Elevage laitier
Pour une meilleure valorisation des petits veaux

Marie-Cécile Seigle-Buyat
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La valorisation des veaux laitiers tend à se dégrader depuis plusieurs années, transformant, selon Mikaël Gonin, responsable de la section laitière du Rhône, « la vocation d’éleveur en devoir d’élever ». Une crise exacerbée par la pandémie de la Covid-19. Pour autant, les filières viande et lait se mobilisent pour trouver des solutions concrètes.

Pour une meilleure valorisation des petits veaux

Pierre Lepin est un passionné et depuis son installation en 2002, cet éleveur de vaches laitières n’a cessé de voir les cours du veau s’effondrer. « Je vends en confiance une vingtaine de veaux par an à Bovicoop. Via l’insémination artificielle sur ma ferme, j’ai choisi de n’avoir que des veaux croisés très peu conformés pour éviter des soucis lors de la mise bas et une meilleure lactation derrière. Il semble que nous soyons beaucoup d’éleveurs à avoir fait ce choix car aujourd’hui il y a beaucoup de veaux moyens sur le marché notamment d’automne. Les veaux de printemps se vendent un peu mieux. De mon côté, les prix ont baissé d’un tiers en quatre cinq ans », constate celui qui a choisi également d’étaler les vêlages. Pour autant, les coûts sur son exploitation ont une tendance inverse. « La poudre de lait est vraiment plus chère », souligne l’éleveur qui élève 40 vaches montbéliardes et prim’holsteins à Ancy. Il produit 300 000 l de lait qu’il livre entièrement à Sodiaal.

Des coûts de production en hausse

2021 par l’Idèle en collaboration avec Interbev Veaux « la cotation de la poudre de lactosérum destinée à l’alimentation animale a progressé de façon spectaculaire pendant le premier semestre 2021 atteignant 1005 €/t en semaine 17 (+ 48 %/2020). Face à la hausse des coûts de production et à l’encombrement du marché du veau  deboucherie, la cotation du veau nourrisson est restée très dégradée début 2021. En moyenne sur les semaines 1 à 24, le cours du veau mâle de type lait de 45-50 kg était en recul de 1 € par rapport à son très bas niveau de 2020 (- 2 %) et de 14 € /2019 (-18 %) ». L’insémination artificielle représente également un investissement pour Pierre Lepin. « La mise en place me coûte 46 € et la dose 20 €. » Alors si la vente d’un mâle croisé « paie encore », celle d’un mâle pur est insuffisante. « Dans le meilleur des cas, mon veau pur part à 50 €… » Il ne jette pour autant pas la pierre à ses acheteurs qui doivent eux aussi faire face à des coûts qui ne font qu’augmenter. Il y a, par ailleurs, pour Pierre Lepin un problème de délai entre l’achat de la bête et la vente de la viande, et à quel prix ?
Selon Interbev Auvergne Rhône-Alpes, concernant le produit veau, « il y a régulièrement des écarts entre les disponibilités (naissances) et les débouchés (besoins des marchés) […] Le pic des naissances se concentre entre fin juillet et novembre et le surplus vient déstabiliser les marchés. Notamment sur le marché export où les conditions de préparation sanitaire contraignent les débouchés. Pour exemple, pour l’Espagne, les petits veaux doivent avoir été désinsectisés quatorze jours avant le départ de l’exploitation (inscription traitement dans le registre d’élevage, attestation signée de l’éleveur et mise à l’acheteur), le veau doit faire l’objet d’un test PCR ou il s’agit de veaux issus de mères vaccinées contre les sérotypes 4 et 8 ». En France, sur environ 2 millions de naissances de veaux laitiers, plus de la moitié sont orientés en production de veaux de boucherie, 15 % sont commercialisés vifs pour des marchés export (essentiellement en Espagne), 13 % pour de l’engraissement en France. Sur le marché régional, toujours selon Interbev Aura, ce sont environ 200 000 veaux laitiers qui sont disponibles : plus d’un tiers entre en ateliers veaux de boucherie (production régionale de 165 000 têtes annuelle dont 124 000 veaux (de 14- 45 jours environ) laitiers, croisés et viande proviennent de la région); 20 % des veaux laitiers sont exportés (Espagne) par des opérateurs spécialisés en région (veaux de 21-30 jours environ) et le reste est destiné pour les ateliers d’engraissement (JB), mais cette activité tend à baisser. « Dans ce contexte, où les opérateurs (intégrateurs, coopératives, …) qui mettent en place les petits veaux en ateliers veaux de boucherie, doivent anticiper les périodes de sorties et celles de consommation du veau en points de vente, il est constaté sur les dix dernières années une évolution de la typologie des veaux. En effet, les veaux laitiers représentent 53 % des abattages de veaux, contre 59 % en 2010 ; les veaux croisés quant à eux couvrent 29 % des abattages, contre 26,5 % en 2010. Cette tendance est subie par les intégrateurs qui voient l’offre de veaux croisés augmenter alors même que la demande en veaux mieux conformés n’est pas couverte. À noter tout de même, selon les données du GEB de 2019, que dans ce contexte, la production régionale de veaux de boucherie est en hausse de 13 % par rapport à 2010 (ateliers + 50 veaux/an) avec 124 000 têtes produites. Seules les régions Auvergne-Rhône-Alpes et Bourgogne-Franche-Comté, sont sur cette dynamique », ajoute l’interprofession régionale.

Pierre Lepin
Pierre Lepin, éleveur à Ancy, compte sur les travaux menés pour une meilleure valorisation des veaux sur son exploitation.

Expérimentations

Pour l’éleveur ancéen qui exploite 45 ha, il faut repenser toute la filière. « Il est important que nous retrouvions des engraisseurs en France et que la préférence d’origine sur les marchés soit enfin mise en place », conclut l’éleveur qui compte beaucoup sur la future station expérimentale de Mauron dans le Morbihan dont la réception des travaux est prévue à l’automne 2022. Selon le Veau flash, « la phase de réflexion entamée en 2019 pour définir les contours de la nouvelle station expérimentale de Mauron a permis de faire émerger les idées et imaginer des solutions répondant aux enjeux et besoins exprimés par la filière veau de boucherie ». La nouvelle station, dont la capacité sera de 480 places, « se composera de quatre modules distincts dont trois modules de production » où seront testés dans des bâtiments « prototypes, le lancement et la faisabilité de nouveaux modèles d’élevage de veaux ». Des essais, pour rechercher de nouvelles possibilités de valorisation pour les veaux mâles issus du troupeau laitiers sont également menés à l’actuelle ferme expérimentale des Bouviers à Mauron. Enfin, en 2020, alors que la Covid-19 a, selon Interbev Aura, « exacerbé le phénomène », les deux interprofessions Cniel et Interbev ont ouvert des groupes de travail qui ont abouti à un rapport pour : améliorer l’adéquation disponibilité et les débouchés des veaux laitiers, avec notamment des outils proposés à la fois aux éleveurs laitiers et leurs acheteurs (proposition d’une contractualisation entre éleveur laitier et acheteur de jeunes veaux, guide d’évaluation des conformation des jeunes veaux laitiers (demande des acheteurs d’avoir des veaux conformés), publications de repères techniques pour la mise en marché…).