MFR
« Nous sommes là pour développer leur esprit critique et d’analyse »

Charlotte Favarel
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Si l’agriculture a toujours fait partie de la vie de Coralie Chorain, l’enseignement, lui, est arrivé plus tard. Après des études agricoles et plusieurs expériences, elle prend un poste de formatrice à la MFR de Saint-Laurent-de-Chamousset. Elle confie avec passion sa vision de l’enseignement. 

« Nous sommes là pour développer leur esprit critique et d’analyse »
Coralie Chorain, entourée de ses élèves de BTS ACSE première année, lors d’une formation au GAEC des Tulipes, à Saint-Martin-en-Haut, sur le diagnostic durabilité de l’exploitation.

Fille d’agriculteurs, Coralie Chorain se lance dans un BTS productions animales après un lycée agricole. Au travers des stages en élevage caprin, elle se découvre une véritable passion pour la vente directe et le contact avec les clients. Elle devient responsable de magasins de producteurs en 2009 et rejoint l’exploitation laitière du père de ses enfants en 2013. Attachée à sa profession, elle est engagée depuis 2009 avec les Jeunes Agriculteurs et aime donner à voir une image positive du métier. Après quelques changements personnels, elle rejoint une autre exploitation caprine en 2017 et s’occupe de la vente directe et de la transformation. Deux ans plus tard, elle apprend qu’une place en MFR se libère et, à 33 ans, elle donne ses premiers cours en tant que formatrice en agroécologie et zootechnie. 

Comment se sont passés les débuts à la MFR ? 

« Je pars du principe que je ne sais pas tout et je le dis directement aux élèves au début de l'année. Je recherche de l'échange entre eux et moi et si les élèves peuvent compléter les cours, qu'ils le fassent. Tout ce qu'ils voient sur les lieux de stage est d'autant plus important et intéressant pour tout le groupe. On a des référentiels sur certains modules et une ligne de conduite. On crée nos modules en fonction en y incluant pas mal de pratique. Par exemple, sur la question de la sélection génétique sur une exploitation, on donne un plan d'étude et les élèves vont demander à leur maitre d'exploitation pourquoi avoir choisi cette race, au niveau génétique qu'est-ce qui les intéressent, comment ils procèdent, quels sont leurs choix, qu'est-ce qu’ils font progresser sur le troupeau et pourquoi, etc. J’aime aller sur le terrain et leur dire vous voyez : ça on l'a vu en cours et là on l'applique. Voilà pourquoi c'est important. Et quand c'est un technicien en plus qui apporte ces valeurs-là, tout de suite, ça a de l’impact. 

Je fonctionne beaucoup avec l'humour, l'autodérision et la dérision, pour éviter les prises de tête que je n'aime pas. Je préfère détendre l'atmosphère pour faire exploser une situation désagréable. Et je pars du principe que je ne sais pas tout, c'est pour ça que j’ai suivi une formation proposée par le GDS. Venant du terrain, je crains de m'encroûter entre les référentiels et ce que j'ai déjà pu écrire sur les cours. J'essaie de me tenir au courant de ce qui se passe. Ce n’est pas forcément facile de l'inclure dans nos cours parce que l'agriculture évolue beaucoup et vite. »

Tu dis avoir suivi une formation avec le GDS, dans quel but ? 

« La formation m'a permis de me remettre à jour sur des choses que j’aborde en cours. J'essaie de lire des revues, de me tenir au courant avec mon cercle amical et familial. La formation m'a confortée et rassurée sur ce que j’apporte à mes élèves. Quand on donne la définition de l'agroécologie, on veut une exploitation viable, vivable. On regarde comment on travaille pour que tout le monde aille bien avec le respect du sol, de l'air, de l'eau, etc. Le fait d'aller en formation avec des éleveurs m'a presque fait peur au départ parce qu’aujourd’hui les éleveurs ont une pratique que je n'ai plus et une curiosité immense. Ils se mettent à la page tout le temps parce que la législation les y oblige. J'espère être dans l'air du temps en incluant les notions de bien-être animal, c'est très important et ça va le devenir encore plus. On a des futurs éleveurs allaitants donc le diagnostic Boviwell, s’ils sont en charte qualité, c'est totalement obligatoire. On essaie tout le temps d’évoluer et de se mettre à la page. »

Quel est l’enjeu d’avenir majeur en tant que formateur ? 

« Apporter l’ouverture d'esprit, les connaissances techniques, économiques et législatives. Je pense que nous ne sommes pas seuls. Il y a la maison familiale, les formateurs, mais il y a d'abord le jeune, la famille et surtout le terrain avec les maitres d'apprentissage. Je n'aime pas trop quand on dit transmettre ou apprendre, je préfère les termes de faire connaitre ou ouvrir l'esprit. Nous sommes là pour développer leur esprit critique et d'analyse. 

Et le renouvellement des générations ne se fera que si nous comprenons tous qu'il faut accepter les évolutions. J’aime bien dire aux élèves qu’on a plein de choses à faire évoluer. Je pense qu'il y a une question de personnalité aussi. Mais on a une liberté phénoménale, et c'est génial. »

Charlotte Favarel