Sanitaire
Le court-noué : une maladie sous-estimée en Beaujolais

Thibault Laugâa
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Avec l’avancée de la végétation, les premiers symptômes de court-noué sont apparus ces derniers jours dans le vignoble. L’occasion de faire un point sur cette maladie souvent mal connue et dont les impacts en termes de rendement sont très largement sous-estimés, notamment en Beaujolais. Plusieurs projets de recherche du PNDV sont en cours pour trouver de nouvelles méthodes de lutte.

Le court-noué : une maladie sous-estimée en Beaujolais
Prémunition, Projet VACCIVINE - PNDV - Comité Champagne

Le virus du court-noué est transmis à la vigne par des nématodes, des vers présents dans le sol. Près de 80 virus différents s’attaquant à la vigne ont été identifiés, 2 souches principales étant responsables du court-noué. 

Une virose complexe

Plus de 26 000 espèces de nématodes ont été recensés dont 11 000 dans le sol. Sachant que 2 espèces principales sont vectrices du court-noué : Xiphinema diversicaudatum et Xiphinema index. Ces nématodes ne font que quelques millimètres de long et suivent les racines. On les retrouve plutôt vers 30 à 80 cm de profondeur, voire jusqu’à plusieurs mètres selon l’étendu de l’enracinement. Les nématodes se nourrissent en piquant les racines en croissance et transmettent ainsi le virus de vigne à vigne. S’ils se déplacent peu naturellement (quelques centimètres par an), ils peuvent être transportés par les mouvements de terre. Et ce d’autant plus que les nématodes ont la capacité de survivre pendant au moins cinq ans en l’absence de plante hôte et de garder leur capacité infectieuse. Il semblerait que les sols argileux soient les plus favorables à la présence de nématodes. À l’inverse, des sols à faible teneur en argile freinent la propagation, les sols sableux ne permettant pas la survie des nématodes. 

De nombreux pieds asymptomatiques

Souvent mal connus, les symptômes du court-noué sont de plusieurs ordres : 

  • Sur feuillage : des déformations de feuilles, des décolorations (panachure), ou des rabougrissements.
  • Sur rameaux : des anomalies (double-nœuds, fourches, etc.).
  • Sur grappes : des phénomènes de coulure, de millerandage, ou des retards de maturité. 

Du fait de la propagation de proche en proche par les nématodes, le court-noué finit fréquemment par former des « ronds » dans les parcelles. Il faut aussi noter de fortes différences de sensibilité variétale dans l’expression des symptômes. Certains cépages expriment peu la maladie (ugni blanc) d’autres, au contraire, l’expriment très fortement comme le chardonnay ou le grenache. Le projet JASYMPT du PNDV a permis de confirmer que les symptômes visuels de décoloration, déformation et rabougrissement permettaient de conclure assez facilement à une présence de court-noué. Mais ce projet a aussi démontré que de nombreux pieds asymptomatiques étaient positifs à la maladie lorsqu’on réalise un test ELISA (tests enzymatiques). Sur les parcelles des différents vignobles impliqués dans le projet JASYMPT, 27 % des pieds asymptomatiques testés s’avéraient être positifs au court-noué. Une proportion retrouvée sur la parcelle de gamay en Beaujolais faisant partie du projet (30 % de ceps asymptomatiques positifs). C’est pourquoi des recherches sont en cours dans le cadre du PNDV pour essayer de développer d’autres outils de détection rapide pouvant remplacer les tests ELISA. Certes fiables, ils sont très onéreux et donc peu généralisables au vignoble.

Un impact sur le rendement largement sous-estimé

Dans le cadre du projet LONGVI du PNDV, piloté par l’IFV, une étude de la prévalence, c’est-à-dire du nombre de cas de court-noué, a été réalisée sur 8 réseaux tests en Val de Loire, Languedoc, Vallée du Rhône et en Beaujolais. Sur le Beaujolais, 29 parcelles ont été suivies par Jean-Yves Cahurel de l’IFV Sicarex sur le secteur de Belleville-en-Beaujolais. L’étude s’est faite par la réalisation de notations des symptômes visuels, complétée par un panel de tests ELISA. Deux éléments forts sont ressortis : tous les réseaux d’observation étaient touchés par le court-noué de manière plus importante qu’imaginé, y compris en Beaujolais. Et la proportion de ceps asymptomatiques touchés par le court-noué pouvait atteindre 70 %. En parallèle, le projet JASYMPT du PNDV a permis d’évaluer l’impact du court-noué. Il en ressort qu’il peut y avoir jusqu’à 95 % de perte de récolte sur des ceps malades du court-noué. La perte moyenne à la parcelle s’étale de 5 % à 50 %. Les parcelles étudiées en Beaujolais présentaient une perte de récolte liée au court-noué allant jusqu’à 30 %. Le schéma ci-contre résume la prévalence et l’impact rendement sur chaque réseau de tests. Il en ressort que la présence et l’impact du court-noué sont très largement sous-estimés au vignoble, y compris en Beaujolais. 

