Union des crus
Chiffres, montée en gamme et prix rémunérateurs

Charlotte Favarel
-

Protéger, gérer et promouvoir les dix crus sont les missions de l’organisme de défense et de gestion (ODG) des crus. Mardi 21 février se tenait l’assemblée générale de l’Union des crus à Régnié Durette. Un moment de partage et de bilan sur l’année écoulée, mais aussi de réflexion sur l’avenir.

Chiffres, montée en gamme et prix rémunérateurs
La salle des fêtes de Régnié-Durette affichait complet pour l’assemblée générale de l’ODG des crus du Beaujolais.

« Le marché du vin doit faire face à la déconsommation. La France voit se multiplier des réglementations allant à l’encontre du maintien des productions, avec des impasses techniques sans solution. Mais notre Beaujolais a su faire preuve de résilience. Par exemple, avec la valorisation de nos vins, la montée en gamme qui nous oblige à proposer des vins encore plus qualitatifs et sans défaut », introduisait Jean-Marc Lafont, président de l’ODG des crus du Beaujolais, à la salle des fêtes de Régnié-Durette. Véritable tradition, l’assemblée générale du 21 février a rassemblé de nombreux viticulteurs.  

Plus de 230 000 hl récoltés mais un stock en baisse

Si depuis 2020 les chiffres sont en baisse côté récolte, 2022 est en légère hausse par rapport à l’année précédente. « 237 066 hl ont été récoltés, tous crus confondus », annonçait Nathalie Chuzeville, directrice de l’ODG des crus. Même progression pour le rendement : avec plus de 40 % en 2022, l’évolution se veut positive. Il faut toutefois garder en tête la disparité au sein du territoire. Avec 224 ha de surface, chénas obtient un rendement moins important (34,9 hl/ha) que brouilly et ses 1158 ha (43,7 hl/ha). C’est morgon, avec 1 066 ha qui marque le record de rendement : 47,1 hl/ha.

Côté restructuration, si depuis 2015 il y avait davantage de vignes plantées qu’arrachées, la tendance s’était inversée jusqu’en 2020. On compte 112 ha renouvelés en 2021-2022 et 545 ha depuis 2014.

Si les ventes reviennent au niveau d’avant-Covid pour les dix crus du Beaujolais, les stocks sont à surveiller : 17 % de stocks en moins que l’année dernière. « Avec 1047 récoltants pour les dix crus, 45 % de la commercialisation se fait directement par les producteurs et 55 % par les négociants. Côté commercialisation finale, 30 % sont vendus aux particuliers lors de salons, foires ou en livraison, 23 % en GMS (grande et moyenne surface), 30 % en CHR (cafés, hôtels, restaurants) et 17 % à l’export », précisait la directrice.

Montée en gamme 

Depuis 2019, l’ODG a lancé un programme de montée en gamme en trois niveaux : connaître, conforter et obtenir la reconnaissance. La valorisation des lieux-dits fait le lien avec l’histoire du Beaujolais, elle est ouverte à tous les vignerons et réalisable pour tous les crus. Sur l’ensemble du Beaujolais, un travail de recensement a été fait. « On a mis à jour des fiches appellations pour l’ensemble des crus, Inter Beaujolais actualise les revendications des lieux-dits par cru, on a également les mentions recensées et un travail est en cours pour la recherche toponymique des 569 lieux-dits », énumère la directrice. Pierre Prost, président du cru chiroubles témoigne de son expérience : « on a travaillé sur l’identité de chiroubles pour connaître les points forts du cru, ses points faibles et sa singularité. Installé sur un sol granitique rose, on est à 410 m d’altitude en moyenne. » Cru du Beaujolais le plus pentu, chiroubles a trouvé sa singularité dans ses données géographiques. « Chiroubles, terroir d’altitude », notion caractéristique qui permet de faire connaitre le cru, a le vent en poupe. « On a de bons retours des journalistes et des opérateurs, ça permet de gagner en notoriété », s’enthousiasme le président.

Concernant fleurie, Sylvain Paturaux, son président détaille les avancées. « Après la recherche historique, il y a un travail sur la revendication. Une fois l’identification du terroir, on demande à chaque opérateur ses pratiques spécifiques sur les cuvées. L’objectif est de reconnaître les lieux-dits en premier cru. »

Le juste prix : deux outils de calcul

Le président de juliénas, Jérôme Corsin, a ensuite pris la parole pour présenter deux nouveaux outils de calcul concernant la production et la commercialisation. Avec l’aide de Cerfrance, ces outils permettent de calculer le coût de revient simplement. Dans le respect de la loi EGalim, l’outil intègre le renouvellement du vignoble et une juste rémunération pour le chef d’exploitation. Il aide à la construction des prix de revient des vins en vrac et des vins mis en bouteilles. Sur un tableur prérempli avec les données 2021 de Cerfrance, il suffit pour les opérateurs de remplir certains paramètres comme le mode de conduite ou le rendement pour les coûts de production et le prix à l’hl avec les charges inhérentes de la vente bouteille pour la commercialisation. « Un très bon travail de fond gratuit et à la portée de tous », félicitait le président de l’ODG des crus.

