Événement
Vinalia : voyage gastronomique dans le temps

Charlotte Favarel
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Comment vivait-on à l’époque gallo-romaine ? Quelle était la nourriture ? Comment étaient cultivées les vignes et est-ce que le vin ressemblait à celui d’aujourd’hui ? À l’occasion de son festival Vinalia des 23 et 24 septembre prochains, le musée gallo-romain de Saint-Romain-en-Gal invite tous les curieux et curieuses à un voyage dans l’Antiquité... 

Vinalia : voyage gastronomique dans le temps
Si les amphores présentent différentes formes, cela s’explique par leur provenance. Un moyen efficace de retracer les voies de commercialisation du vin. ©CF/IAR

Pour cette 17e édition qui se tiendra sur deux jours, (une première !), les reconstitutions ont la part belle : « en 2004-2005, on a voulu créer un événement autour des deux pressoirs du musée. De fil en aiguille, ce rendez-vous a pris de l’ampleur : cette année, plus de 150 participants animeront les deux jours », annonce Christophe Caillaud, responsable de l’archéologie expérimentale et médiateur du musée.

Manger et boire à l’antique

Spectacles, visites contées, concert, masterclass œnologique, rencontres littéraires, ateliers, jeux mais aussi reconstitutions autour du vin romain et de la cuisine antique seront au rendez-vous du festival. Avec le domaine viticole des Allobroges, nom du peuple gaulois habitant à Vienne, le week-end sera placé sous le signe des vendanges : « le pressoir à double vis servira le dimanche pour le foulage et le pressurage du raisin, qui sera scénarisé. Idem pour les vendanges, elles seront faites par des esclaves romains sous forme de reconstitution ! », précise le médiateur. Pour l’occasion, un véritable banquet à la romaine sera proposé aux spectateurs.

Véritable site d’expérimentations archéologiques, le musée gallo-romain reprend les méthodes de cuisson de la période antique. ©Patrick Ageneau

« Nous avons des plantes attestées à l’époque romaine et des plantes potagères médiévales », renseigne Christophe Caillaud en désignant le jardin du musée. Ouvert en 2008 au public, ce poumon vert abrite quelques secrets. « C’est sûrement sous celui-ci que la mosaïque du calendrier agricole a été retrouvée à la fin du XIXe s., on aimerait inaugurer son exposition le 21 juin prochain. Même s’il en manque la moitié, cette mosaïque reste une référence : les travaux agricoles représentés sont dans tous les manuels archéologiques. » À l’atelier de restauration du musée, « on s’occupe d’enlever le mortier et beaucoup de choses sont réapparues sur cette pièce unique », s’enthousiasme le responsable de l’archéologie expérimentale. « Au départ, le peuple gallo-romain est une population de cultivateurs qui mangeaient beaucoup de céréales en bouillie. Avec la colonisation et le commerce, les produits de luxe font leur apparition comme les épices d’Orient et le poivre d’Inde ». Le village gourmand qui se tiendra lors de Vinalia accueille les producteurs et exposants des alentours. « De véritables troupes romaines, gauloises et grecques viendront reconstituer la façon dont on mangeait à l’époque, des jeux de découverte autour de l’alimentation et la cuisine seront proposés. »

Et le musée va plus loin avec un endroit réservé à l’expérimentation archéologique. Les méthodes de cuisson sont reproduites comme à l’époque antique. « Le four de potiers a été reconstitué à l’aide de travaux scientifiques et d’associations universitaires, selon les fouilles. Le four à pain date de 2015, le four à poix rend étanche la céramique et le four verrier est là depuis 2017. » Plus d’excuses pour ne pas aller visiter ce joyau, témoin de l’époque antique.

Un musée qui regorge de trésors

Ouvert en 1996, le musée a été créé par un heureux hasard : « le site archéologique a été découvert à la fin des années 1960 lors de la construction du lycée Ella Fitzgerald. Ils se sont aperçus de l’ampleur du site qui a été classé monument historique dans les années 1980. » En parallèle de sa rénovation programmée d’ici 2025, le musée gallo-romain, construit sur pilotis au-dessus d’une ancienne maison antique, entend bien continuer les fouilles entreprises il y a plus de vingt ans. Car ce qui fait la spécificité de la collection du musée, ce sont ses mosaïques. « On a récupéré plus de 500 parements de mosaïque, c’est une collection assez unique en France. »

La mosaïque du châtiment de Lycurgue devrait faire l’objet d’une exposition où de nouveux morceaux seront présentés. ©CF/IAR

