Inter Beaujolais
Les 6 défis du nouveau président, Philippe Bardet

Charlotte Favarel
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Philippe Bardet et Daniel Bulliat ont échangé leur rôle au sein de l’interprofession. Si le négoce est aujourd’hui à la présidence, l’accent est mis sur la valorisation et le dépassement du plafond de verre pour les vins du Beaujolais. Le nouveau président expose ses ambitions à travers 6 défis.

Les 6 défis du nouveau président, Philippe Bardet
Daniel Bulliat et Philippe Bardet ont échangé leur place de président et vice-président de l’appellation, tout en affirmant la solidité et la fidélité de leur binôme. ©CF/IAR

Changement de présidence pour Inter Beaujolais. Le 20 juillet, dans le caveau du domaine des Compagnons du Beaujolais à Lacenas, le négoce représenté par Philippe Bardet a pris la présidence de l’interprofession. « Le cap a été tenu malgré la Covid et la guerre en Ukraine, introduisait Daniel Bulliat. Si je dois faire le bilan, je parlerais de 5 points essentiels à mes yeux : l’identité forte du Beaujolais, le renouvellement des générations, la transition écologique, la compétitivité des entreprises et surtout, le bien travailler ensemble. C’est ensemble qu’on réussit. »

Produire des vins de qualité en volume suffisant

Techniques et commerciaux, Philippe Bardet a présenté 6 défis majeurs pour le vignoble ces prochaines années. « Le premier objectif est que la région retrouve ce potentiel de production. La perte de la surface en gamay est un drame, nous devons retrouver le ratio des 600 000 hl. La priorité est à la replantation des vignes et de l’approvisionnement en greffons, la fertilisation des sols et l’adaptation de nos modes viticoles pour s’adapter au changement climatique. » Le projet Qanopée répond totalement en ce sens. Lieu de prémultiplication sous serre, ce projet mené avec la Bourgogne et la Champagne pour diffuser le matériel végétal devrait être opérationnel en 2025. La Sicarex assure la partie intermédiaire entre la sélection du matériel végétal et la diffusion directe auprès des vignerons. « L’hiver dernier, 2,8 millions de greffons étaient demandés, seulement 1,3 million ont été fournis », rappelait Jean-Pierre Rivière, président de l’ODG beaujolais – beaujolais villages et coprésident de la commission recherche et développement d’Inter Beaujolais.

« Produire propre »

Le nouveau président encourage les acteurs à travailler sur la responsabilité environnementale. « Il faut adapter la viticulture à l’arrêt d’herbicide, à baisser son empreinte carbone et à développer l’agroécologie. » Pour motiver ces pratiques, la chambre d’agriculture du Rhône répond présente avec l’accompagnement de groupe comme Vigneron.ne.s du vivant en beaujolais. « Ils et elles expérimentent collectivement des pratiques et essais agroécologiques et d'agroforesterie en viticulture », rappelle Thibault Laugâa, conseiller viticulture. Plusieurs formations sont également proposées concernant les couverts végétaux, la biodiversité et l’entretien mécanique des sols.

Les « nouveaux grands vins de terroir » et la diversification

Expression répétée à de nombreuses reprises lors de l’assemblée générale : faire des vins du Beaujolais « les nouveaux grands vins de terroir ». « Consolider le style de nos vins rouges élégants, charnus et agréable à boire mais aussi poursuivre la mise en avant des lieux-dits, la montée en gamme et la production de grands vins blancs de terroir est une priorité », énumère Philippe Bardet. Et l’objectif est grand : « 60 000 hl de blanc produit d’ici cinq ans ».

Cap sur la valorisation pour ce nouveau mandat, avec une « premiumisation » des vins et un objectif d’en faire des nouveaux grands vins de terroirs. ©Vins du Beaujolais, Etienne Ramousse

Evolution des circuits de distribution

Côté commercial, l’ancien étudiant qui a fréquenté les bancs de l’école de commerce EM Lyon a son idée concernant le marché. « Il faut faire évoluer les circuits de distribution et prendre position auprès de nouveaux distributeurs. Nous devons sortir des circuits du passé. » Ventes en ligne, sites Internet, activités œnotouristiques et restauration gastronomique sont à l’ordre du jour pour encourager cette évolution.

