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Concilier vie professionnelle et arrivée d’un enfant, un véritable défi

Pour les chefs d’exploitation, comme pour les salariés agricoles, devenir parents est une véritable étape. Préserver son exploitation et prendre du temps pour son nouveau-né peuvent vite s’avérer difficiles. Il peut être nécessaire de demander de l’aide et indispensable de s’organiser. Témoignages et éclairages pratiques.

Concilier vie professionnelle et arrivée d’un enfant, un véritable défi

Quel que soit le métier exercé, l’arrivée d’un enfant bouleverse forcément le quotidien. Celui d’une exploitation agricole n’échappe pas à la règle. « C’est surtout une fatigue mentale quand il faut se lever la nuit pour un vêlage et pour donner le biberon », confesse Guillaume Joux, éleveur de brebis en Gaec familial à Lompnas, dans le Bugey (Ain). Sa fille est née le 30 août dernier. Un véritable chamboulement pour le secrétaire général des Jeunes agriculteurs de l’Ain, qui a un peu laissé de côté ses fonctions syndicales. Le développement de sa nouvelle activité de maraîchage et la construction de sa maison, couplés à la naissance de sa fille, l’ont forcément obligé à réorganiser sa vie. « Je me suis beaucoup reposé sur la maman et ma grand-mère », admet-il.

L’importance de l’entourage

Vivre une grossesse et accueillir un nouveau-né demandent beaucoup d’énergie et d’organisation. Dès ses premiers mois de grossesse, Manon Durand, associée avec son père et éleveuse de bovins viandes dans la Dombes (Ain), a dû s’adapter. « J’ai été malade les quatre premiers mois, en pleine moisson, relate-t-elle. À ce moment-là avec le travail dans les champs et l’ensilage, j’ai vraiment subi ma grossesse. J’en ai presque perdu du poids. J’ai commencé à avoir peur, mais heureusement, ça s’est calmé. »
À partir de septembre, l’agricultrice a décidé d’arrêter de conduire des tracteurs. Par la suite, son père « a fait comme il a pu ». L’embauche de sa soeur en Tesa lui a permis de prendre du temps pour s’occuper de l’administratif. Pour la naissance de l’enfant, cette dernière a été embauchée par le groupement d’employeurs Agri Emploi pour la remplacer sur l’exploitation. L’arrivée de son apprentie, d’une grande autonomie, a également été un soulagement. « Ce n’est pas forcément la place des apprentis, mais c’est la réalité du terrain. J’ai eu une belle grossesse et le soutien de certaines personnes pour lever un peu le pied, mais on n’arrête jamais à 100 %. J’ai déjà prévu une poussette spéciale pour aller à la ferme parce qu’il y a des moments où on n’aura pas le choix. Le papa ne prendra pas ses jours, ce n’est pas possible parce qu’il fait de la prestation de services. »

Un congé paternité « peu adapté au milieu agricole »

Employer un apprenti à la naissance de son enfant est souvent une solution envisagée par les nouveaux parents. Hugo Danancher, éleveur de vaches charolaises en individuel dans le Val de Saône (Ain) a également fait ce choix. Il élève une soixantaine de vaches allaitantes pour 150 ha, tandis que sa compagne est infirmière libérale avec des horaires tout aussi décousus que les siens. « La naissance m’a conforté dans le choix de prendre un apprenti, malgré le coût », explique-t-il. La prise de son congé paternité a forcément été un moment agréable. « Mais il est peu adapté au milieu agricole, tranche-t-il. Ce serait bien de pouvoir le prendre, réparti sur une année complète et non de manière consécutive. Je suis en allaitant, cela m’aurait suffi de ne travailler qu’une heure et demie le matin et le soir. Le mieux ce serait que l’on nous octroie des heures, plutôt que des jours. »

Travailler tout en gardant son enfant, un choix impossible ?

