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"Les destins des entreprises et des producteurs sont extrêmement liés"

Simon Alves
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Éleveur dans la Loire, Jean-Michel Javelle vient de prendre la tête du Criel Alpes Massif central. Renouvellement des générations, valorisation des produits et empreinte carbone sont les trois axes sur lesquels l’interprofession laitière souhaite orienter ses actions.

"Les destins des entreprises et des producteurs sont extrêmement liés"

Vous avez élu président du Criel Alpes Massif central au titre de la coopération. Avec quelles ambitions ? 

Jean-Michel Javelle : « Je suis président de la région Sodiaal Sud-Est, à ce titre, je représente toutes les coopératives, les grandes comme les petites. Ce tissu divers et dense fait la spécificité de notre belle région qui peut s’enorgueillir de produire le plus beau plateau de fro­mages français. Je suis producteur de lait dans la Loire, à proximité de Saint Étienne, où je produis en Gaec avec un associé, un salarié, et un apprenti, 700 000 litres de lait. Au sein du Criel, l’ambition est de soutenir l’ensemble de la filière. » 

Sur le périmètre Criel, on assiste, de­puis quelques années, à un décrochage inquiétant de la production laitière. Dans une étude récente, le Cniel estime à 2250 le nombre d’emplois menacés dans le Massif central et les Alpes. Comment stopper cette hémorragie ? 

« Ce décrochage nous préoccupe. C’est pourquoi nous avons entrepris un travail autour d’une charte d’avenir pour la pro­duction laitière. L’idée est de se position­ner en complémentarité des dispositifs existants afin de recenser les porteurs de projets et de faciliter le recrutement dans les métiers du lait. » 

Les difficultés de rentabilité éco­nomique corrélées à la lourdeur des investissements effraient ? 

« Le prix et se sentir bien au travail constituent deux enjeux essentiels pour maintenir les troupes. Travailler sur les sujets de valorisation des produits est in­dispensable c’est pourquoi avec la charte d’avenir, tous les partenaires souhaitent inciter les entreprises à se mettre en ordre de marche pour sécuriser le prix du lait des jeunes agriculteurs. Mais au-delà des difficultés, globalement, on se rend compte que chez nous, bien souvent, il y a une meilleure réussite dans nos territoires car les capitaux nécessaires à l’installation sont moins importants que dans d’autres régions. » 

Sur le lait de montagne, les Alpes et le Massif central ont une sérieuse carte à jouer avec des volumes importants produits en montagne qui hors AOP ne sont pas suffisamment valorisés. Comment changer la donne ? 

« Au sein du Criel, nous ne parlons ni de volume, ni de prix. Nous avons le droit de publier des indicateurs à postériori, ce que nous faisons à travers les AOP. Défendre la valeur de nos produits de montagne et AOP dans tous les circuits de distribution y compris dans la restau­ration hors domicile est un vrai enjeu. Une association pour valoriser les laits blancs qui ne sont pas AOP est en cours de création. Le Criel accompagnera ses travaux. » 

La filière est confrontée depuis ces derniers mois à une hausse des charges sans précédent. Comment passer ce cap ? 

« L’ensemble des opérateurs sont tou­chés. Une inflation des tarifs est juste in­dispensable au regard de l’augmentation des charges dans les entreprises, sur les exploitations… Il faut absolument passer des hausses sur les produits agricoles. Si nous pouvons reconnaître qu’il y a eu un frémissement avec la loi Égalim, c’est bien dans la filière laitière. Pour autant, cela n’est pas suffisant, le Criel et le Cniel veulent être dans cette dyna­mique de recherche de valorisation parce que les destins des entreprises et des producteurs sont extrêmement liés. Les entreprises se soucient aujourd’hui de la ressource laitière. Mais ne tombons pas dans le catastrophisme, nous avons des handicaps, mais nous avons aussi énormément d’atouts sur la biodiver­sité, la naturalité, la montagne… C’est l’ensemble de la filière qui doit en faire la promotion. » 

Sur la question de l’empreinte car­bone, la filière régionale laitière sou­haite prendre les devants. Comment ? 

Sur la ferme bas carbone, un travail a été entrepris avec l’aide du conseil régional, pour faire un bilan et démontrer que nos exploitations sont vertueuses car très axées sur l’herbe. Une fois le dia­gnostic établi, il s’agit de déterminer les pistes d’amélioration qui sont souvent corrélées à une meilleure performance économique des exploitations. L’enjeu est de ne pas subir et de redonner de la fierté aux producteurs de lait. On pro­duit le premier aliment de la vie. Les producteurs de lait sont producteurs de produits finis, de fromages d’exception, de laits infantiles qui peuvent traverser le monde… Tous ces éléments peuvent nous permettre de rapprocher le pro­ducteur du consommateur. »

Propos recueillis par Sophie Chatenet