Élevage
Sécheresse, la mission d’enquête suit son cours

Charlotte Favarel
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Dans la continuité, la mission d’enquête « sécheresse sur fourrage » supervisée par la DDT a visité plusieurs exploitations du secteur Nord, Sud et centre Nord la dernière semaine d’octobre. Un constat commun des récoltes : perte de quantité et de qualité.

Sécheresse, la mission d’enquête suit son cours
Photo d’archives prise en 2020. Cette année, l’ensilage d’herbe n’a pas été concluant pour Johann Besson et Noël Vallet.

Déjà au printemps, la saison s’annonçait sèche. Il n’a pas fallu passer l’été pour que les éleveurs piochent dans leurs réserves d’hiver afin d’alimenter leurs bêtes. Une tournée sécheresse a rendu visite à plusieurs exploitants* jeudi 20 et vendredi 21 octobre dans les secteurs Nord, Sud et centre Nord, un constat commun ressort : une mauvaise récolte tant en volume qu’en qualité.

Le maïs, grand perdant de l’été ?

À Saint-Bonnet-le-Troncy, Noël Vallet a reçu la visite de la direction départementale des territoires (DDT) vendredi 21 octobre. Avec une exploitation individuelle, 56 ha en production laitière dont 2,5 ha de céréales, 9 ha de maïs et le reste de prairie temporaire ou naturelle, Noël dresse un mauvais bilan des récoltes : « il y a eu une pousse d’herbe au printemps mais début juillet, les vaches sont passées en ration d’hiver. Pour l’ensilage d’herbe, la récolte a été moyenne, le foin c’est pareil et je ne vous parle pas du maïs… J’ai plus de 50 % de perte avec une mauvaise qualité », regrette-t-il. Avec 80 bêtes sur l’exploitation, dont 40 vaches laitières et leur suite ainsi que des génisses à viande, seules les génisses ont pâturé de juillet à septembre. « Normalement mes vaches ont du maïs tout le temps, mais cette année, le maïs a très peu d’amidon, on l’a ramassé de bonne heure, il n’avait presque pas de grains. J’ai acheté 27 t de maïs en épi… », confie l’éleveur. 30 km au Nord, à Saint-Bonnet-des-Bruyères, Johann Besson du Gaec Charruge témoigne d’une perte de récolte similaire. Avec 133 ha dont 15 ha de maïs ensilage, 5 ha de triticale en autoconsommation et le reste en prairies temporaires et naturelles, les récoltes ont été divisées par deux. « Au printemps pour l’ensilage d’herbe, on a fait plus de moitié moins que l’an passé, pareil pour le foin. On a ensilé 14 ha d’herbe et ça n’a pas rempli le silo alors que normalement il nous faut seulement 8,5 ha », constate-t-il. Si l’enrubannage a été correct, le maïs lui a donné du fil à retordre. « On a récolté 5 t de matières sèches/ha alors que d’habitude on est à 12 ou 13 tonnes/ha, s’étonne Johann Besson, même mon père n’avait jamais vu ça. » Avec 45 laitières montbéliardes, 50 charolaises et un élevage hors-sol de 400 mères lapines, il a fallu piocher dans les provisions pour nourrir les bêtes. « Pour les allaitantes et les génisses, on a complété plus de trois quarts de la ration journalière à partir de début août jusqu’à fin septembre avec les réserves d’hiver… », regrette le jeune éleveur. En plus d’une récolte pauvre en quantité, la qualité n’est pas au rendez-vous, « pour le maïs, la qualité est estimée à 5 % de grains pour certaines parcelles, donc ça n’a quasiment pas de valeur… ». Concernant l’eau, même avec une source, Noël Vallet a usé d’alternatives : « j’avais réparti mes génisses à plusieurs endroits dans les près, comme j’ai plusieurs points d’eau. Pour les vaches, j’ai transporté de l’eau pendant les trois mois d’été. J’ai une source mais j’ai dû prendre un peu plus sur le réseau. » Même constat du côté de Johann Besson, « on a acheminé bien plus d’eau que d’habitude, il y a normalement pas mal d’eau mais là, des parcelles n’en ont pas eu de l’été ! ».

Quel présage pour demain ?

Avec un été sec, la saison d’automne tarde à s’installer durablement. Néanmoins, l’eau refait surface. « Aujourd’hui l’herbe repousse, s’enthousiasme Noël Vallet, les génisses peuvent pâturer, il n’y a plus besoin de les complémenter. Les vaches sont toujours à la pâture avec 75 % d’alimentation d’hiver, c’est mieux que sur les mois de juillet, août et septembre. » Depuis le début du mois d’octobre, les prés repoussent et l’eau revient, ce qui permet d’économiser du fourrage et de redonner aux prairies de leur superbe. Et l’éleveur a misé sur la prudence. Il devrait recevoir 22 t de foin de luzerne et 10 t de foin de prairie. « J’ai acheté pour tenir l’hiver et l’année prochaine, jusqu’aux prochaines récoltes. » Au Gaec Charruge, le fonctionnement diffère. Pas de commandes passées pour l’instant, « on va finir au mois de mars l’année prochaine sans stock, on verra à ce moment-là », lançait Johann Besson. Concernant la prochaine saison, c’est le point d’interrogation. Avec des prairies naturelles qui ont souffert et qui n’ont pas d’herbe, il faudra miser sur une saison de printemps optimum pour une meilleure récolte 2023. « Chez nous, on relève la pluviométrie et on constate qu’il manque 400 mm d’eau sur l’année. L’hiver a été sec et au printemps les prairies séchaient, regrette le jeune éleveur. S’il ne pleut pas cet hiver, l’année prochaine va être compliquée… »

Charlotte Favarel

*Les exploitations visitées pour le secteur Nord : Gaec Nove Josserand à Charentay, EARL La ferme des Perelles à Taponas, EARL Auclair à Drace, Gaec Les Bucherettes à Deux Grosnes, Gaec Charruge à Saint-Bonnet-des-Bruyères Pour le secteur Sud : Gaec Tuileries à Genas, EARL De l’étang des Combes à Colombier Saugnieu, Gaec du grand pré à Longes, EARL de la couronne à Condrieu, Lobre Jacques à Chabanière, EARL de la Belline à Mornant Pour le secteur centre Nord : EARL du Cret Pirot à Les Sauvages, Gaec Barras à Ronno, Gaec du Crocomby à Lay, Gaec Gonon à Thizy-les-Bourgs, Vallet Noël à SaintBonnet-de-Troncy