Anciens exploitants
« Il faut de la diversité dans les circuits de commercialisation »

Simon Alves
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COMMUNICATION / Entre hier et aujourd’hui, la communication a évolué, tant sur le contenu des messages à diffuser au grand public que sur les façons de les transmettre. Le monde agricole doit s’adapter comme en témoignent plusieurs anciens exploitants qui n’ont pas perdu le fil. Rencontre avec Gérard Budin, ancien producteur laitier à Montrottier, au sujet de l'évolution de la demande du consommateur.

« Il faut de la diversité dans les circuits de commercialisation »
Ancien exploitant et responsable à la FNPL, Gérard Budin jouit d'une grande expérience de la relation entre consommateur et producteur.

Si vous cherchez de l’expérience concernant l’évolution du marché de la production agricole et de la demande du consommateur, vous seriez bien avisé d’en discuter avec Gérard Budin. Ancien éleveur laitier et producteur de fruits rouges à Montrottier, où il vit toujours, le retraité septuagénaire a eu à se frotter à tous les maillons de la chaîne pendant sa carrière, du producteur au distributeur. Administrateur de la coopérative Orlac, président de Sodiaal et de la Fédération nationale des coopératives laitières (FNCL) : l’ancien agriculteur a enchaîné les postes à responsabilité. « Quand il faut définir des stratégies, il faut s’intéresser au consommateur et à ce qu’il demande, justifie Gérard Budin. Ce que j’ai pu voir, c’est que l’évolution de cette demande a été très forte et qu’elle n’a pas forcément servi le paysan français. » Une question de contexte, selon lui, dans une Union européenne qui aura vu les garde-fous et la régulation des prix sacrifiés sur l’autel de ce qu’il dénonce comme la « sacro-sainte concurrence ».

En parallèle, la tendance dans la demande tournée vers la favorisation des circuits courts et de l’agriculture bio semble avoir pris le pas sur les filières longues. Cette orientation, Gérard Budin la comprend. « Concernant le bio, ces besoins sont justifiés, on n’a pas suffisamment raisonné l’utilisation de pesticides, reconnaît-il. Ce retour à la proximité a un vrai intérêt pour le consommateur comme le producteur qui garde sa marge. Mais ça ne doit pas servir d’alibi pour rejeter tout le reste. » Pour le retraité, bien qu’essentiels, les nouveaux modes de consommation ne peuvent pas définitivement remplacer l’agriculture dite conventionnelle ou l’export. « C’est même risqué pour l’économie française », prévient-il, prenant pour exemple les spécificités territoriales des différentes régions agricoles nationales. « Si on ne vendait que par circuits courts, le Beaujolais n’aurait pas beaucoup de chances, poursuit Gérard Budin. Il faut de la diversité pour que tous les territoires aient des activités économiques rentables. »

Si les circuits courts ont effectivement le vent en poupe, ils ne doivent pas occulter une réalité : le consommateur reste, selon ses moyens, à la recherche d’un prix avantageux, et est aussi tenu par son rythme de vie. « Tout le monde ne peut pas aller au marché ou faire une heure de route pour aller sur une exploitation selon ses horaires de travail. La GMS apporte aussi de la variété. Il n’y a pas d’un côté les gentils qui font du circuit court et du bio, et de l’autre les méchants de la filière longue et de l’exportation. Il faut nuancer. Ceci dit je condamne fermement la propension de la grande distribution à s’accaparer les marges dans la filière longue et mettre ses partenaires d’amont dans des situations injustes et de précarité » conclut Gérard Budin.