Mélanie et Jean Dufour sont apiculteurs à Bren, dans la Drôme. Après avoir eu trois enfants, leur avis sur les congés maternité et paternité est plus que forgé. « Le congé paternité, il faudrait pouvoir le prendre à un autre moment, affirme l’apicultrice. Quant au congé maternité, il faudrait pouvoir l’adapter… Car il ne faut pas se leurrer : moi, je ne peux pas aller sur les ruches à 6 mois de grossesse. » Le dernier de la famille ayant 8 mois et ne pouvant toujours pas aller une journée complète à la crèche, le couple a choisi d’adapter ses horaires pour pouvoir le garder. « Heureusement que je suis agricultrice et que c’est une période creuse », concède Mélanie.
César Marze ne travaille pas avec sa femme. Lui est castanéiculteur et éleveur de volailles en Ardèche, à une quinzaine de minutes de Privas. Elle, travaille à l’hôpital d’Aubenas, excepté le mercredi. Le choix de trouver une nounou pour garder leur petite-fille était donc évident. « La nounou se situe sur ma route, à mi-chemin entre la maison et les bâtiments d’élevage, elle garde donc notre fille de 8 h à 18 h », raconte-t-il. Mais le père de famille admet avoir eu beaucoup de chance de trouver une personne compétente et disponible pour accueillir sa petite. « Un enfant qu’elle gardait s’en allait à ce moment-là, sinon il aurait fallu aller jusqu’à Privas… »
Lorsque les nounous et les crèches viennent à manquer, concilier vie professionnelle et vie de famille devient une nécessité. Dans le Cantal, sur le plateau de l’Aubrac, Emilie Mouliade et son compagnon, tous deux éleveurs de vaches laitières, ont accueilli leur fils il y a huit mois. « Nous n’avons pas de crèche dans le coin, mais toute notre famille est sur place et nous sommes en robot de traite. Quand l’un travaille, l’autre garde le petit », détaille la cheffe d’exploitation. Gardera-t-elle cette organisation lors de l’arrivée de leur deuxième enfant ? La réponse reste encore en suspens. 

Léa Rochon avec Margaux Legrat-Maillet

Trouver le meilleur mode de garde
PARENTALITÉ

Trouver le meilleur mode de garde

Après la prise des congés maternité et paternité, arrive la question du mode de garde. Si certains chefs d’entreprise font le choix de garder leurs bébés et jeunes enfants à domicile, d’autres optent pour un assistant maternel ou une crèche. Et faire le bon choix ressemble parfois à un parcours d’obstacles. « Nous avons un complément de mode de garde pour la nounou, ce qui aide bien, explique Bénédicte Chappaz, éleveuse laitière en Haute-Savoie. Ce qui est compliqué, c’est que nous sommes en décalé : quand les enfants rentrent de l’école, nous allons traire et nous ne les voyons finalement pas beaucoup, une de nos filles nous le dit d’ailleurs souvent. » C’était sans compter que leur perle rare de nounou part à la retraite à la fin du mois de mai. « On avait déjà eu du mal à la trouver… »

Une baisse continue d’assistants maternels 

Selon une étude des Chambres régionales de l’économie sociale et solidaire (CRESS), le premier mode de garde des enfants de moins de 3 ans est au domicile des parents par un membre de la famille proche. La famille représente ainsi 64 % des modes de garde en semaine entre 8 h et 19 h. Après la famille, les enfants sont accueillis à 19 % par des assistants maternels et à 18 % dans un établissement d’accueil du jeune enfant (EAJE).
350 000 assistants maternels étaient agréés fin 2020. Mais une partie seulement d’entre eux était effectivement en activité. Depuis 2015, ce nombre diminue chaque année.

