La salle des fêtes de Chambost Allières affichait presque complet lors de l’assemblée générale des Jeunes agriculteurs (JA) du Rhône, rassemblant plus de 80 personnes le 6 février. Le thème central de cette année, marqué par les 50 ans de la dotation jeunes agriculteurs (DJA) en 2023, a favorisé des échanges intergénérationnels riches et constructifs.

50 ans de DJA, et après ?
Élus et animatrices des JA du Rhône ont décidé de faire la part belle aux 50 ans de la DJA. CF/IAR

« La mobilisation récente et la représentation dynamique de la jeunesse agricole sont des signes encourageants pour l’avenir de notre secteur, introduit Remi Laffay, président des JA, dans son rapport moral. Nous réclamons un revenu décent, à hauteur de 2 Smic, une suppression de la surtransposition des normes et une juste considération de l’agriculteur », poursuit-il. S’il pose la question de quelle agriculture pour demain, le président y répond avec « un engagement syndical pour orienter l’État et l’Europe. La DJA a confirmé son utilité, celle de notre Région est la plus conséquente avec 45 000 € en moyenne. 90 % des agriculteurs ayant suivi ce processus sont toujours en activité dix ans plus tard ».

Maxime Philippe, trésorier des JA, met en lumière les défis économiques auxquels sont confrontés les JA dans son rapport financier. « Nous devons faire face à une augmentation des charges et un léger déficit, mais nous sommes reconnaissants envers nos partenaires pour leur soutien financier. »

L’art de la transmission

Pour comprendre l’évolution de la DJA dans le Rhône, rien de mieux que des témoignages. Jo Giroud, installé en 1973, « est un ancien combattant, plaisante-t-il. Il a fallu attendre 1975 dans le Rhône pour avoir des zones de montagne et bénéficier de la DJA. À l’époque, 95 % des jeunes installés étaient fils d’agriculteurs. On prenait notre bâton de pèlerin et on allait voir les banques, les notaires, le service des impôts, les assureurs, énumère-t-il. Il n’y avait pas d’accompagnement comme aujourd’hui, et il y avait beaucoup plus de place pour entreprendre », remarque l’ancien exploitant de Saint-Romain-de-Popey. Avec lui à la table ronde, Sébastien Mazallon, installé à Saint-Pierre-La-Palud en hors cadre familial. L’éleveur laitier, aussi vice-président des JA Auvergne-Rhône-Alpes en charge du dossier installation, se souvient de son installation en 2006 : « avec le parcours à l’installation, il fallait faire un rétroplanning et un stage de six mois avant l’installation. À l’époque, j’avais touché 28 000 €, mieux que les 3800 € de 1973. Sans ce dispositif, j’aurais pu m’installer mais pas dans de bonnes conditions et je ne sais pas si je serais encore agriculteur ». À leurs côtés, Thomas Mitton lui, s’est installé en juillet 2023. Avec un associé et 50 vaches laitières, « j’étais hors cadre familial et je suis heureux depuis six mois », sourit-il. Mais tout n’a pas été aussi simple, après une première installation qui n’a pas abouti, il commence le parcours installation en 2019, rencontre son futur associé : « il faut vraiment être bien entouré et prendre le temps de choisir les personnes avec qui on va travailler. Le cédant était très présent pour moi, ça a facilité beaucoup de paperasse ». Parmi ces exploitants, Pascal Charasson, directeur pour la performance des entreprises à la CCI Beaujolais, fait un parallèle entre deux mondes : « on observe l’importance du binôme cédant et repreneur, même dans le monde des entreprises. Pour les transmissions, on incite le cédant à rester en partie dans l’entreprise pour apporter toutes ses astuces, ses relations avec les fournisseurs, ses clients et même son équipe. C’est primordial pour ce passage de relais, sinon c’est une perte de 30 % du chiffres d’affaires assurée ».

Se battre pour les générations futures

Représentant national des JA, Alexis Roptin, agriculteur dans la Sarthe en production et transformation laitière revient sur l’importance de défendre l’installation des jeunes, que ce soit au travers de la DJA et d’autres dispositifs également : « la mise en place de la DJA était pour inciter les jeunes à venir dans des territoires avec moins de dynamisme agricole. Aujourd’hui, on a un système qui s’est décentralisé, il existe 18 formes de DJA différentes ». Il met en garde face aux différences d’installation d’une région à l’autre. « Au niveau national des JA, on est sur un travail de veille et le nerf de notre travail, ce sont les JA de région qui l’ont. Sans eux, le tissu rural et le réseau agricole ne fonctionnent pas. » Le vice-président des JA Auvergne-Rhône-Alpes, Clément Rivoire, rebondit sur cette observation : « nous sommes encore en période de transition. Il y a trois ans, on comptait 812 installations sur la région, 970 il y a deux ans et 750 en 2023. On tient une moyenne de 850 installations annuelles, on reste la région qui installe le plus en France », défend-il. Et il prévient comme Alexis Roptin : « avec la DJA en Région, il va falloir éviter les virages à 180 degrés à chaque politique régionale. L’agriculture a besoin d’une vision à long terme », conclut-il.

