Millésimes
Capacité de vieillissement des beaujolais et beaujolais villages

Charlotte Favarel
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Si la capacité de vieillissement des dix crus du Beaujolais n’est plus à prouver, celle des beaujolais et beaujolais villages non plus. Lors d’une dégustation dédiée aux millésimes anciens le mercredi 14 décembre à Porte-des-Pierres-Dorées, plusieurs professionnels du vin ont pu s’atteler à la tâche. Découverte.

Capacité de vieillissement des beaujolais et beaujolais villages
Plus de dix-sept domaines, caves et maisons sont venus présenter des millésimes anciens de beaujolais et beaujolais villages, l’occasion de discuter vieillissement.

C’est au château de l’Éclair, à Porte-des-Pierres-Dorées que le 14 décembre, l’Inter Beaujolais a organisé une dégustation de millésimes anciens de beaujolais et beaujolais villages. Pour l’occasion, dix-sept domaines, maisons et caves* étaient présents pour faire goûter leurs précieux millésimes. Organisée pour la venue dans le vignoble de Christophe Tupinier, rédacteur en chef de Bourgogne Aujourd’hui et auteur des guides des vins de Bourgogne-Beaujolais, cette soirée était placée sous le signe des échanges.

« Le meilleur est à venir »

Chaque année, la revue Bourgogne Aujourd’hui consacre deux de ses cahiers au Beaujolais. « En avril et en octobre on sort un cahier sur le Beaujolais. Le plus souvent, en octobre on parle des crus et en avril des beaujolais et beaujolais villages », expliquait Christophe Tupinier. Il garde un très bon souvenir de cette dégustation. Il explique en recherchant son carnet, qu’il avait attribué de très belles notes aux vins présentés. « Il y a une trentaine d’années c‘était les beaujolais nouveaux triomphants, on avait des crus de garde à ce moment-là, mais en beaujolais et beaujolais villages, peu de vignerons faisaient des vins de garde. Maintenant, on en trouve beaucoup plus. Ils ont plus de moyens qu’avant. Le meilleur est à venir », détaillait celui qui est aussi un des deux fondateurs de Bourgogne Aujourd’hui. Avec un volume de vin de garde qui est plus important qu’avant, des moyens qui ont progressé, le potentiel est évident.

Proposer de nouvelles choses avec l’expertise de l’ancien

« Il y a un savoir-faire plus maîtrisé et de nouveaux moyens technique en viticulture. Le réchauffement climatique permet aux grains d’être mûrs tous les ans. Avec les vieilles vignes présentes et le savoir-faire ancien, ça ne peut que faire des crus emblématiques ! », s’enthousiasme Christophe Tupinier. La particularité du Beaujolais est d’avoir des vins qui peuvent vieillir, « ce n’est pas donné à tout le monde », ajoute Christophe Tupinier. Avec un savoir-faire et une vieille tradition, le rédacteur en chef voit un potentiel évident sur vingt à trente ans. « C’est extraordinaire dans le Beaujolais il y a tout un tas de vielles vignes encore en place. La crise a fait que beaucoup n’ont pas eu les moyens de remplacer leurs vignes et le potentiel des vieilles vignes est assez unique. Le gamay est un cépage rustique, dans le bon sens du terme, il est plus résistant que le pinot noir pour moi. » La seule condition pour exploiter au maximum cette capacité de vieillissement pour lui est « qu’il faut les hommes et les moyens. On manque de vignerons pour mettre en valeur ce potentiel magnifique », conclut Christophe Tupinier.

Charlotte Favarel

* Étaient présents : Frédéric Berne, le domaine de la Madone (Bruno Bérerd), le domaine des Nugues (Gilles Gelin), le domaine Girin (Audrey et Thibaut Girin), le domaine Pérol (Anthony Perol), le domaine Chasselay (Fabien Chasselay), le domaines Chermette (Jean-Étienne Chermette), le domaine Longère (Jean-Luc Longère), les Vignerons des Pierres dorées (Sylvain Flache), la maison Jean Loron (Philippe Bardet), le domaine Fellot (Emmanuel Fellot), le château de l’Éclair (Fanny Courtial, Bertrand Chatelet et Michaël Larras), le château de Lavernette (Xavier de Boissieu), le domaine des Prévelières (Quantin Morel), le château de Pravins (Vladimir Vallat) et le domaine Joncy (Guillaume Joncy)

Le vieillissement, une pratique culturelle

Gilles Gelin est viticulteur au domaine des Nugues. Il était présent lors de la dégustation des millésimes anciens et pour lui, cette pratique se fait depuis toujours. « Déjà tout gamin, mon grand-oncle gardait les vins. On a bu un 1964 récemment. C’est assez culturel cette pratique dans la famille. » Pour lui, le gamay est un cépage qui traverse le temps aussi bien qu’un pinot ou qu’un vin de la vallée du Rhône. « Il faut juste savoir les travailler, et après, c’est la patte du vigneron qui s’ajoute. »

Deux raisons de conserver ses vins

Lors de la dégustation, Gilles Gelin a présenté des vins de 1991, 1998, 2006 et 2008, ainsi qu’un blanc en 2013. Il garde des vins tous les ans, et pour deux raisons précises. « Déjà pour faire découvrir le vin aux détracteurs de la région. En général, quand on ouvre un beaujolais qui a 10 ans, ça suffit à les faire taire, confie-t-il, rieur. Mais aussi pour comparer la vinification. Ça nous sert de point de repère quand on vinifie en fonction du millésime. On n’a pas vraiment le droit à l’erreur et avec tous les paramètres à prendre en compte, on retient ce qui a fonctionné sur un millésime pour le transposer sur celui d’après », termine-t-il.

C.F.