TROPHÉE BEAUJOLAIS NOUVEAU
Un millésime précoce

Charlotte Favarel
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C’est un millésime précoce cette année qui ornait les tables du Trophée Lyon beaujolais nouveau au domaine des Communes à Anse. Seul concours officiel des beaujolais nouveaux, le trophée a réuni 83 dégustateurs pour 280 échantillons.

Un millésime précoce

Il est 8 h 30 au domaine des communes samedi 12 novembre quand les premiers dégustateurs commencent à arriver. Sur les 14 tables qui représentent chacune un jury, fiches de notation, crayons, calculatrices, vins, crachoirs, eaux et pains sont minutieusement disposés. Avec des petits yeux malicieux, Jean Brouilly cherche sa table. « Je n’ose même plus dire depuis combien de temps je suis dans le milieu, lance-t-il, l’air rieur, ça fait au moins soixante ans ! J’étais cuisinier et toujours passionné par le vin. Je me souviens de mon premier boulot en vendanges à 13 ans, ce sont des souvenirs inoubliables. Cette année c’est une année riche, il y a beaucoup de fruits, je pense que ce sont des primeurs qui vont bien vieillir ». Jean Brouilly a aidé au choix du repas servi le midi, lui qui a pour habitude de travailler avec les vignerons pour des assemblages.

Des records encore jamais enregistrés pour le millésime

Au contraire de l’année dernière où le ban des vendanges était au 15 septembre, le millésime a été précoce en 2022 avec une autorisation de commencer la récolte au 17 août. À l’heure des discours, Bertrand Chatelet, directeur de la Sicarex, n’a pas manqué de le rappeler avec un quiz : « quel est le mois de mai le plus chaud jamais enregistré en Beaujolais ? 2022. Quel est le mois de juillet le plus sec jamais enregistré en Beaujolais ? 2022. Pour quel été avons-nous enregistré les plus fortes contraintes hydriques ? 2022. Quel est le ban des vendanges le plus précoce après 2003 ? 2022. » Malgré ces records, le millésime promet d’être bon. « Les raisins étaient assez magnifiques. Les vinificateurs ont pu faire de jolis vins, j’espère que les arômes ne se sont pas tous évaporés, mais les échantillons que vous allez déguster sont les témoins de ce millésime hors norme et qualitatif », se réjouissait Bertrand Chatelet. Arrivent ensuite les trois mises en bouche, l’occasion pour chaque membre du jury, venus de toutes les régions de France, de comparer leur résultat. Vue, odorat et goût sont mis à l’épreuve des sens avant l’ouverture de la dégustation.

« On a de jolies expressions, assez structurées en bouche pour des primeurs »

Une fois la première série terminée, place à une pause. Et les papilles parlent. Pascal Nigay, vigneron retraité et Jean-Luc Chagny, maître de chai à Quincié-en-Beaujolais échangent leurs impressions sur le primeur. « Ce sont des vins plutôt portés sur les fruits noirs, avec une complexité en bouche, épicés, poivrés et très harmonieux, lance l’un. La plupart sont bien équilibrés, il y a une puissance soutenue », ajoute l’autre. De leur côté, Caroline Leroux, technicienne vignoble à la cave Vinescence et Michaël Lachaud, directeur technique aux vignerons des Pierres dorées participent au trophée depuis quelques années. « On a de jolies expressions, assez structurées en bouche pour des primeurs, décrit la première. On a déjà eu un millésime précoce et cette année était la configuration à battre tous les records, précise le second. Mais il n’y avait pas de jus, ce qu’il manquait pour un millésime complet c’était des baies avec du jus. » Si cette année est celle du fond plutôt que celle du fruit, ce n’est pas pour déplaire. « Ça annonce de jolis vins de garde », présage Caroline Leroux.

Un nouveau président pour l’union des œnologues de Bourgogne Centre-Est

Si Hélène Granger est toujours dans le réseau, elle a passé la main de la présidence de l’union des œnologues de Bourgogne Centre-Est en début d’année 2022 à Alain Siodlak. « C’est un concours qui me tient à cœur et je reste une adhérente active de l’union, partage-t-elle. Le millésime est précoce et a une belle maturité, il est plein, rond et plus technique. Avec les primeurs, on cherche à garder la gourmandise qu’on aime toujours bien avoir avec un côté festif et un fruit qui reste frais. » L’actuel président s’est bien acclimaté, avec une série de remerciements lors des discours d’entrée, il insiste : « heureusement que j’ai une équipe dynamique, on est à peu près 14 personnes sur l’année pour organiser ce trophée. C’est un très beau millésime même s’il y a eu peu de rendements », conclut-il.

Charlotte Favarel

Une notation à la pointe

Grâce à une mixité qui compose le jury, œnologues, techniciens, partenaires et sommeliers donnent un avis riche, représentatif d’une pluralité de secteurs. « C’est un panel qui reflète l’aspect technique et l’avis des consommateurs », détaille l’ancienne présidente, Hélène Granger. Pour Michel Desilets, avocat spécialisé en droit rural, avec la qualification spécifique droit de la vigne et du vin, il signe sa première participation. « C’est la première fois que je me retrouve dans un concours aussi technique et bien construit. La notation est très précise et je découvre ça aujourd’hui, se réjouit-il. Je pense que la dégustation, c’est l’école de l’humilité, avec un respect du produit, une pensée pour le travail effectué, il ne faut pas juger trop vite un vin. » Avec les fiches de dégustation élaborées par l’Organisation internationale de la vigne et du vin, les dégustateurs reportent leur analyse en chiffres. Limpidité et aspect visuel, franchise, intensité positive et qualité de l’odeur, franchise, intensité, persistance harmonieuse et qualité du goût sont notés. Puis tout est additionné. « La médaille d’argent se décerne à partir de 81 sur 100, l’or à partir de 87 sur 100 et la mention Grand Prix à partir de 93 sur 100 », explique l’ancienne présidente.

Trophée Lyon beaujolais nouveau : un millésime précoce

Les sens à l’épreuve de la dégustation au trophée Lyon beaujolais nouveau