L’exploit a fait les gros titres ! Loire Nord tennis de table (LNTT) est de retour en Pro A, presque six ans après l’avoir quitté. Après une finale remportée aisément vendredi 19 avril, le club de Roanne-Le Coteau est déjà tourné vers la saison prochaine. Entretien avec Marcel Livet, son président.
La promotion en Pro A était-elle votre objectif de début de saison ?
Marcel Livet : « Notre objectif, c’était le podium. Il a évolué vers un “pourquoi pas“ à partir du moment où nous l’avons emporté contre Tours. Une équipe qui, pour nous, était la plus forte de ce championnat. Dès lors, nos ambitions ont beaucoup changé, d’autant que nous les avons battus à nouveau en play-offs aller-retour. On a ressenti le soutien du public. C’est une très grande joie d’avoir dépassé nos objectifs et à celle-ci se substitue un peu l’énorme souci de trouver un budget, ce qui est mon rôle aujourd’hui (rires) ».
Depuis quand ce club existe-t-il ?
M.L. : « Ce club a été créé par la fusion de deux petits clubs roannais (AS Roanne) et costellois (AL Le Coteau) en 2002 par Philippe Ducrozet, lequel était encore président il y a six ans. Aujourd’hui, il est président d’honneur. Le LNTT a gravi les différentes étapes pour en arriver à la pro A. Des recrutements de jours étrangers ont été faits, dont celui de Yan Fan Feng, aujourd’hui l’un des deux coachs de l’équipe pro, naturalisé français depuis une vingtaine d’années. Il a été recruté à peu près à la même période que Jérôme Bahuaud. Ils ont gravi les échelons (Nationale 3, 2, 1, passage à la Pro B puis en Pro A deux saisons en 2018). Le club est ensuite redescendu en Pro B pour remonter aujourd’hui. »
Combien y a-t-il de licenciés ?
M.L. : « Le club compte 174 licenciés. L’état d’esprit ici, c’est le respect de tous les joueurs et la convivialité. S’il y a eu une chute assez significative des licenciés durant la période Covid, le nombre remonte depuis quelques années. Nous avons fait une progression spectaculaire des féminines, par le biais du « dynaping » (sport santé/loisirs). Nous attachons également une grande importance à la formation des jeunes, nous en avons plus de 60. Depuis septembre 2023, Yan Fan Feng fait une sélection de dix d’entre eux qu’il estime être des jeunes en devenir et leur assure trois séances par semaine. Certains d’entre eux font d’ailleurs une saison spectaculaire (classement individuel passé de 500 à 850 points). Je suis ravi de l’équipe pro bien sûr, mais j’ai la même satisfaction pour ces jeunes qui progressent. »
Quelle est la part de joueurs locaux et étrangers dans votre club ?
M.L. : « Nous n’avons plus de joueurs du cru jouant au haut niveau. Nous étions en National 3 jusqu’à il y a quatre ans. On a volontairement laissé chuter cette équipe pour ensuite réintégrer le championnat pré-national. Et là, bien sûr, on y retrouve que des Roannais. Mais il n’y avait pas un renouvellement qui s’annonçait : ceux qui jouent en pré-national sont des garçons qui ont entre 30 et 40 ans, mais il n’y avait pas la relève. Donc, la création de ce groupe sélectif avec Yan Fan Feng nous permet d’espérer que d’ici trois ou quatre ans, on puisse avoir un groupe de jeunes du cru qui va pouvoir prétendre jouer en pré-national, voire Nationale 3. Quand j’ai pris la direction, je trouvais que l’on ne formait pas assez de jeunes pour un jour prétendre, pourquoi pas, à une Nationale 1 ou Pro B. »
Roanne est avant tout une ville de basket ! Est-ce difficile pour le tennis de table de s’y faire une place ?
M.L. : « Cela n’a pas toujours été facile, c’était même encore complexe il y a quelques années. Depuis un an, je trouve que l’on a enfin une reconnaissance auprès de nos élus, de la Ville, de l’Agglomération et du Département. Régulièrement, j’invite des dirigeants ou représentants d’autres activités et nous allons voir leurs matchs comme ils viennent voir les nôtres. Nous sommes concurrents, mais pas seulement. Il a fallu faire évoluer les mentalités dans le club, pour faire prendre conscience à tous qu’il y a un long chemin à parcourir. On ne va pas se mettre à dos des gens qui ont déjà une grande notoriété. Aussi, depuis deux saisons, j’envoie régulièrement un petit courrier avec des entrées gratuites aux dirigeants des clubs que nous recevons en départemental ou en régional. Par exemple, il y a deux ans, nous avons disputé un match contre Issy-les-Moulineaux, délocalisé à Saint-Étienne. Il y a eu entre 500 et 600 personnes, c’est incroyable. »
Comment expliquez-vous cet engouement ?
