Beaujolais
Matières sèches et énergie en hausse

Charlotte Favarel
-

Déjà depuis le printemps, le coût des matières sèches augmentait et l’inflation n’a pas pris de vacances depuis. Avec la crise énergétique, l’électricité et le gasoil ont suivi le même chemin, quelle conséquence pour les viticulteurs ? Éclairages.

Matières sèches et énergie en hausse
Selon Pierre Brossette, vigneron à Theizé : « la hausse est présente depuis le printemps et concerne les matières sèches avec les bouteilles, les bouchons et les cartons…»

Après une crise sanitaire qui a ralenti les approvisionnements et le conflit en Ukraine, les acteurs du monde viticole n’ont pas d’autres choix que de s’adapter aux prix du marché qui subissent de plein fouet l’inflation et d’user de stratagèmes pour répercuter les hausses de prix. « C’est plutôt sur les emballages qu’il y a des réévaluations de tarif. Les viticulteurs répercutent le prix bouteille, ils ne sont pas tous couverts de la même manière, mais aujourd’hui on a tendance à dire qu’il faut revoir les tarifs par rapport à la hausse des intrants », explique Damien Raffin, responsable du conseil stratégique à Cerfrance Rhône et Lyon. Avec une hausse essentiellement ciblée sur les emballages et l’énergie, l’incidence se retrouve sur le prix des bouteilles. « Les viticulteurs ne sont pas les plus gros utilisateurs d’électricité, mais par rapport aux livraisons, c’est vrai qu’il y a beaucoup d’optimisation », constate Damien Raffin. Et Pierre Brossette le confirme. Vigneron à Theizé, il regroupe au maximum ses livraisons, « si je passe dans le 63 je vais prévenir le client en disant que je passe tel jour, mais s’il commande plus tard, je le préviens que ce sera plus cher en frais de transport. Sachant que tous les transporteurs ont augmenté leur prix, tous les secteurs sont impactés. On regroupe au maximum nos commandes pour ne pas rouler pour rien ».

Des situations propres à chaque domaine

Les situations peuvent être très disparates d’un domaine à l’autre, en fonction des volumes produits, chacun essaie d’adopter la stratégie la plus juste. Au domaine Brossette, Pierre Brossette regrette cette augmentation de prix : « la répercussion sera malheureusement faite en bout de chaîne. La hausse est présente depuis le printemps et concerne les matières sèches avec les bouteilles, les bouchons et les cartons… » En plus de son domaine, le vigneron fait face à une autre problématique : avec une pépinière viticole, sa consommation d’électricité est plus importante. « Pendant la période de vendanges, on a des groupes de chaud et froid qui sont en route. Et cette année ils ont tourné pendant six à huit semaines parce qu’il faisait particulièrement chaud. Avec notre pépinière viticole, on a deux à trois chambres froides qui fonctionnent du 15 novembre jusqu’à fin mai voire début juin. Ce sont des appareils réversibles qui sont en marche pendant six mois pour les plans de vignes. On a donc huit mois où les gros groupes tournent bien. Et on ne va pas arrêter nos groupes de froid ou de chaud pour que nos produits se gâtent… »

Du côté des caves coopératives

Les caves coopératives subissent elles aussi de plein fouet l’inflation et les difficultés pour s’approvisionner en matières sèches. Sébastien Robin, directeur de production chez Vinescence, a bien remarqué que depuis un an et demi, les prix des matières sèches sont en constante hausse. « Le prix des capsules n’avaient pas évolué depuis quatorze ans, alors que celui des bouteilles fluctuent plus. Il est quand même deux fois plus élevé qu’il y a six ans. Dès qu’on touche au prix de l’énergie, les impacts sont considérables… », se désole-t-il. À quelques nuances près, les prix de toutes les matières sèches ont augmenté : bouchons, capsules, bouteilles, cartons, étiquettes. « On est donc obligé de répercuter ces hausses sur nos prix de vente… », ajoute Sébastien Robin. À cette problématique d’inflation, s’ajoute celle de la disponibilité. « Pour les capsules par exemple, le délai est passé d’un ou deux mois à sept mois, ce qui complexifie grandement la mise en bouteille. On est obligé d’anticiper et de surstocker. » Le directeur de production signale par ailleurs les difficultés à trouver de la main-d’œuvre et a du mal à voir le bout du tunnel. À la cave du château de Chénas, les échos sont assez similaires. Didier Rageot, le directeur, explique que « nous sommes pris entre le marteau et l’enclume. Nos tarifs grossistes sont fixés jusqu’à mars 2023 et parallèlement, nous achetons 20 % plus cher les cartons et la verrerie, ce qui impacte considérablement nos marges. Ce cas de figure ne s’est encore jamais présenté ! ». Au niveau de la disponibilité de ces matières sèches, il faut composer avec les aléas : « récemment, le verrier avec qui on a l’habitude de travailler a dû annuler un camion entier de commandes. Il a fallu tout chambouler car on avait fait appel à des intérimaires qu’il a fallu finalement décommandés. Heureusement, on avait anticipé les choses donc pour l’instant, nous n’aurons pas de rupture… On avait fait une bonne année dans la filière au niveau des volumes de ventes, mais de nombreux nuages planent désormais au-dessus de nos têtes et nous n’avons pas de visibilité à court et moyen termes », conclut-il.

Emmanuelle Perrussel et Charlotte Favarel