Alimentation
Votre ration est-elle efficace ou efficiente ?

Alexandre Batia
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L’efficience des rations est la clé de voûte pour une meilleure rentabilité des élevages. Les automnales organisées par Rhône conseil élevage étaient placées sous le signe de l’efficience des rations.

Votre ration est-elle efficace ou efficiente ?
Connaître et objectiver sa ration : homogénéité, taux de matière sèche, qualité du hachage et note de flaveur. Rien ne doit être laissé au hasard. Ce sont souvent des petits détails qui font la différence.

Une ration doit être composée de fourrage de qualité et caractéri­sée par son homogénéité et son appétence (on parle de flaveur). La qua­lité de hachage doit être irréprochable, l’objectif étant de rendre la ration la plus ingestible possible sans possibilité d’exercer du tri.

Acte 1 : connaître son fourrage, c’est connaître le potentiel de sa ration. 

Le potentiel d’une future ration prend naissance au moment de la récolte du fourrage. C’est là que tout se joue. Le stade de la coupe de l’ensilage va déter­miner le potentiel de la ration hivernale. Viser les valeurs nutritionnelles permet de limiter l’encombrement et favoriser l’ingestion. Le lait permis par les four­rages sera d’autant plus élevé.

Bien sûr, il faut veiller aux stocks et à la stratégie d’amendement azoté pour fa­voriser la pousse de début de printemps.

Acte 2 : respecter le bien-être du rumen (BER) toute l’année. 

Penser que la vache ne pense pas : mais « pAnse ». Toute transition alimen­taire doit être réfléchie et non subie. L’anticipation est de rigueur pour avoir un rumen en forme. Un simple chan­gement de silo ou de ration va influer sur les microorganismes du rumen. Le saviez-vous ? Il faut quatre semaines pour mettre en place un bon microbiote qui permettra de valoriser au mieux la nouvelle ration.

Acte 3 : le non nutritionnel au service de l’état de forme de l’animal. 

La note état de forme (NEF) est pri­mordiale si on souhaite qu’une vache transforme :

• un remplissage de rumen de note 3,

• une note d’état corporel (Nec) supé­rieure à 2 en race holstein et 2,5 en race montbéliarde,

• une bonne qualité des membres et des tarses permettra d’optimiser le cycle de vie des animaux alternant des phases d’ingestion, de rumination et de repos.

Un animal trop maigre renflouera d’abord ses réserves. Le concentré ainsi apporté ne sera pas dans l’immédiat valorisé en lait. L’animal remettra en premier ses tissus graisseux caracté­risés par une évolution croissante du taux protéique (TP).

Prenez le temps d’observer le dépla­cement de votre troupeau : un animal qui commence à boiter demande de la réactivité de votre part. Une intervention rapide limitera « la casse » avec une perte de lait limité.

Le saviez-vous ? La conséquence d’une boiterie c’est 300 à 900 litres de lait per­du au cours de la lactation. L’animal doit pouvoir se reposer plus de 13 h/jour dans sa logette.

Le non-nutritionnel est l’un des facteurs clés de l’efficience d’une ration.

• Une vache couchée ruminera davan­tage, va plus digérer et par la suite, va plus ingérer.

• Couchée, le flux sanguin dans la ma­melle est augmentée de + 50 %.

• Une épargne d’énergie sur les aplombs en phase de repos. 1 heure de couchage en plus, c’est 1 litre de lait gagné !

Acte 4 : bichonner vos taries et accom­pagner les vaches en début de lactation. 

Une tarie bien préparée, ce sont souvent des petits tracas en moins au moment du vêlage ou en début de lactation. Une tarie demande du confort lors de sa phase de repos.

Son régime alimentaire doit être ap­proprié : du foin, du foin et encore du foin pour encombrer et garder le volume de panse à son optimum. Par ailleurs, de l’énergie pour un vêlage réussi, une bonne montée de lait pour préparer le rumen à la future ration. Enfin, de l’azote pour assurer le bon fonctionnement ru­minale, favoriser l’ingestion et multiplier les microorganismes du rumen.

Viser :

• 9 à 10 unités fourragères (UF) apportés sous forme de fourrage grossier, d’en­silage de maïs et de céréale,

• un niveau de protéiné de 13 à 14 % de matière azotée total,

• une ingestion de 6 à 10 kg de foin : renouveler plusieurs fois/jour pour fa­voriser l’ingestion. Bien sûr, une minéra­lisation adaptée pour des vaches taries.

