Élevage
Pour des élevages plus autonomes en eau

Françoise Thomas
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La sécheresse et les canicules de ces dernières années, et surtout de 2022, ont poussé les structures accompagnant les éleveurs à réfléchir aux solutions existantes et aux aménagements à envisager en matière de gestion de l’eau en élevage pour être le plus autonome possible.

Pour des élevages plus autonomes en eau
Les situations critiques pour nombre d'éleveurs à l'été 2022 pour l'abreuvement de leurs animaux ont poussé les structures agricoles à chercher un maximum de leviers et solutions. (c) LL / FDSEA69

Malgré les précipitations de ces dernières semaines, les premières mesures de restriction en matière d’usage de l’eau viennent de tomber. « Après une période de pluies hivernales insuffisantes, les ressources en eau dans le Rhône sont particulièrement vulnérables », détaille le communiqué de presse de la préfecture (à retrouver en intégralité ici). À l’issue du comité départemental et interdépartemental de la ressource en eau du 6 juillet, la préfète Fabienne Buccio vient donc de placer toute la partie nord, ouest et sud est du territoire en « alerte » ce qui implique des premières restrictions (voir le détail ici ou rechercher plus spécifiquement votre commune ici). Seule la partie centrale autour de Lyon n’est qu’en « vigilance ». Ce 10 juillet par ailleurs, le Rhône fait partie des départements placés en alerte canicule…

Dans un tel contexte, la profession agricole ne peut que s’emparer de la problématique eau. En 2022 notamment, beaucoup d’éleveurs du secteur ont été confrontés à « des problèmes d’abreuvement et se sont parfois retrouvé en situation critique », rappelle Gérard Bazin.  Une situation qui a poussé la chambre d’agriculture, le GDS et Rhône conseil élevage à réfléchir « sur quelles solutions imaginées ». 2022 a surtout révélé les fragilités de certains secteurs et les limites pour nombre d’exploitations, avec des sources taries, des rivières à sec, les restrictions d’eau décrétées, etc. L’an passé, dans l’urgence, des solutions ont été trouvées, mais les structures agricoles départementales ont donc décidé de s’emparer de la question pour révéler un maximum de leviers et de solutions possibles pour les élevages. L’idée étant de leur permettre de gagner en autonomie.

 


La journée technique autour de l’eau en élevage a intéressé de nombreux éleveurs. Ici chez Romain Poncet à Grézieu-le-Marché qui a mis en service il y a deux mois son installation entre forage et récupération d’eau de pluie dont on voit l’un des regards au premier plan et le bassin de décantation derrière le groupe.

De l’eau pour quoi 

Ainsi, deux matinées, les 6 et 7 juillet, viennent d’être organisées par le GDS, Rhône conseil élévage et la chambre d’agriculture chez deux éleveurs : Romain Poncet installé à Grézieu-le-Marché et au Gaec chez Chapelle à Thizy-les-Bourgs. 
L’intervenant Jérôme Crouzoulon est un ancien éleveur, originaire du Roannais, désormais formateur indépendant et spécialiste de l’eau en élevage. En parcourant chacune des deux exploitations, les éleveurs présents ont eu droit à un panorama complet des solutions possibles en matière de récupération, de stockage, de traitement et de distribution de l’eau.

L’intervenant l’a plusieurs fois rappelé : « avant de se lancer dans un quelconque aménagement, il convient déjà de faire un bilan très complet des quantités d’eau nécessaires à la conduite de la ferme et des ressources possibles ». Ainsi, au-delà de l’eau du réseau, quels sont les mares, étangs, rivières, récupération de l’eau de pluie possible. Un autre aspect primordial à prendre en compte est la qualité de ces différentes ressources, les risques et origines de pollution potentielle. « Il faut bien savoir qu’il n’y a pas de norme établie pour la qualité de l’eau destinée à l’abreuvement, stipule Jérôme Crouzoulon, la responsabilité de la qualité de l’eau donnée aux vaches est celle de l’éleveur ». Évidemment, certains endroits des fermes peuvent être soumis à la norme EDCH, pour eaux destinées à la consommation humaine. Il en est ainsi des salles de traite et ateliers de transformation par exemple. Mais le reste, abreuvement des animaux et lavages de quai et matériels, est donc laissé au libre arbitre de l’éleveur. « Le seul critère pris en compte en terme de bien-être animal, c’est le nombre d’abreuvoirs et la quantité d’eau à disposition », rappelle-t-il. En fonction de cette qualité d’eau, des systèmes de potabilisation peuvent être nécessaire « à penser et à dimensionner en fonction du volume à traiter ».


Une lampe UV participe à la potabilisation d’une partie de l’eau récupérée.