Des aspects de la vie quotidienne des Gallo-Romains depuis l’artisanat, le commerce ou l’organisation des maisons, le vin s’avère être un élément central. « Il est au cœur de l’Antiquité et a un rôle important dans de nombreux secteurs d’activités. » Notamment celles de production et de commercialisation : « les dolia, les jarres de l’Antiquité, étaient utilisées pour les vinifications. Plusieurs ont été découvertes vers les côtes de Vienne contenant du vin. Côté commerce, les amphores servaient à l’huile d’olive et au vin. On remarque des formes d’amphores différentes selon la région de production. On peut donc deviner les us et coutumes de consommation et les voies d’approvisionnement du vin à l’époque », apprend Christophe Caillaud.
Par ailleurs, une mosaïque de l’exposition permanente fait référence à la gastronomie et à la consommation de vin : « on y observe une coupe rafraichissante qui est l’ancêtre du seau à champagne. On voit que les amphores baignent dans un liquide de couleur verte, qui symbolise l’eau froide. Finalement, même à l’époque gallo-romaine, on pouvait boire frais ! ».


« Le vin est au cœur de l’Antiquité et a un rôle important dans de nombreux secteurs d’activités. »


À l’étage du musée, se cache un autre joyau, pièce unique. « Si les mosaïques sont normalement organisées avec des figures géométriques, celle-ci est exceptionnelle : elle présente des motifs singuliers avec une vigne géante et Lycurgue, le roi de Thrace dans la mythologie grecque ». La mosaïque a été découverte à Sainte Colombe, Le châtiment de Lycurgue se trouvait donc très probablement dans une salle à manger. « L’histoire retrace que Lycurgue, roi sanguinaire, s’est attaqué à Bacchus (Dionysos) qui s’était présenté aux portes de son royaume. Ambrosia, l’une des nourrices de Bacchus, est capturée. Elle fait appel à la déesse de la Terre qui la change en vigne géante. Ambrosia envahit alors le royaume et emprisonne Lycurgue dans ses branches. La notion de respect et de droit d’hospitalité est prégnante dans cette mosaïque. »

Déployant sur 7 ha les vestiges de Vienna, « correspondant aujourd’hui aux 3 communes de Vienne, Saint-Romain-en-Gal et Sainte Colombe », le musée illustre les différents aspects de la vie quotidienne des Gallo-Romains. En cette rentrée 2023, le site vient d’obtenir tous les champs de la marque Tourisme et handicap, une accessibilité complète qui couvre le handicap mental, physique, auditif et visuel.

Charlotte Favarel

Le programme du week-end et les réservations à retrouver sur le site du musée.

Identique à l’antique
Plusieurs modes de conduite de la vigne sont expérimentés au domaine des Allobroges : à échalas, avec joug, en taille gobelet, au sol ou encore sur pergolas. ©CF/IAR
Domaine viticole

Identique à l’antique

Pour obtenir un vin le plus proche possible de celui de l’époque gallo-romaine, le domaine des Allobroges, situé au sein du musée, entend travailler le raisin comme dans l’Antiquité.

Avec 250 pieds de vignes et 15 cépages différents, le domaine a bénéficié de l’aide du domaine de Vassal, détenteur d’une collection ampélographique diversifiée. « Ils ont sélectionné des cépages anciens car on ne sait pas les cépages utilisés dans l’Antiquité. Aujourd’hui, avec l’ADN des pépins, nous commençons à avoir des résultats sur quelques familles de cépages », précise Christophe Caillaud.

Le mode de conduite est au plus près de ce qu’il se faisait à l’époque romaine : à échalas, avec joug, en taille gobelet, au sol ou encore sur pergolas, « il nous manque la conduite arbustive qui se faisait souvent sur des peupliers ». En travaillant le sol, aucun produit de synthèse n’est ajouté, seulement du soufre et du cuivre. « Muscadet d’Alexandrie ou encore inzolia, nous comptons plusieurs cépages différents. » C’est avec le domaine Pierre Gaillard que le musée entretient ses vignes. « Nous vinifions à l’antique avec des éléments de conservation comme la racine d’Iris, le fenugrec. Certaines plantes qu’utilisaient les Romains ont des vertus conservatrices. Le defrutum est un concentré de moûts, auquel on ajoute du thym, du romarin, de la sauge et du coing. On ajoute également du miel pour le sucre et la préservation, mais aussi pour ses vertus antioxydantes et antifongiques. »

Environ 300 bouteilles sont produites chaque année par le domaine. Vinalia sera l’occasion de déguster ce vin au goût d’autrefois !

C.F.

Le musée gallo-romain de Saint-Romain-en-Gal, joyau architectural d’une époque.

Les recettes romaines proposées à l’occasion du festival Vinalia.