Charlotte Favarel

Les AOC, gestion individuelle ou gestion collective ?
« À l’heure où rien n’est simple, nous sommes en train de démontrer qu’en restant unis, avec ambition, bon sens et pugnacité, nous pouvons petit à petit construire un vignoble prospère parfaitement intégré dans son territoire », selon Jean-Marc Lafont, président de l’ODG des crus.
Table ronde

Les AOC, gestion individuelle ou gestion collective ?

La Drôme, la Bourgogne et l’Auvergne étaient au rendez-vous pour la table ronde autour de la question de la gestion des AOC. Les présidents de l’ODG des vins de Bourgogne, de l’AOC clairette-de-die ou encore de l’AOP salers sont venus témoigner de leur vécu. 

« Il ne faut pas tenir pour acquis le retour de notoriété des vins du Beaujolais », prévenait Nathalie Chuzeville en préambule de la table ronde « Les AOC, gestion individuelle ou gestion collective ? ». Si le Beaujolais connaît une revalorisation de son vin, le travail de l’ODG est de préserver ces appellations qui font rayonner le vignoble dans le monde entier. Question gestion, outils collectifs et pédagogiques, trois invités étaient à l’honneur pour partager leurs expériences.

L’AOC clairette-de-die

Fabien Lombard, président de l’AOC clairette-de-die a fait part des réajustements qui ont touché l’appellation. « Le marché des bulles était en progression, avec anticipation il y a eu beaucoup de plantations de vignes mais le cahier des charges de la clairette-de-die rosée a été annulé en 2018. On a dû faire un réajustement depuis concernant les rendements. Quand les stocks pèsent, la valeur se perd », confiait-il. En 2019, le conseil d’administration vote une baisse de rendement à 50 hl/ha. Depuis, les rendements sont ajustés en fonction des besoins de la commercialisation. Si cette décision n’a pas plu à tout le monde, Fabien Lombard explique ce choix : « il y a toujours des mécontents mais être le plus précis possible c’est important, il faut expliquer les choses, et dans notre situation, réduire le rendement quelques années permet de rebondir ensuite. »

L’ODG des vins de Bourgogne

À la suite de gros aléas climatiques de 2016 à 2021, Bruno Vernet, président du syndicat des vins de Bourgogne, partage la stratégie mise en place : « on a eu une perte de marché et les prix ont flambé, il fallait tout reconstruire. La connaissance du marché est cruciale, si on connaît nos mois de stocks et de commercialisation, on peut déterminer les rendements. Savoir son niveau de stock permet d’assurer les marchés et d’en faire un peu plus pour faire vieillir. » Pour lui, le VCI (volume complémentaire individuel) peut être un super outil quand il est bien utilisé. Il sait qu’avec huit mois de stock, le marché est stable, six mois, il est trop bas et douze mois de stock, on tend vers le surstockage. « Si la parcelle est individuelle, l’appellation est collective. Par des contraintes, on est arrivé à mener les appellations là où elles sont. »

L’AOP salers

Après un souci sanitaire en 2005 qui sonne l’arrêt de la filière salers, il a fallu se réinventer et miser sur la qualité. « Entre 2010 et 2011, on faisait des volumes saisonniers, d’avril à novembre, les stocks grossissaient mais les affineurs n’achetaient plus », témoigne Laurent Lours, président de l’AOP salers. Une décision s’impose. « Si on perd 10 % de production, on fera le même chiffre d’affaires mais au moins, on ne cassera pas le produit. On a eu des échanges de producteurs à producteurs. On est allés chez tous les producteurs pour un plan RRO (règles de régulation de l’offre) et en expliquant bien, on a obtenu 70 signatures. C’était indispensable pour la qualité et les volumes. » Depuis, les affineurs jugent le produits toutes les semaines et le prix de salers est monté. « La réussite est collective, on fait vivre l’AOP, elle ne nous appartient pas », concluait-il.

Ces trois exemples illustrent des choix parfois compliqués à faire pour les organismes. Que ce soit en viticulture ou en fromage, l’intérêt est la durabilité et la reconnaissance de l’appellation.

Charlotte Favarel

Les dates à retenir

  • Du 26 au 28 avril, congrès CNAOC en Beaujolais.
  • Du 16 au 18 juin : Bienvenue en Beaujonomie.
  • 13 juillet : étape du Tour de France à Belleville-en-Beaujolais.