La préfète secrétaire générale Vanina Nicoli était présente aux côtés de Pascal Gouttenoire, président de la FDSEA 69, Pascal Girin, président de la chambre d’agriculture, et Colette Darphin, vice-présidente en charge de l’agriculture au Département. Elle a transmis le soutien de l’État : « le maître-mot sera de matérialiser avec pragmatisme, échanger et écouter pour travailler sur les points à simplifier. Nous avons déjà amené des réponses locales avec des contrôles sur les marchés à Lyon et on continue à accentuer la pression », assure-t-elle.

Charlotte Favarel

Historique

50 ans de DJA

Loïc Virieux, vice-président installation JA, est revenu sur l’évolution de la DJA depuis cinquante ans, en rappelant que les « JA ont été acteurs de sa mise ne place et de son évolution, c’est grâce à l’engagement que nous avançons » :

  • 1965 : mise en place du premier prêt bonifié.
  • 1973 : DJA pour les zones de montagne et défavorisées, engagement sur cinq ans minimum.
  • 1977 : extension de la DJA sur toutes les zones du territoire.
  • 1981 : stage préparatoire à l’installation de 40 h, remplacé aujourd’hui par le stage 21 h.
  • 1984 : le montant de la DJA a doublé.
  • 1988 : la DJA est accordée aux conjoints. Une exploitation peut toucher plusieurs DJA.
  • 1995 : création du point info installation, aujourd’hui appelé point accueil installation par la chambre d’agriculture.
  • 2004 : versement de la DJA en une fois.
  • 2009 : mise en place du plan de professionnalisation personnalisé.
  • 2015 : retour du versement de la DJA en deux fois.
  • 2017 : renforcement de la DJA, le montant augmente. Arrêt des prêts bonifiés.
  • 2023 : la DJA n’est plus du ressort de l’État mais du conseil régional, financé par la Région et le Feader au niveau européen.
Chambre d’agriculture du Rhône

49 jeunes installés en 2023

La soirée dédiée aux jeunes installés, organisée par la chambre d’agriculture du Rhône, a été un rendez-vous animé, rassemblant différents acteurs du monde agricole. 15 d’entre eux* étaient présents à la salle des fêtes de Chambost Allières le 6 février.

Pour inaugurer la soirée, Pascal Girin, président de la chambre d’agriculture du Rhône a souligné l’importance de l’installation en agriculture, mettant en lumière les 49 installations aidées dans le département en 2023. « Ces installations évoluent avec une multitude de productions et de filières représentées, et toujours la viticulture et l’élevage en dominance », informe-t-il.

Si le nombre d’installés est en recul cette année par rapport à 2022 (73 installés), « cela s’explique par le changement de gestion entre l’État et la Région de la dotation jeune agriculteur », précise Émilie Barbier, responsable de pôle entreprise et territoires à la chambre. Agnès Liard, responsable d’équipe conseil entreprise, a également mis en avant les nombreux porteurs de projets accueillis en 2022, soulignant l’importance des circuits courts et des formations pour une installation réussie. « Les ateliers principaux concernent le bovin lait, la viticulture et le maraîchage, avec une prédominance des installations en société et une forte tendance à la diversification, notamment vers la vente directe et le bio. »

Charlotte Favarel

 

**Jeunes installés présents à la soirée de l’installation : Benjamin Azzara à Chiroubles (viticulture) ; Sophie Bolvy à Saint-Romain-de-Popey (polyculture élevage) ; Mathieu Cellard à Chaussan (apiculture) ; Milane Delhomme à Grandris (vaches laitières et allaitantes) ; Julien Deshayes à Saint-Étienne-Les-Oullières (viticulture) ; Adrien Favre à Le Perréon (viticulture) ; Thomas Grizard à Charentay (viticulture) ; Guillaume Michallet à Saint-Genis-les-Ollières (vaches allaitantes) ; Thomas Mitton à Lamure-sur-Azergues (vaches laitières) ; Anthony Pilaud à Vaugneray (vaches laitières) ; Valentine Prinet à Les Ardillats (pépinière) ; Rémi Ronzon à Saint-Just-d’Avray (vaches laitières) ; Fabien Savoye à Vauxrenard (viticulture) ; Antoine Stephan à Gleizé (viticulture) et Valentin Viricel à Soucieu-en-Jarrest (vaches allaitantes).

Valentin Viricel, jeune installé à Soucieu-en-Jarrest fait part de son parcours