De fortes inégalités territoriales 

Les capacités d’accueil des jeunes enfants varient selon les territoires. En 2019, le nombre de places potentiellement offertes pour 100 enfants de moins de 3 ans était compris entre 60 et 75 dans 40 départements. Il était néanmoins inférieur dans une trentaine d’autres. En particulier dans les départements et régions d’Outre-mer, certains départements franciliens, le Nord et le Pas-de-Calais et les départements les plus au sud de la France. 
À l’inverse, la densité de places est supérieure dans une trentaine de départements qui se situent, pour la plupart, dans une large bande allant de la Bretagne au Grand-Est. En Auvergne-Rhône-Alpes, le département le plus touché par ce manque de place était la Haute-Savoie (de 45 à moins de 60 places). La Haute-Loire était, quant à lui, le territoire le mieux loti avec plus de 90 places. Les autres départements de la région se situaient entre 60 et 90 places. En 2019, la Saône-et-Loire et le Jura comptaient entre 75 et 90 places d’accueil pour 100 enfants de moins de 3 ans.

Léa Rochon

En Auvergne-Rhône-Alpes, le congés paternité s’installe

En Auvergne-Rhône-Alpes, le congés paternité s’installe

 En 2021, le recours au Service de remplacement en Auvergne-Rhône-Alpes a bondi de 2,6 % par rapport à 2020. Fait notable : le nombre de congés maternité a progressé sur l’ensemble de la région.
Lancé en 1972, le remplacement en agriculture a connu de nombreuses évolutions, en lien avec les attentes sociétales. Reconnue d’utilité sociale par le ministère des Finances en 1973, la création du congé maternité des agricultrices en 1977 lui a conféré une première grande mission. Il aura fallu attendre 2002 pour que le congé paternité des agriculteurs voit également le jour. Progressivement, ces services se sont mis en place au sein des départements. Focus sur la région Auvergne-Rhône-Alpes qui en compte désormais 45.

Le congé maternité, troisième motif de remplacement

En 2021, le Service de remplacement Auvergne-Rhône-Alpes a cumulé plus de 690.000 heures de remplacement. L’équivalent de 87.000 jours, pour des journées de huit heures de travail, soit + 2,6 % en un an. « Cela peut s’expliquer par la reprise progressive des activités après la crise de la Covid-19 et la période de confinement », détaille la déléguée régionale. Au total, les remplacements ont été réalisés par 2 060 agents, correspondant à 461 salariés en équivalent, avec une majorité de CDD pour des durées allant de quelques jours à plusieurs mois. En comparaison avec l’évolution des chefs d’exploitation, l’intérêt de l’adhésion au Service de remplacement ressort très nettement. Une hausse de 1 000 utilisateurs en trois ans est à noter. La Loire, le Puy-de-Dôme et la Haute-Loire sont les départements avec la plus grande activité. L’Ardèche, l’Ain, la Drôme, l’Isère et la Loire ont connu une légère augmentation par rapport à 2020.
Les motifs de remplacement les plus fréquents restent les maladies, les accidents et le décès (34 %). Viennent ensuite les congés et les événements familiaux (28 %), puis, en troisième motif, les congés maternité (20 %). Selon le rapport de la délégation régionale, les congés paternité commencent à s’installer au fil du temps (6 % en 2021). D’une année sur l’autre, cette répartition semble rester stable.
À un détail près. « Cette année, nous observons une progression du nombre de congés maternité », illustre le rapport d’activités de la délégation régionale.