Les méthodes de lutte

La lutte contre le court-noué repose à ce stade exclusivement sur des méthodes préventives. La première mesure de lutte consiste à éviter d’introduire le virus au vignoble par le matériel végétal. Il est donc indispensable d’utiliser du matériel végétal certifié qui garantit l’absence de viroses. Pour limiter la population de nématodes, il est utile aussi de dévitaliser les couches avant arrachage. La destruction des racines permettra ainsi de priver de nourriture les nématodes. Au moment de l’arrachage, il est essentiel d’extirper soigneusement les racines pour éviter de laisser des sources de nourriture aux nématodes. Le respect d’un repos du sol avant de replanter est également un levier. Toutefois, des durées de repos du sol de sept à dix ans sont recommandées, ce qui est concrètement difficile à mettre en œuvre au vignoble. Il faut aussi éviter les apports de terre exogène sur les parcelles, celle-ci pouvant transporter des nématodes. À noter qu’un porte-greffe retardant de manière significative la recontamination par le court-noué est inscrit depuis 2011 au catalogue (Nemadex Alain Bouquet). Toutefois, celui-ci présente un certain nombre de faiblesses en termes de vigueur, de tolérance à la sécheresse, etc.

 

Retrouvez plus d’informations sur le Plan dépérissement en cliquant ici ou en contactant votre référent Plan dépérissement en Beaujolais : Thibault LAUGÂA – Tel : 06 40 83 83 70 ou mail : [email protected] 

Thibault Laugâa

Les axes de recherche du PNDV :

Face à l’importance de la présence du court-noué et son impact sur le rendement, plusieurs projets de recherche du PNDV sont consacrés à cette virose. Le projet COUPRE, porté par l’INRAE, vise à définir des méthodes d’évaluation de la nuisibilité du court-noué et à tester des outils de détection précoce à la vigne utilisant des nanobodies (des anticorps microscopiques issus du génie génétique). Des travaux sont aussi en cours sur le matériel végétal pour sélectionner des variétés résistantes au virus, des variétés résistantes aux nématodes ou encore pour identifier des porte-greffes tolérants. Dans le cadre du projet JASYMPT, porté par Marion Claverie à l’IFV, plusieurs leviers de lutte liés aux pratiques culturales sont étudiés tels que les jachères nématicides, l’impact des pratiques culturales comme la taille tardive ou des « apports massifs » d’azote. Concernant les plantes nématicides, certaines (légumineuses, graminées et crucifères) ont montré une aptitude à réduire les populations de nématodes en conditions contrôlées en serre puis au champ. Toutefois, il reste encore à valider si la réduction des effectifs de nématodes dans le sol se traduit par une moindre recontamination et/ou un retard de la vitesse de recontamination de la nouvelle vigne par le virus du court-noué. Ce n’est qu’à l’issue de cette étape que l’on pourra conclure de leur efficacité. Dans le cadre du programme de recherche JASYMPT, des essais sont menés avec de la luzerne, la vesce velue, le sainfoin ou trèfle violet, l'avoine. Ces plantes sont testées lors du repos du sol avant une plantation. À l'inverse, certaines plantes comme la phacélie, le sarrasin, le sorgho et le chanvre, entrainent la multiplication de nématodes et sont donc à proscrire avant une nouvelle plantation de vigne en cas de parcelle contaminée par le virus. Il est aussi déconseillé de réaliser des semis d’orge qui est à la fois une plante hôte du virus et du nématode. Enfin, les projets VACCIVINE 1 et 2 portés par l’Inrae de Colmar visent à développer des techniques de prémunition pour lutter contre le court-noué. Le principe de la prémunition est d’inoculer des souches atténuées du virus du court-noué pour permettre à la vigne de développer des résistances face à des souches plus virulentes. 

Temps d’échange « bout de vigne » :

La chambre d’agriculture du Rhône vous propose un temps d’échange « Bout de vigne » sur le sujet le 22/06/2023 à 18 h sur une parcelle touchée à Lancié. Inscriptions par sms au 06 40 83 83 70.