Climat
Des gelées préjudiciables aux cultures

David Duvernay
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Depuis mardi 6 avril, les cultures ont souffert d'une vague de froid survenue au plus mauvais moment. Ce gel de printemps a notamment sévi cette nuit de mercredi à jeudi. Les producteurs constatent des dégâts qu'il faudra affiner dans quelques jours.

Des gelées préjudiciables aux cultures

Le Beaujolais viticole n’a pas échappé à cette vague de froid qui s'est abattue depuis mardi sur toute la France. La nuit dernière (du 7 au 8 avril), des vignerons se sont rendus dans leurs parcelles pour tenter de sauver les bourgeons les plus développés (paille brûlée, feu de sarments, etc.). "J’ai fait brûler de la paille dès 5 h, mais ça brillait tellement…. Je viens de faire un tour des vignes et je trouve des bourgeons noirs. Dans mes parcelles de chardonnay, qui avaient trois feuilles, il ne reste plus grand-chose non plus…", déplore Julien Matray, vigneron au domaine du Père Jean à Saint Lager. Comme lui, de nombreux vignerons et vigneronnes ont fait le tour de leurs vignes afin de constater d'éventuelles dégâts. Pour Daniel Bulliat, le président d’Inter Beaujolais, il est encore trop tôt pour faire un état des lieux précis. "On en saura plus quand la vigne aura poussé dans quelques jours. Une chose est sûre, les zones précoces ont été touchées ce jeudi. Inversement, des parcelles sur les hauteurs ont eu des dégâts les deux nuits précédentes. Autre certitude, on sait que la récolte 2021 sera petite en quantité, sachant que nous n’avons plus de stocks, on risque de manquer de vin. On n’avait pas besoin de cela…".

 

Ce jeudi matin, ce vigneron de Charentay a fait brûler de la paille pour sauver sa parcelle de chardonnay.

« La nature, belle et cruelle »

Dans les côtes-du-rhône septentrionales, cette nuit du 8 avril restera tristement dans les mémoires aussi. Les appellations condrieu et côte-rôtie n’ont pas été épargnées, avec une température de -3°C de minuit à 7 h selon Michaël Gerin, président de côte-rôtie. "Les pertes sont encore difficiles à estimer mais je pense que 50 % de notre appellation est touchée. Ce n’est pas une bonne nouvelle. Mais c’est la nature, elle est belle et cruelle à la fois. On a tenu les deux premières nuits. Mais la troisième a été la goutte de trop. Et puis dans notre vignoble de coteaux, on n’est pas équipé pour se prémunir du gel qui, de toute façon, était trop violent". Selon Christophe Pichon, son homologue de condrieu, il faut remonter à 2003 pour constater un tel épisode de gel aussi important. "Là, toutes les zones sont concernées. Avec notre cépage viognier, on peut espérer des contre-bourgeons reproductifs comme ils le sont parfois."

Les producteurs de fruits ont également eu des sueurs froides ces deux dernières nuits (7 et 8 avril). Certains utilisent des dispositifs antigel dans leurs vergers. C’est le cas d’Alain Coquard de Bessenay. Ce jeudi 8 avril, le jour n’est pas encore levé et la nuit a été longue pour ce dernier. Il teste cette année les bougies Stopgel sur 3 à 4 ha d’arbres sur les 10 ha que compte son exploitation (pêches, prunes, pommes, abricots) et a installé aussi des braséros. "Cela fait plusieurs saisons consécutives que nous subissons un coup de froid au printemps, l’an dernier, j’ai perdu toute ma production d’abricots et j’ai eu des dégâts sur d’autres productions ! En ce début avril, les abricots sont déjà formés, pour les autres, la fleur est passée, c’est donc une période délicate." À 6 h du matin ce 8 avril, il faisait entre -5 et -6 °C d’où l’intérêt de réchauffer tant bien que mal l’atmosphère…

Plus d'informations à lire dans notre édition papier du jeudi 15 avril.

En grandes cultures, il est encore tôt pour se prononcer. Aux dires d’Éric Farré, responsable de l'équipe agronomie, environnement et énergie à la chambre d’agriculture, contacté le 9 avril, « le diagnostic pourra être réalisé en fin de semaine, mais a priori les dégâts devraient être rares et très localisés ». « Du stade épi 1 cm à 2 nœuds, les céréales sont sensibles au gel avec des températures inférieures à - 4°C sur une durée prolongée pour que le froid « pénètre » à l’intérieur des organes. », indique-t-il.

 

Maraîchage : pas de dégâts majeurs pour l'instant
Les salades repiquées en plein champs ont été touchées par le gel, mais seules les feuilles les plus anciennes sont impactées : les cœurs, eux, sont intacts et devraient à priori repartir.

Le gel a également touché les cultures en maraîchage, « mais la situation n’a pas la gravité qu’elle a en arboriculture ou en viticulture, loin s’en faut », affirme Thierry Dansette, conseiller agricole de la Chambre d'agriculture du Rhône spécialisé en maraîchage. Après avoir eu au bout du fil des maraichers du val de Saône, du nord de Lyon et des coteaux du Lyonnais, le conseiller agricole de la Chambre constate que la situation est « globalement rassurante, même s’il encore un peu tôt pour se prononcer ». Les cultures sous abri n’ont pas souffert de cet épisode de gel. « Lorsque qu’il y a eu des problèmes, ils se situent vers les entrée et sorties d’abris lorsque les protections ont été mal mises. C’est donc marginal ; s’il y a des dégâts, c’est que les précautions nécessaires n’ont pas été prises». Pour les cultures plein champs, situées notamment au nord de Lyon et dans le val de Saône, les cultures sous voile P17 ont plus souffert des forts vents de la semaine passée que du gel en lui-même. Des interrogations demeurent néanmoins sur l’état des cultures non bâchées. « Les repiquages en plein champs avaient déjà commencé pour les salades, mais cette part de non bâchée est tout de même faible, les dégâts sont marginaux ». Le froid a touché les feuilles les plus anciennes des salades, mais les cœurs eux devraient à priori repartir. En revanche certaines cultures non bâchées ou débâchées comme les betteraves potagères sont touchées, notamment dans les zones de Miribibel, les Échets et Rillieux. « Pour les semis précoces, le pronostic est plus pessimiste, il risque d’y avoir des dégâts mais ce n’est pas chiffrable pour l’instant. En revanche, dans le Loiret, il a 60 % de gel sur cette culture ». Quant aux oignons cultivés en plein champ, elles sont à priori hors de danger, l’espèce pouvant supporter des températures allant jusqu’à -9, voir -10 degrés. « La seule conséquence qu’il peut y avoir est un risque de montaison, mais l’on verra les conséquences en mai ou en juin ».