Un service dépendant de personnels compétents

Toutefois, selon les départements, le nombre de salariés compétents à temps plein n’est pas toujours suffisant pour couvrir l’entièreté de la demande. Il est parfois plus simple de soumettre directement un potentiel salarié au Service. C’est ce qu’a décidé de faire César Marze, castanéiculteur, arboriculteur et éleveur de volailles en Ardèche. Le jeune père de famille a donc décidé de contacter une ancienne saisonnière qui avait récolter des fraises sur son exploitation. « Tout s’est bien déroulé, je l’ai même prise en CDI ensuite. » Si cette aide lui a été précieuse pour ses cultures, le jeune père de famille admet avoir tout de même été obligé de travailler environ une heure et demie chaque jour. Et ce, même lors des sept premiers jours après l’accouchement. « En tant qu’éleveur de volailles, je me vois difficilement former quelqu’un sur les bâtiments, puisque dorénavant, beaucoup de choses sont électroniques… » Pour d’autres, le Service de remplacement a été l’occasion de se tourner vers la famille. « J’ai embauché mon père qui assure l’astreinte le matin et le soir, ça m’a permis de valoriser la dotation du Service de remplacement », relate Hugo Danancher, éleveur de vaches charolaises en individuel à Saint-Bénigne, dans le Val de Saône (Ain). Preuve, une fois encore, que la famille joue un rôle déterminant dans le quotidien des jeunes parents. 

Léa Rochon

MSA

Tout savoir sur les indemnisations possibles

Des indemnités journalières et, sous certaines conditions, une allocation de remplacement peuvent aider à conserver un niveau de revenu lors des congés maternité et paternité.

Lors de l’arrivée d’un enfant, naissance ou adoption, la MSA propose plusieurs aides et indemnités aux jeunes parents. Que la future mère soit salariée ou agricultrice, elle bénéficie d’un congé d’une durée de seize semaines. En général, il commence six semaines avant la date présumée de l’accouchement et se poursuit dix semaines après. Il est possible de l’écourter en respectant un congé obligatoire d’au moins huit semaines avant la date prévue pour l’accouchement. Si la grossesse se déroule bien, le report d’une partie du congé prénatal est possible avec l’accord du médecin. Lorsque la date de la naissance est différente de la date prévue (accouchement prématuré ou tardif), la période de repos est adaptée. En cas de maladie, un congé pathologique vient s’ajouter au congé maternité. Les indemnités journalières maternité des salariées agricoles sont ensuite calculées à partir des salaires perçus au cours des trois derniers mois précédant l’interruption de travail, dans la limite du plafond mensuel de la sécurité sociale en vigueur. La MSA verse ensuite ces indemnités tous les quatorze jours.

L’allocation de remplacement

L’agricultrice non salariée peut bénéficier de l’allocation de remplacement maternité, dès lors qu’elle participe à temps plein ou à temps partiel aux travaux de l’exploitation ou de l’entreprise. Une demande doit alors être adressée à la MSA dans les trente jours précédant la date d’interruption d’activité.
Le Service de remplacement dispose, ensuite, de quinze jours pour indiquer s’il peut ou non pourvoir au remplacement. À défaut, l’embauche directe d’un salarié pour effectuer le remplacement est possible, tout en bénéficiant d’indemnités journalières forfaitaires. Le montant de l’allocation est égal au montant des salaires et charges sociales du salarié embauché, dans la limite du salaire conventionnel correspondant à l’emploi. La MSA rembourse directement les frais, sur présentation de la copie du contrat de travail et du bulletin de salaire.

Le congé paternité rallongé

Ce fut une petite révolution pour les jeunes papas. Le 1er juillet 2021, le congé paternité a été allongé à vingt-cinq jours (trente-deux jours en cas de naissances multiples). Ce dernier est également devenu fractionnable dans les six mois après la naissance.
Pour les salariés, comme pour les non-salariés, une partie de ce congé doit être obligatoirement prise à compter de la naissance de l’enfant pour une période consécutive de sept jours. « Nous voulions que le père soit aux côtés de la mère après la naissance, explique Philippe Fraysse, juriste expert de la protection sociale au sein de la Caisse centrale de la MSA. L’assuré doit prendre cette période, sinon il n’aura pas droit à une indemnisation lors de ces vingt-cinq jours. »
Durant toute la période de leur congé paternité, les chefs d’exploitation ou d’entreprise agricole peuvent être remplacés et prétendre à l’allocation de remplacement de paternité. Pour être effective, la demande doit être faite dans un délai d’un mois avant la date estimée de naissance de l’enfant.


MSA avec Léa Rochon