M.L. : « Nous avons eu plus de 400 personnes pour les demi-finales pour du tennis de table, on ne voit jamais ça en France. Lors de la finale du 19 avril, nous en avons eu plus de 500. En ce moment, je reçois des coups de fils, des SMS et des mails, où l’on commence déjà à me demander si je vais renouveler les forfaits d’entrée. Les gens sont curieux de plus en plus tôt, ils veulent savoir quand commence le championnat et pensent déjà à réserver des dates. Des élus m’appellent pour venir. On a même créé un carré partenaires VIP pour la finale, avec une quarantaine de personnes à l’intérieur. Les clubs doivent vivre aujourd’hui non seulement avec les aides des institutionnels, mais aussi avec les partenaires. Et là, depuis le titre de Pro B, je reçois des appels d’entreprises, de commerces, etc. qui souhaitent devenir partenaires de notre club. Qu’est-ce qui fait cet engouement ? Je dirais que c’est la conjugaison de trois choses : la notoriété grandissante du tennis de table grâce aux deux frères Lebrun ou à Simon Gauzy ; les résultats de notre club, d’autant plus que nous n’avons pas perdu un seul match à domicile cette saison ; depuis le 1er décembre, une nouvelle recrue dédiée à la communication du club. On prend une tout autre dimension. »
Comment vous préparez-vous à la saison prochaine ?
M.L. : « Il va falloir faire un recrutement, mais ce n’est pas évident car dans ce sport, il a lieu entre février et la mi-mars. Mais l’an dernier, à cette même période, nous ne savions pas si nous allions passer en Pro A ou rester en Pro B. Comme convenu, Florent Lambiet, Elias Ranefur et Florian Bourrassaud restent au club, mais on a le départ annoncé de Louis Laffineur, qui a décidé d’arrêter le tennis de table à ce niveau. Il va falloir mettre le paquet sur un autre joueur, voire deux. L’idéal serait d’en avoir cinq ! Ce qu’il ne faut surtout pas négliger dans notre recrutement, c’est de protéger l’état d’esprit de cette équipe. Individuellement, ils n’ont pas été les meilleurs du championnat ; en revanche, c’était la meilleure équipe. Il y a une synergie, une vraie solidarité et on souhaite soigner cet aspect. Outre le recrutement se pose la question financière. On devra trouver de nouveaux sponsors et, si possible, pouvoir faire augmenter la participation de ceux déjà à nos côtés. Les dépenses seront naturellement augmentées. Une chance que nous avons, c’est que nos trois joueurs restants conservent leur contrat en l’état, contrat qu’ils ont signé pour deux saisons en 2023, malgré la promotion en pro A. Ils n’ont rien exigé, mais on pense leur accorder une belle prime de montée. Aussi, en Pro A, le budget le plus faible d’une équipe est de 440 000 euros, tandis que le plus important est à 1 million. Pour vous situer, nous sommes actuellement à 250 000 euros… »
Par quel(s) levier(s) comptez-vous augmenter vos finances ?
M.L. : « Beaucoup de communication, sans aucun doute ! On compte aussi expliquer ce que nous voulons faire la saison prochaine. C’est une saison de transition, on ne prétendra pas à un classement, on vise le maintien. Et puis, elle amène son lot de questions, comme, par exemple, sur le plan logistique : quand on va recevoir Montpellier, il faudra trouver une salle pouvant accueillir au moins 1 000 personnes si les frères Lebrun sont présents et jouent. Car la jauge de notre salle (Hélène-Boucher, route de Briennon à Mably, NDLR) est à 326, on peut tirer à 400 personnes maximum. J’estime donc que pour au moins deux matchs, on va devoir délocaliser dans une autre salle. Plusieurs structures sont à l’étude, mais cela fait partie d’une réflexion sportive que nous allons mener avec la municipalité dans les prochains jours. »
Axel Poulain
« Président d’un club, un travail à temps plein ! »
Marcel Livet n’a jamais pratiqué le tennis de table et pourtant, c’est un sport qui le passionne depuis ses 20 ans : « J’avais un groupe d’amis, pour la plupart Roannais, qui jouaient au haut niveau. Je suivais leur équipe, je faisais les déplacements avec eux en tant que bénévole/assistant/chauffeur, etc. Ma femme est par ailleurs régulièrement championne de France vétéran et a été deux fois de suite championne d’Europe en double dames. Roannais d’origine, j’ai quitté la ville pour des raisons professionnelles (chef d’entreprise pendant 25-30 ans, NDLR), avant de revenir il y a une dizaine d’années. Le dirigeant de l’époque m’a coopté pour que j’intègre le comité de direction, puis j’ai été nommé président, mais par défaut : mon prédécesseur s’est arrêté à la troisième année de son mandat pour des raisons professionnelles. Cela fait donc deux ans et demi que je suis président du club et c’est un travail à temps plein. On ne peut pas mettre n’importe qui. Je suis retraité depuis plusieurs années et je gère un club qui fonctionne finalement comme une société, à un ou deux détails près. »