Courtiers en vins
Le point des courtiers sur le vignoble français

Charlotte Favarel
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Pour la deuxième fois depuis vingt-cinq ans, c’est dans le Beaujolais que s’est tenu le congrès de la Fédération nationale des syndicats de courtiers en vins et spiritueux de France (FNSCVSF). Les seize grandes régions viticoles ont pu partager leurs chiffres et leurs expériences. Entre problème de stock, revalorisation et montée des prix, un point sur la situation. 

Le point des courtiers sur le vignoble français
Jérôme Prince, président de la FNSCVSF et le secrétaire général, Olivier Richard ont fait le point sur la Bourgogne et le Beaujolais. ©CF/IAR

Le 67e congrès de la Fédération nationale des syndicats de courtiers en vins et spiritueux de France (FNSCVSF) s’est tenu le vendredi 24 juin au Hameau Dubœuf, à Romanèche Thorins (71). Un moment opportun où chaque région viticole a fait le point sur sa situation.

Beaujolais : entre 130 €/hl et 500 €/hl

« Depuis 2020, on considère que le Beaujolais est en rémission. Avec le cumul de différents paramètres, on a perdu la moitié de la surface, de 10 000 ha, nous sommes passés à 6000 ha pour les beaujolais et beaujolais villages. C’est un petit vignoble qui s’est équilibré avec l’attraction, il plait aux consommateurs grâce au travail fait au niveau de l’œnotourisme », retraçait Olivier Richard, courtier en Beaujolais, vice-président délégué au Beaujolais du syndicat de Grande Bourgogne et secrétaire général de la FNSCVSF. La production de crémants prend également une place importante depuis 2008, « les opérateurs bourguignons viennent s’approvisionner en Beaujolais puisque le vignoble produit 51 % des crémants de Bourgogne ». Si en 2022, la moyenne de rendement était à hauteur de 42 hl/ha, « les cours et marchés se portent bien. On compte 130 €/hl en 2020 et 300 à 310 €/hl aujourd’hui pour les beaujolais. Côté crus, les prix oscillent entre 400 €/hl et 500 €/hl ». Avec un manque de disponibilité, « l’indicateur de la grande distribution est à l’orange avec une hausse des prix qui a une incidence sur les consommateurs. Il faut consolider la position et trouver un équilibre entre l’offre et la demande ». Néanmoins, de belles perspectives de récolte sont attendues en 2023.

Pas peu fier des retours faits sur le Beaujolais, Jérôme Prince, président de la FNSCVSF qualifie la région « de l’une des plus belles de France. Avec une vision claire et un pilotage économique, le Beaujolais renaît de ses cendres et donne de l’espoir aux autres régions en difficultés ».

La vallée du Rhône en surproduction

Avec 1 500 000 hl de récolte en 2022, « il y a une difficulté sur les appellations génériques », remarque le syndicat du vignoble. Depuis vingt ans, l’action stratégique reposait sur le vin rouge qui ne connaît plus le succès d’avant. « Il faut penser aux outils de régulation, on a souscrit à la distillation. Malgré le fait d’être l’appellation la plus vendue, on reste en surproduction. » Si la Vallée du Rhône n’a pas eu recours à l’arrachage pour l’instant, les crus, eux, fonctionnent bien à l’export. « On plante 70 ha par an de crozes-hermitage pour pallier la demande. Les valeurs montent dû à la demande sur les crus et à l’inflation des matières sèches. »

Alsace, Champagne et Bourgogne se portent bien

Avec une belle qualité en 2022, l’Alsace connaît un équilibre de production entre l’offre et la demande. « On a une jolie dynamique de vente des crémants avec une augmentation à deux chiffres et une réserve qualitative pour réguler le marché. 2023 se présente bien avec une récolte généreuse, à suivre pour la qualité. »

Si la crise sanitaire et une mauvaise récolte 2021 ont vidé les stocks, la région viticole de Champagne a pu reconstituer sa réserve en 2022. « On a connu un record de commercialisation avec 325,9 millions de bouteilles vendues, dont 42 % en France et 58 % à l’étranger. » Si le marché américain se tasse, « il est absorbé partiellement par le marché asiatique. Il y a une grosse tension niveau approvisionnement avec une forte demande du négoce ».

« En 2022, on a fait 1 750 000 hl de récolte en Bourgogne, qui s’est montrée assez qualitative comparé à l’année 2021. » Avec une situation stable, et une année en cours qui se déroule sans accroc côté météo et maladies, « tout le monde espère une récolte de qualité avec un volume généreux pour tasser les prix. Il y a cependant un risque de Bourgogne bashing à cause de leur augmentation. Si la situation est positive, attention à ne pas verser dans l’ultra luxe avec des prix stratosphériques », alertait Jérôme Prince. Même tendance du côté du Mâconnais avec « des prix vracs qui se maintiennent et une belle récolte 2022 ».

La Provence et Bordeaux face aux difficultés

Avec des disparités d’appellations, « nous sommes en pleine réflexion avec les coteaux varois pour comprendre les enjeux et problèmes ». Si le rendement a déjà baissé cette année de 55 hl/ha à 42 hl/ha, « il faudra une décision structurelle et structurante ». Pour les côtes-de-provence, « les rendements devraient baisser aussi, on n’a pas d’eau et des problèmes de maladies avec des phénomènes de grêle accumulés ».

Côté bordelais, « nous sommes en crise, entre l’arrachage, la distillation et la capacité de commercialisation en retrait… 85 % du vignoble est en rouge et on est conscient du problème sur le rouge ». Ce n’est pas moins de 800 000 hl qui sont en demande pour la distillation, « c’est une situation compliquée malgré le stock qui ne s’écoule pas ».

Une régulation du marché

Pour Jérôme Prince, « il ne faut pas avoir peur d’une réglementation pour la survie de la profession ». Il insiste sur le rôle d’accompagnement qu’ont les courtiers vis-à-vis des producteurs, toujours « avec une éthique élevée ». Avec cinq centres d’examens en France et 90 candidats cette année, « on compte une réussite à 78 %, avec un très bon niveau, garant d’une bonne organisation de la profession ».

Charlotte Favarel