En début de lactation, nous vous conseil­lons d’accompagner les animaux durant les 100 premiers jours. C’est durant cette période que le concentré est ef­ficace. L’animal met à profit la complé­mentation azotée et énergétique que vous lui offrez.

Distribuer du concentré sur cette pé­riode est la solution pour optimiser la production laitière, maintenir une Nec et assurer une bonne mise à la repro.

Une fois l’animal gestant, vous avez deux stratégies possibles :

• continuer la complémentation pour maintenir le lait, si les fourrages de base se révèlent de qualité moyenne. Le coût de la ration sera plus élevé et la marge plus réduite. On parlera de substitution ;

• diminuer fortement la complémenta­tion et faire confiance à la ration de base et aux fourrages de base sur de bonnes valeurs alimentaires.

Produire du lait grâce à une bonne va­lorisation des fourrages, c’est ce que tout le monde recherche. Plus générale­ment, un troupeau efficient a une durée moyenne de lactation compris entre 5 et 5,5 mois. À ce stade-là, la ration com­posée de fourrage et de concentré est pleinement valorisée et la distribution de concentré de production est écono­miquement rentable.

Acte 5 : les résultats interprofession­nels, indicateurs de nutrition et de santé animale. 

L’évolution du TP montre la dynamique de forme de l’animal. Une insuffisance ou une évolution décroissante traduit un déficit en énergie. Il est souvent judicieux de reconcentrer la ration en énergie. Cette année, avec des maïs faibles en amidon et moins riches en UF, il convient d’augmenter le pôle énergie.

Une évolution croissante du TP chez un individu est signe de reprise d’état. Soyez observateur car l’animal pourra être mis à la reproduction si elle revient cyclée.

Le taux butyrique (TB) montre plutôt l’ingestion et surtout la digestion. Un TB trop élevé ou un écart fort de plus de 8 points entre le TP et le TB est souvent lié à un manque de fermentescibilité dans le rumen et une production allant de modérée à piano-piano.

Il manque des particules fines, starter des fermentations ruminales. Le taux d’urée est un bon indicateur de la com­plémentation azotée. Viser un taux entre 200 mg/l et 300 mg/l.

Un taux d’urée trop faible indique un manque de protéine et une sous-valori­sation de la ration. La balance énergie/azote est très importante dans le fonc­tionnement du rumen.

La lecture des acides gras et l’analyse fine du TB sont plus complexes, mais très intéressantes sur le plan de la conduite alimentaire.

Demandez à votre technicien de vous les commenter. Ils sont répartis en trois postes : critère ingestion, critère diges­tion et maîtrise du déficit énergétique.

Le perte d’efficience de la ration (PER) est un indicateur de pilotage novateur. Il synthétise toutes les données avec comme objectif : s’éloigner de -6 et se rapprocher de 0 ; un véritable challenge au profit de l’économie de tous les jours.

Acte 6 : vous pouvez concilier produc­tivité, santé animale et rentabilité…

Enfin, partagez vos résultats, échangez avec vos collègues. Tel le groupe « des éleveurs 30 kg » sur le secteur de Meys, Villechenève et Duerne qui confronte leurs résultats technico-économiques chaque année, autour du coût de la ra­tion, de la marge dégagée au 1000 l ou à la vache. Concernant ce groupe créé depuis trois ans et à la suite de constats nutri-éco réalisés après chaque pesée du contrôle laitier, nous pouvons dire que le coût alimentaire est de 5,20 €/VL et grâce à une recette laitière de 13 €/VL/j (combinaison du prix et du volume), la marge à la vache est supérieure à 7,80 €/VL sur l’année 2022.

Ces moments d’échange de pratiques, la mise en commun des résultats encou­ragent les éleveurs à poursuivre dans cette démarche dynamique de réussite.

Les mots éleveur, producteur laitier et entrepreneur raisonnent en eux et prennent tout leur sens. La dynamique de groupe est née, continuons à parler vache, à « pAnser » vache.

Pour des conseils en nutrition, une analyse technico-économique de vos rations ou la lecture de vos analyses interpro, vous pouvez joindre les tech­niciens de Rhône conseil élevage. n

Alexandre Batia, Rhône conseil élevage