Formation
Dans l’ombre des MFR

Marie-Cécile Seigle-Buyat
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Lundi 29 août, les premiers élèves ont fait leur retour à la maison familiale rurale (MFR) de Saint-Romain-de-Popey. Le coup d’envoi d’une nouvelle année scolaire à partager avec ses camarades évidemment, mais également avec les formateurs et les personnes de l’ombre qui rendent leur quotidien plus doux, comme à la maison. Rencontre avec plusieurs d’entre eux.

Dans l’ombre des MFR

Pour les élèves comme pour l’équipe, la « MF’ » c’est un peu comme une deuxième maison. « Nous sommes une grande famille et comme dans toutes les familles nous partageons une vie intense, à mille à l’heure. » Irène Guyot travaille depuis trente-six ans à la MFR de Saint-Romain-de-Popey, « avec quelques interruptions pour la naissance de mes deux enfants » et pour elle, l’établissement est son « univers ». Depuis 1986, elle remplit la délicate mission de responsable de collectivité, de « maîtresse de maison » comme on l’appelle dans le réseau des MFR. « Au fil des années, mes missions ont évolué. Au départ, je m’occupais essentiellement de l’intendance et de l’économat. Depuis, j’ai également en charge la location de nos bâtiments et diverses autres tâches. » Comme elle, au cœur des 12 MFR du département et d’ailleurs, ils sont nombreux à œuvrer souvent dans l’ombre pour rendre le quotidien des jeunes plus doux. « Je travaille en équipe avec notre cheffe cuisinière, Martine Bon et Sylvie Noyel qui œuvre en cuisine et s’occupe de l’entretien. Nous nous complétons. Nous collaborons également avec toute l’équipe pédagogique et les personnes en charge des bâtiments. Nous sommes tous complémentaires. Ici, c’est le collectif qui prime. C’est comme cela que les choses fonctionnent ».

Rire et douceur

Sébastien Magat et Élizabeth Chambard composent un autre duo. Leur journée démarre avec l’étude à 18 h quand la cloche a sonné la fin des cours. Elle s’achèvera vers 22 h pour Élizabeth après l’animation et au lever du jour pour Sébastien après la surveillance de l’internat. « Nous sommes assez complémentaires. Sébastien sait comment les faire rire tout en assurant une réelle autorité. De mon côté, je suis davantage dans la douceur », commente Élizabeth. Chaque jour, les deux animateurs proposent aux élèves diverses activités. « Ils ont accès à une salle de musculation. Nous les accompagnons au cinéma, au trampoline, au bowling…. », explique Sébastien qui en tant qu’ancien entraîneur de boxe n’hésite pas non plus à sortir ses gants pour initier ceux qui le veulent. Car les animations ne sont pas obligatoires et sont parfois, au grand dam des animateurs, concurrencées par les téléphones portables toujours plus présents chaque année. Alors pour y remédier et permettre aux jeunes, qui pour certains doivent retrouver les codes de la vie en collectivité, de s’épanouir, les animateurs récupèrent les mobiles tous les soirs au moment de l’étude et ne leur les rendent que le lendemain matin.  

« C’est ça l’esprit MFR »

« C’est ça l’esprit MFR »

Surtout, Irène, Sébastien, Élizabeth et les autres « porteurs d’eau », comme aime à s’appeler Sébastien en référence aux manifestations sportives, sont des oreilles attentives, toujours ouvertes. « Ils peuvent pousser ma porte pour se confier quand ils veulent, et si ce n’est pas la mienne, ils trouveront toujours quelqu’un à qui parler : formateur, intendant, directeur, animateur… », commente Irène. Cette dernière s’est d’ailleurs récemment formée à la programmation neuro linguistique (PNL) pour donner aux jeunes des « outils pour se projeter plus facilement dans leur avenir professionnel comme personnel, pour les accompagner dans leurs émotions ». 

Redonner confiance

Redonner confiance

« Nous sommes un peu comme leur grand frère et leur grande sœur. Nous sommes à l’écoute, nous essayons de les connaître pour que les plus jeunes notamment prennent leurs marques. Nous essayons de leur redonner confiance », explique Sébastien. « Nous devons permettre à ces jeunes de vivre leur adolescence avec le plus d’insouciance possible sans leur cacher pour autant la réalité des choses. Depuis le début de ma carrière, j’ai toujours pris beaucoup de plaisir à partager la vie des jeunes. J’aime participer à leur faire découvrir de nouvelles choses », sourit celle qui, chaque année, avoue trouver poignants les derniers jours d’école où les jeunes, eux aussi la larme à l’œil, désertent les bâtiments et les cours de la MFR. Alors au-delà des missions intrinsèques à son poste, Irène propose aux jeunes de les accompagner dans la mise en place d’action de solidarité. « Il y a quelques années, nous avons aidé plusieurs MFR sénégalaises. Nous avons vendu des gâteaux, des objets… pour récolter des fonds pour soutenir des femmes pour l’achat d’une décortiqueuse à céréales. Nous sommes ensuite allés là-bas avec un petit groupe d’élèves pour voir si ce projet avait abouti », se souvient Irène qui apprécie que du temps lui soit dégagé pour pouvoir mettre en place ce type d’actions. « C’est ça l’esprit MFR », souffle celle qui a également obtenu son permis transport en commun pour pouvoir notamment accompagner les jeunes en sorties.
Alors, depuis trente-six ans, quand l’heure de la rentrée sonne, c’est avec plaisir qu’Irène reprend le chemin de l’école. Un plaisir partagé par Sébastien qui anime les soirées des jeunes depuis dix-huit ans et par Élizabeth qui a poussé la porte de la MFR pour la première fois il y a deux ans maintenant. « C’est la première fois que je sens que je suis à ma place, que je suis utile à la collectivité », souffle Élizabeth avant de repartir auprès des jeunes qu’elle accompagnera jusqu’en juin prochain.