Le juste prix

« Tous les opérateurs doivent avoir la fierté de vendre leur production à sa juste valeur », défend Philippe Bardet. Il encourage à « crever le plafond de verre imposé depuis longtemps ». Pour lui, le modèle des grands vins de Bourgogne est un exemple à suivre. Avec une segmentation comprise par les consommateurs entre vins de fêtes et d’exception, « certains ont réussi à passer la barre des 20 € à 80 € la bouteille ».

De la Beaujonomie, partout

Focus sur l’export pour Philippe Bardet, le nouveau président veut en faire « une obsession au quotidien. Nos vins plaisent au Japon, en Suède, aux États-Unis et en Angleterre. Les marchés anglosaxons sont décomplexés ». Décomplexé, c’est d’ailleurs le dénominateur commun pour le nouveau président. En profitant de l’élan attrayant du Beaujolais, « de sa belle santé économique, il faut accompagner des investisseurs extérieurs dans nombre de projets, et pas seulement la vigne ».

Et l’objectif est de rayonner internationalement avec des salons comme Wine Paris et des événements grandissants comme Bienvenue en Beaujonomie. « L’objectif pour l’édition 2024 est de dépasser les 50 domaines participants en touchant des gens différents, et en attirant même des étrangers. Il faut maintenir le cap sur la premiumisation du beaujolais. » Un nouveau rendez-vous sera donné pour les primeurs, « les Rendez-vous beaujolais » afin de promouvoir l’ensemble du vignoble. L’objectif est de créer un partenariat avec 500 cavistes, « et déjà 160 inscrits, pour mettre en avant l’ensemble du vignoble à l’échelle mondiale. Nous sommes le seul vignoble qui profite de ce créneau international, il faut l’utiliser plus efficacement », motive Gilles Gelin, coprésident de la commission communication d’Inter Beaujolais avec Grégory Large.

Charlotte Favarel

Marché du vin

Générations, concurrence et autres facteurs de baisse

Ségolène Camuset, du CNIV et Anaëlle Joret, d’Inter Beaujolais ont fait état de la situation de la consommation du vin. Grâce à l’observatoire économique mis en place par l’interprofession, place à la stratégie et à la compréhension du marché. 

Si le marché fluctue, tout a une explication. C’est ce qu’ont montré Ségolène Camuset et Anaëlle Joret lors de l’assemblée générale d’Inter Beaujolais le 20 juillet. « Nous faisons face aux tensions de 4 crises : climatique, pandémique, géopolitique et inflationniste », introduit Anaëlle Joret, responsable de l’observatoire économique. Si les volumes exportés sont restés stables en 2020 et 2022, « l’ensemble des appellations françaises observent une chute en 2023 ».

Pourquoi la consommation baisse ? 

Si depuis les années 1960 on assiste à un long et lent déclin, Ségolène Camuset l’explique avec des éléments éclairants. « Il y a eu une baisse globale de la consommation d’alcool et un recul des vins sans indication géographique. On observe un contraste générationnel très marqué. Aujourd’hui, les personnes âgées de 66 ans et plus achète en moyenne 61 bouteilles par an alors que les moins de 35 ans en achètent 13. » Dans les années 1980, un Français sur deux consommait du vin tous les jours, aujourd’hui ce chiffre est passé à 11 %. La majorité des Français consomment de manière occasionnelle.

Des concurrents qui ont pris des parts de marché

Si le marché français du vin connait un déclin régulier, 1 % de la consommation se perd tous les ans. « La bière a pris de nettes parts de marché chez les jeunes, on observe une progression avec une gamme premium et de l’innovation de la part de ces acteurs. »

Au niveau cartographique, le marché français peut bien compter sur la distribution alimentaire, avec 51 % de parts de marché, suivi des cafés, hôtels, restaurants (CHR) avec 30 % des parts du marché, puis des ventes directes (11 %) et des cavistes (8 %).

Se réinventer

Si l’attractivité du Beaujolais reste forte, « certaines menaces planent comme la chute du volume de production, la concurrence, la modération et l’inflation ». Ségolène Camuset et Anaëlle Joret préconise de se réinventer. « De savoir s’adapter à la mutation de la consommation, de trouver un prix premium en grande distribution et de développer le potentiel de croissance à l’export. »

C.F.

Le nouveau président d'Inter Beaujolais, Philippe Bardet, s'exprime sur la revalorisation du prix des vins du Beaujolais.