliter le redémarrage de centrales au charbon et de créer un régime dérogatoire pour accélérer l’approvisionnement en gaz depuis un terminal méthanier flottant au large du Havre.

 

Juillet

MÉTÉO / Un été de tous les records

Cet été, aucune zone de l’Hexagone n’a été épargnée par la canicule et la sécheresse. Selon des données partagées par Météo-France, 2022 a été le deuxième été le plus chaud observé en France depuis au moins 1900 avec un écart de + 2,3 °C par rapport à la moyenne 1991-2020. Outre des chaleurs extrêmes, la première conséquence a été une sécheresse historique des sols. À l’échelle nationale, le déficit pluviométrique sur la période de janvier à juillet a atteint 33 %. Il a concerné toutes les régions, ce qui est inédit par rapport aux événements passés comme 1976 ou 2003. Le 18 octobre, le Comité national de la gestion des risques en agriculture a examiné la situation de sécheresse sur les prairies à partir des indices de pousse de l’herbe à fin septembre disponibles au niveau national. L’analyse conduite a identifié des zones pour lesquelles les pertes constatées sont les plus marquées et dépassent de façon irréversible le seuil d’éligibilité aux calamités agricoles de 30 % de pertes de production des prairies, même si la campagne ne s’achève que fin octobre. Au total, dix-sept départements sont concernés.

 

Août

VENDANGES / Un millésime précoce et exceptionnel

Qui dit sécheresse, dit bien souvent vendanges précoces. En vallée du Rhône, les vignerons et négociants ont commencé à récolter le raisin le lundi 22 août, soit huit jours plus tôt qu’en 2021. Après un mois d’octobre 2021 très pluvieux pour ce grand vignoble, les mois suivants ont tous enregistré des déficits de pluviométrie importants (de 53 à 97 %). Au 30 juin, le stade phénologique de la vigne était en avance de dix jours, se rapprochant des millésimes 2020 et 2018 en termes de précocité. « Nous n’avons quasiment pas eu de pluie de janvier à juillet », résume Lucie Rivière, présidente de la fédération des vins des coteaux du Lyonnais. Fait positif notable : ces conditions ont permis d’éviter le développement des maladies et de préserver l’état sanitaire de la vigne. Finalement, plus de peur que de mal pour toute une profession. En novembre dernier, le président d’Inter Rhône, Philippe Pellaton, a même qualifié ce millésime 2022 comme étant « qualitativement l’un des meilleurs millésimes de ces cinq dernières années. » Du côté du Beaujolais, Daniel Bulliat, président d’Inter Beaujolais, évoque une « récolte très hétérogène d’un secteur à un autre du vignoble. La quantité sera inférieure de 20 % à la moyenne des cinq dernières années. Quant à la qualité, elle est réjouissante ! »

 

Septembre

ÉLEVAGE / La décapitalisation s’accélère

Dans le numéro Tendances lait viande du mois de septembre, l’Institut de l’élevage (Idele) est formel : « en France, alors que les éleveurs sont affectés par une hausse continue des charges depuis plusieurs mois, la décapitalisation, tant en élevage laitier qu’allaitant, s’est amplifiée au cœur de l’été sous l’effet cumulé de la sécheresse et des fortes chaleurs. Mais l’offre en gros bovins finis reste toutefois limitée ». Au 1er août, le nombre de vaches allaitantes présentes en France était en recul de 3,1 % par rapport à 2021, contre 3 % au 1er juin ou 2,7 % au 1er janvier. Quand le nombre de vaches laitières était en chute de 1,8 % par rapport à 2021 au 1er août, contre 1,3 % au 1er juin. En cette fin d’année, « à l’approche des fêtes, avec des cheptels réduits, les abattages sont en recul. Les prix restent donc orientés à la hausse, mais celle-ci ne compense qu’une partie de l’augmentation des charges », affirme l’Idele.

 

Octobre

ENVIRONNEMENT / L’agriculture face au réchauffement climatique

Le 24 octobre, le Conseil des ministres de l’Environnement de l’Union européenne a donné mandat à la Commission européenne de défendre la feuille de route suivante pour la COP 27 qui s’est tenue du 6 au 20 novembre à Charm-el-Cheik (Égypte) : revoir à la hausse les ambitions et les actions mondiales pour limiter à 1,5 °C la hausse de la température de la planète ; intensifier les efforts d’adaptation tout en réduisant leurs émissions pour s’adapter au changement climatique ; porter à 100 milliards de dollars par an le financement de l’action climatique. Ces objectifs répondent en grande partie aux souhaits de la présidence égyptienne qui s’en était fixé quatre pour lutter contre le réchauffement climatique : atténuation, adaptation, financement et coopération. L’agriculture peut jouer un rôle de premier plan dans cette lutte. Preuve en est : l’initiative koronivia prise au titre de la Convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques entend révéler le potentiel de l’agriculture comme solution aux changements climatiques, avec des objectifs de durabilité, de résilience, de réduction de la pauvreté agricole et rurale et d’élimination de la faim et de l’insécurité alimentaire.

 

Novembre

PRÉDATION / L’échec du plan loup 2017-2023

Le plan loup s’achève et tous les objectifs sont loin d’être atteints. La FNSEA, Jeunes agriculteurs, les Fédérations nationales ovine, bovine et des éleveurs de chèvre ainsi que les chambres d’agriculture l’ont fait valoir le 22 novembre lors de la réunion du groupe national loup qui s’est tenue à Lyon (Rhône) : « il a pas su préserver l’équilibre entre la population de prédateurs et les activités pastorales . Les loups se portent bien, l’expansion de leur population et de leur zone de colonisation est hors de contrôle. En revanche, les éleveurs des départements colonisés sont exténués et les systèmes d’élevage à l’herbe en plein air sont à terme condamnés. Les territoires sont progressivement laissés en friche et les dépenses publiques explosent passant de 28 millions d’euros en 2018 à 35 en 2021 », notent les six organisations professionnelles agricoles dans un communiqué commun. Face à cette expansion, la Suisse a demandé, fin novembre, au Comité permanent de la convention de Berne sur la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de reclasser le loup du statut de protection stricte (annexe II) à celui de protection simple (annexe III). Demande rejetée. Le loup reste donc une espèce strictement protégée.

 

Décembre

LOI / Le photovoltaïque au sol encadré

Depuis plusieurs années, l’agriculture est perçue comme une source de production d’énergie renouvelable. Méthanisation, toiture recouverte de panneaux photovoltaïques… nombreux sont les agriculteurs à choisir cette voie pour notamment alléger leurs charges qui ne cessent de croître ces derniers mois, mais également pour diversifier leur activité. Les surfaces agricoles sont également convoitées pour développer l’agrivoltaïsme. Pour autant, un développement sur les sols agricoles de panneaux photovoltaïques pose, selon l’Ademe, un double enjeu de recherche d’espace et de préservation des terres agricoles. Chambres d’agriculture France et la FNSEA le clament : la pérennité de la production agricole prévaut. Les deux organisations ont adhéré à France Agrivoltaïsme pour « garantir une meilleure prise en compte des besoins agronomiques, économiques et sociaux des agriculteurs dans les débats et positions de l’association ». Et de « mieux faire connaître aux exploitants l’intérêt des solutions qui donnent la primauté à l’activité agricole ». C’est en ce sens que le projet de loi AER (énergie renouvelable) adopté le 14 décembre dernier par l’Assemblée nationale restreint le photovoltaïsme au sol en le limitant à « des sols réputés incultes ou non exploités depuis au moins dix ans à la date de promulgation de la loi ».