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Face à la grêle, le vignoble beaujolais monte au filet

Simon Alves
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Pour lutter contre les dégâts de grêle dans les vignes, la chambre d’agriculture présente aux viticulteurs des équipements de filets paragrêle. Des dispositifs coûteux, mais aux résultats concrets et qui bénéficient de plus en plus de subventions.

Face à la grêle, le vignoble beaujolais monte au filet

Moderniser le vignoble beaujolais fait partie des nombreux défis qu’espère relever la chambre d’agriculture pour l’avenir de l’agriculture rhodanienne. Une mission qui passe notamment par l’adaptation de l’équipement des viticulteurs face aux changements climatiques. C’est dans ce cadre qu’un rendez-vous technique à destination des viticulteurs du secteur était organisé jeudi 22 juillet dernier à Romanèche Thorins, sur le domaine de Richard Rottiers, producteur de moulin-à-vent. Un lieu qui n’a pas été choisi par hasard puisque le vigneron a installé depuis 2018 un système de filets paragrêle sur une vingtaine d’ares de son exploitation qui compte 10 hectares de surface. « J’ai subi de fortes chutes de grêle en 2016 et 2017 et j’ai perdu 80 % de mon raisin deux années de suite, explique-t-il. Je m’étais dit à l’époque qu’il fallait que je commence à réagir. » Une réaction qui est passée par la prise de contact avec le fabricant EMIS France, spécialisé dans les tissus de protection agricoles, partenaire technique de ce rendez-vous et représenté par Philippe Méric, responsable commercial. L’entreprise, filiale du fabricant italien Arrigoni, propose ses services depuis soixante-quinze ans. « Nous avons été les premiers à répondre à une demande assez ponctuelle du monde agricole, détaille Philippe Meric. Les plus vieilles installa­tions de systèmes paragrêle que l’on peut retrouver chez nos clients aujourd’hui ont par exemple vingt ans. »

Des résultats concrets 

Ponctuel auparavant, le besoin de pro­tection est devenu bien plus fréquent avec le changement climatique. On compte + 350 % d’épisodes de grêle en dix ans et 9 exploitations sur 10 touchées tous les cinq ans. « Depuis quatre ans, la demande en filets est multipliée par deux chaque année », constate de son côté le responsable commercial. Surtout dans le cas de la grêle, où les dégâts sur la vigne peuvent parfois impacter très du­rement le rendement de la production. Comme lorsque Philippe Méric raconte que dans le Var, en deux heures de chutes de grêle, deux de ses clients ont perdu l’équivalent de 270 000 euros. C’est aussi pour démontrer l’efficacité de ce type de dispositif qu’une expérimentation a pu être menée par la Sicarex Beaujolais sur une parcelle de gamaret depuis 2018.

La chambre d’agriculture, par le biais de son technicien Brieg Clodore, a pu mettre en avant les résultats auprès des viticulteurs ayant assisté au rendez-vous de Romanèche Thorins. La Sicarex a no­tamment utilisé une vigne témoin sans filet et une autre protégée de six blocs et 50 grappes chacune pour comparer l’im­pact de la grêle. Sur la première, 81 % des grappes ont été atteintes, avec une intensité moyenne des dégâts évaluée à 21 %. La deuxième en revanche n’a présenté que 9 % de grappes atteintes (principalement celles plaquées contre le filet côté ouest) avec une faible intensité de 0,5 %. Autrement dit, une fréquence et une intensité respectivement diminuées de 89 et 98 %.

Un coût, mais aussi des gains 

Parce qu’il n’existe pas de méthode de protection sans inconvénients, le filet pa­ragrêle présente des aspects qui peuvent parfois rebuter. Le premier étant le prix à l’installation, qui est souvent au centre des premières questions que posent les viticulteurs. Selon les systèmes, cela peut aller de 10 000 à 30 000 euros/ha selon la surface à protéger et le type de vigne. Richard Rottiers, par exemple, a dépensé 5000 euros pour couvrir ses 20 ares de vignes en gobelet, alors qu’un tel dis­positif nécessite des rangs longs et peu d’écoins. Il faut aussi compter près de 20 heures de main-d’oeuvre pour installer le système qui induit d’ancrer le palissage. En parallèle, la balance semble pourtant pencher en faveur des gains selon l’étude de la chambre d’agriculture. Outre la protection contre la grêle, celle contre les oiseaux, le gibier et autres insectes a aussi été constatée.

Il faut aussi anti­ciper des économies de main-d’oeuvre sur le palissage (gain de 100 h/ha) et le relevage dans la mesure où la vigne est conduite entre les filets. Les baies sont de plus grosse taille (+28 %) et moins passerillées, et la concentration des vins en alcool, acides, tanins et anthocyanes diminue grâce à l’ombrage apporté par la protection. Côté mécanisation, le po­sitionnement des filets autorise le travail du sol, même si l’effeuillage nécessite le relevage des filets. L’ensemble de ces avantages permet aussi de se passer d’assurance, sachant que le dispositif peut « tenir vingt ans » selon Philippe Méric.

Une nouvelle aide de FranceAgriMer 

Alors que la question du coût demeure un repoussoir pour encore beaucoup de viticulteurs, de nouvelles subventions ont vu le jour dernièrement pour encourager l’installation des systèmes anti-grêle. Depuis le 12 juillet et jusqu’au 31 dé­cembre 2022, FranceAgriMer a mis en place dans le cadre du plan de relance un « programme d’aide aux investissements permettant d’améliorer la résilience indi­viduelle des exploitations agricoles face aux aléas climatiques dont la fréquence augmente (i.e. gel, grêle, sécheresse, vent-cyclone, ouragan, tornade). » Ce dispositif offre la possibilité pour tout viticulteur concerné de réclamer une aide allant de 2000 à 150 000 € hors taxe (le plafond pour les Cumas est lui fixé à 300 000 € par demande). Le taux d’aide est lui fixé à 30 ou 40 % du coût hors taxe des investissements éligibles selon les équipements choisis. Dans le cas des demandes portées par les en­treprises dont les nouveaux installés ou les jeunes agriculteurs détiennent au moins 20 % du capital social, le taux de base est majoré de 10 points, tout comme les Cumas. Pour réclamer l’aide, il suffit de se rendre sur le site Internet de Fran­ceAgriMer et de suivre les démarches de la télé-procédure dans la rubrique « ac­compagner ». Il faut y adjoindre les devis détaillés et chiffrés des investissements en identifiant le matériel choisi ainsi que les statuts de la société demandeuse. À noter enfin que le Plan Beaujolais permet lui aussi d’apporter un soutien financier à l’investissement dans ce type d’ins­tallation. n