Différentes ressources en eau

Romain Poncet s’est lui installé à Grézieu-le-Marché en avril 2021 sur 40 ha, avec 35 vaches laitières. « Je ne voulais ni agrandir les bâtiments ni le troupeau, mon objectif était plutôt d’optimiser l’installation et d’obtenir plus de lait par vache ». Dans cet objectif d’optimisation, gagner en autonomie pour l’eau en faisant partie, « je ne voulais plus être raccordé à 100 % au réseau, notamment pour une question de coût ». Le  jeune agriculteur se lance donc dans la réalisation d’un forage et dans un système de récupération des eaux de pluies. Si les cuves de stockage de ces deux ressources ont été placés dans un même secteur, il s’agit bien de deux circuits séparés, « il est important de ne pas mélanger les eaux d’origines diverses dans les stockages », étaye Jérôme Crouzoulon. Ceci car les qualités sont très souvent différentes et donc les besoins de filtration et traitements aussi. « Avec un forage, il peut plus y avoir un risque d’une eau trop chargée en fer et en manganèse, ce qui n’est pas du tout le cas avec une eau de pluie, explique-t-il. Une eau de pluie peut être, elle, très chargée en bactérie, dû notamment aux fientes d’oiseaux sur les toits ».

Une analyse bactérienne et physico-chimique des différentes ressources est donc plus que conseillé pour déterminer les équipements de filtration et/ou traitement nécessaires. Une analyse à réaliser ensuite « minimum une fois par an ».

 


Les vaches ne vont plus avoir accès à cette zone, pour éviter tout risque de contamination de l’eau du forage.

Conseils et accompagnement 

Par ailleurs, les capacités de stockage d’eau de pluie seront déterminées par les quantités de précipitations annuelles car « il faut que ça tourne !, prévient Jérôme Crouzoulon, pour éviter tout problème de développement bactérien dans le stockage ». 
L’installation de romain Poncet a demandé plus de deux ans entre les premières ébauches et la mise en service. Un système globalement bien pensé, qui semble répondre aux attentes après deux mois  et demi de fonctionnement. Le jeune éleveur sait malgré tout qu’il aurait gagné du temps et mis en place une installation encore plus optimale s’il avait été conseillé. « D’où l’intérêt de matinées comme celles-ci, indique Chantal Weber, la directrice de GDS et Rhône Terre d’éleveurs, puisqu’un intervenant comme Jérôme Crouzoulon permet cette approche globale de la gestion de l’eau » et permet de lancer la dynamique de synergie entre les différentes structures présentes. 
Dans un premier temps, il a bien été rappelé à tout éleveur ayant un projet autour de l’eau sur son exploitation de se rapprocher du GDS, de RCE ou de la Chambre d’agriculture. Colin Dupré, le conseillé chambre eau et irrigation, reste l’interlocuteur à privilégier notamment pour déterminer les aides et financements possibles. « Tout type de projet peut être financé à 30 ou 40 % ; les aides possibles viennent du Département, du Plan filière abreuvement (Région), du Feader (Europe) », a-t-il notamment cité en parallèle des communautés de communes pouvant parfois être sollicitées.

Enfin, autour de cette problématique eau, « une formation sur deux jours va pouvoir être mise en place en fonction des besoins qui remontent du terrain », a-t-il aussi été précisé.

 

Selon les demandes émanant du terrain des journées complètes de formation pourraient être proposées dès l'automne prochain sur cette thématique de l'eau d'abreuvement. 

 

Territoire

Soutien départemental pour l’eau

À côté du plan ressource en eau permettant de bénéficier d’aides quand on s’équipe d’une cuve de stockage ou lors de travaux de forage, le Département a mis en place un plan « plus stratégique et plus sur le long terme », comme le présente Colette Darphin : le plan Eau et Rhône.

Validé dès l’automne dernier, le plan Eau et Rhône fait suite à l’été 2022 lors duquel nombre d’éleveurs ont dû trouver des solutions pour l’abreuvement de leurs animaux. Il propose plusieurs niveaux de réponses.

Pour parer à l’urgence, si besoin cet été, « l’achat de kits de branchement aux bornes incendies est proposé aux éleveurs, en partenariat avec la chambre d’agriculture, le SDMIS et les communes ». Très encadrée, cette solution est uniquement à destination de l’abreuvement du bétail.

En collaboration avec les services de l’État et les instances territoriales, il convient par ailleurs « de décliner une feuille de route stratégique entre diagnostic et expérimentations de nouvelles pratiques », détaille la première vice-présidente du Département.

Cette phase diagnostic va se concrétiser dès l’automne prochain notamment par un état des lieux des aménagements présents sur le territoire. « L’idée est de savoir combien il y a de retenues collinaires aux normes, privées, etc., au niveau du département ». Il conviendra ensuite de déterminer dans quels cadres précis faire appel à ces réserves d’eau pourrait être possible. « Les solutions pourront aussi venir du retraitement des eaux usées, poursuit Colette Darphin, nous ne sommes qu’au début de tout cela ».

Le plan Eau et Rhône, ce sont 5 millions d’euros prévus pour cinq ans, soit 1 million par an. Le Département espère d’ici deux, trois ans, pouvoir avancer des premières solutions.